Sources : L'Isoumission
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Ce mardi 1er mars 2022, au sixième jour de la guerre russe en
Ukraine, l’Assemblée nationale était convoquée en session
extraordinaire. D’un ton grave, Jean-Luc Mélenchon, à contre courant des
va-t-en-guerre omniprésents dans les médias et à « gauche » de
l’échiquier politique, a prononcé un discours pour la paix et la
désescalade. Du Jaurès dans le texte. Convocation d’une session
extraordinaire de l’OSCE pour discuter des frontières, neutralité de
l’Ukraine, dénucléarisation, non alignement face au nouvel ordre
mondial, le favori de la gauche a proposé une méthode d’action à 40
jours de la présidentielle. Notre article.
Entre la guerre en Ukraine et le nouveau rapport du GIEC, l’heure est grave
Sixième jour de guerre. Lendemain de la sortie du nouveau rapport
du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC). Deux ans après l’arrivée fracassante du Covid-19 dans nos vies
en mars 2020, deux ans de confinements, deux ans de privations, deux ans
d’Hôpitaux à bout de souffle et alors que la pauvreté explose dans
notre pays. Le contexte, morose, est posé. C’est celui de cette journée
du 1er mars 2022.
Alors que le peuple ukrainien se trouve encore, à l’heure où nous
écrivons ces lignes, sous les bombes russes, le gouvernement avait
convoqué une session extraordinaire de l’Assemblée nationale ce 1er mars
pour débattre de la guerre. C’est dans ce contexte pesant, sinistre,
que le leader des insoumis est monté au perchoir de l’Assemblée
nationale. D’emblée, Jean-Luc Mélenchon a affiché la couleur :
« Prenons de la hauteur pour mesurer le désastre dans lequel nous
sommes plongés dans ce moment. Le GIEC annonce des changements
irréversibles dans le climat, la moitié de l’Humanité et de la
biodiversité sont menacés mais nous sommes cloués dans un conflit qui
peut dégénérer à tout instant en guerre nucléaire détruisant plus vite
encore toute l’Humanité ». Le ton est grave, le ton est donné.
« Le seul chemin rationnel est celui de la paix. Il porte un nom clair : la désescalade » : Jean-Luc Mélenchon
Jeudi matin, le monde s’est réveillé le sang glacé. Avec une étrange
sensation. Celle d’être revenu dans les heures les plus sombres pour les
plus anciens, celle de l’ouverture d’une escalade guerrière jusque là
inconnue pour les plus jeunes. « En une nuit d’invasion, le
gouvernement nationaliste de la Russie vient de nous ramener au 19éme
siècle, quand les différents entre les puissances se réglaient par la
guerre. De nous ramener au 20eme siècle quand toute guerre en Europe
devenait mondiale ».
Jean-Luc Mélenchon a posé le constat : l’humanité est plongée dans la
régression, confrontée à la menace d’une nouvelle guerre totale. Alors
que la folie guerrière du gouvernement russe a poussé ce dernier à aller
jusqu’à agiter la menace nucléaire, alors que ce matin encore le
ministre de l’Économie a menacé la Russie d’une « guerre » économique
avant de regretter ses propos, alors que les gros bras et les
va-t-en-guerre se prêtent à des concours de surenchère guerrière à
longueur de plateaux, celui qui est le favori de la gauche et se trouve
aux portes du second tour à 40 jours de l’élection présidentielle, s’est
posé comme le représentant du camp de la raison, le camp de la
désescalade, le camp de la paix.
Après avoir une nouvelle fois condamné la « totale responsabilité de monsieur Poutine » dans ce « crime contre l’intérêt général humain » et avoir salué « l’honneur de la condition humaine dans la résistance des ukrainiens » mais également « des Russes eux-mêmes, qui manifestent contre la décision de guerre de leur propre pays« ,
le leader des insoumis a affirmé l’objectif prioritaire de l’humanité
toute entière en cette heure sombre : le retour de la paix. Jean-Luc
Mélenchon : « si frustrant que cela soit, le seul chemin rationnel est celui de la paix. Il porte un nom clair : la désescalade ».
« L’alternative est simple : la diplomatie ou la guerre totale » : Jean-Luc Mélenchon
Alors qu’une partie de la « gauche » française, socialistes et
écologistes en tête, appelle à envoyer des armes en Ukraine et à
participer à l’escalade guerrière, Jean-Luc Mélenchon a rappelé
l’alternative, simple, qui se pose à nous : « ou bien la diplomatie ou bien la guerre totale. Tout doit aller à la diplomatie et rien – si peu que ce soit – à la guerre ».
Jean-Luc Mélenchon a regretté la décision de l’union européenne de «
fournir des armements nécessaires à une guerre », selon les termes
utilisés par le commissaire européen Josep Borrel chargé des relations
extérieures. Le leader des insoumis a condamné une « décision (qui) ferait de nous des co-belligérants ». Une décision qui enclenche un « engrenage
». Celui de la guerre généralisée. Face à cette angoissante
perspective, Jean-Luc Mélenchon s’est posé, comme Jean-Jaurès en son
temps, en défenseur du camp de la paix. Et a livré ses pistes de
désescalade.
1) cessez-le-feu, 2) retrait des troupes russes, 3) discussion autour de la sécurité en Europe sous l’égide de l’OSCE
Depuis plusieurs jours, Jean-Luc Mélenchon martèle la « ligne » des
insoumis face à la guerre russe en Ukraine : 1) cessez-le-feu. 2)
retrait des troupes russes. 3) diplomatie et discussion autour des
frontières et du statut de l’Ukraine. Une fois les deux premiers points
non négociables posés, le cessez-le-feu et le retrait des troupes
russes, le candidat à la présidentielle à appeler à « accepter de traiter franchement, directement le fond du problème posé : la sécurité de chaque nation en Europe ».
Une question restée en suspend après l’implosion de l’URSS, puisque
pour la première fois dans l’Histoire contemporaine, un empire s’est
effondré sans qu’on discute les nouvelles frontières. Jean-Luc Mélenchon
a donc livré une de ses solutions pour la désescalade : ouvrir une
session extraordinaire de l’Organisation de la sécurité et de la
coopération en Europe (OSCE), organisation créée pour cela par les
accords d’Helsinki en 1975.
Comme le président ukrainien, Jean-Luc Mélenchon défend la neutralité de l’Ukraine
Jean-Luc Mélenchon a ensuite défendu une autre piste, et pas des
moindres, pour viser la désescalade : la neutralité de l’Ukraine.
Volodymyr Zelensky, le président de l’Ukraine, vient de s’y déclarer
officiellement favorable. Cette neutralité avait d’ailleurs été adoptée
par le parlement de l’Ukraine en 1990 le jour du vote de sa déclaration
de souveraineté par 339 voix contre 5. En voici un extrait : « l’Ukraine déclare solennellement son intention d’être un État perpétuellement neutre qui ne participe à aucun bloc militaire ».
Le favori de la gauche a également rappelé l’urgence de la dénucléarisation : « nous
venons de toucher du doigt les limites de la doctrine de dissuasion
nucléaire « terrestre », je dis bien “terrestre”, face à un adversaire
résolu car le « tout ou rien » enferme clairement dans le « rien » si on
n’est pas prêt à se faire sauter soi-même. La guerre d’Ukraine nous
oblige donc à repenser beaucoup sur nous-mêmes. La dénucléarisation du
monde doit redevenir un objectif concret de notre diplomatie puisque la
surenchère nucléaire ne peut pas avoir de sens concret. La guerre
d’Ukraine vient de le prouver ».
Convocation d’une session extraordinaire de l’Organisation de la
sécurité et de la coopération en Europe (OSCE) pour discuter des
frontières, neutralité militaire de l’Ukraine, dénucléarisation du
monde, plusieurs pistes de désescalades peut-être plus intéressantes à
creuser que l’escalade guerrière face au risque d’une nouvelle guerre
totale ?
Jean-Luc Mélenchon défenseur d’une France non alignée
Ce discours, peut-être son dernier à l’Assemblée nationale, a
également été l’occasion pour Jean-Luc Mélenchon de rappeler une
nouvelle fois sa ligne internationale. Face aux polémiques récurrentes
auxquels il fait face sur le sujet, le favori de la gauche a pu
réaffirmer sa position internationale, celle d’une France non alignée. «
Le non alignement est notre intérêt. Dans la situation mouvante de
notre temps, nous ne devons être les obligés de personne. La sortie de
l’OTAN, organisation inefficace, participe par sa volonté d’expansion
aux tensions guerrières sur notre continent. « Non alignement » ne
signifie pas neutralité. Le choix de la France la met du côté du droit
international. Et ce droit est du côté de l’Ukraine ».
L’occasion également pour Jean-Luc Mélenchon de qualifier « le régime nationaliste russe actuel » de « capitalisme oligarchique autoritaire ». Histoire d’une énième fois répondre aux affronts des qualificatifs « pro-Poutine »,
accusations lancées notamment par une « gauche » largement distancés
dans les sondages et piteusement prête à surfer sur une guerre pour
tenter de gratter quelques points à celui qui est aujourd’hui largement
en tête à gauche dans les sondages. Des attaques politiciennes en pleine
guerre qui ne grandissent clairement pas leurs auteurs.
Le leader des insoumis a précisé sa vision du basculement international à l’œuvre sous nos yeux : « l’invasion
de l’Ukraine signe une nouvelle carte d’identité après trente ans de
mutations continues. s’en est terminé du « nouvel ordre mondial »
annoncé par George Bush en 1991. Le moment est entré dans le temps d’une
réorganisation générale. Poussés dans les bras l’une de l’autre par la
stratégie des USA, Russie et Chine font émerger un nouveau bloc ».
Enfin, Jean-Luc Mélenchon a appelé a faire du malheur une force : « la crise en cours comporte tous les risques mais aussi tous les moyens d’un rebond positif ». Alertant une nouvelle fois contre « les postures de « va-t-en guerre » qui pullulent toujours autour des conflits », le favori de la gauche a rappelé que « la démocratie reste un choix d’optimisme politique ». Du côté de la démocratie et de la paix dans ces heures sombres. Du Jaurès dans le texte.
Par Pierre Joigneaux.