22 mars 2008

L'eau marchandisée

 La communauté internationale célèbre le 20 mars 2008, sous
l'égide de l'ONU, la 15ème « Journée mondiale de l'eau ».
L'absence d'accès à l'eau affecte 1,1 milliard d'êtres
humains ; l'absence de moyens sanitaires de base touche
2,6 milliards de personnes. Paradoxalement, alors que les
premières étapes de la marchandisation de ce bien commun ont
suscité de fortes mobilisations populaires sur les cinq
continents, le mouvement mondial de libéralisation des
marchés de l'eau, initié dans les années 1980, semble
s'accélérer.

La « libéralisation » des marchés de l'eau s'est au départ
fortement inspirée du « modèle français » : le
partenariat-public-privé (PPP). Un dogme s'affirmait avec
force : la puissance publique est défaillante ; le recours
au secteur privé est indispensable ; la bonne gouvernance
repose sur le trépied de fer -- dérégulation,
décentralisation, privatisation ; les services de l'eau ont
un coût, qui doit être payé intégralement par les usagers.

Dans ce cadre, les signatures de contrats avec des grandes
métropoles du Sud se succèdent à un rythme impressionnant.
Mais les conflits surgissent dès la moitié des années 1990,
quand les opérateurs privés entendent faire payer des
usagers fraîchement raccordés, qui n'ont ni la culture du
paiement d'un bien jusqu'alors largement subsidié par la
puissance publique, ni, le plus souvent, les moyens de
payer. De nombreuses luttes se succèdent sur les cinq
continents. La tenue des premiers grands forums
altermondialistes publicise le thème du refus de la
« marchandisation » de l'eau.


... Lire la suite de cet article inédit de Marc LAIMÉ :
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/
2008-03-19-La-marchandisation-de-l-eau

RSF se fait virer par l'UNESCO

12 mars 2008
L'aut'journal

L’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) a retiré à l’ONG Reporters sans frontières (RSF), basé en France, la codirection du Jour pour la liberté sur Internet.

Des sources diplomatiques de l’UNESCO ont révélé à l’agence Prensa latina que l’organisme de l’ONU avait pris cette décision en raison du manque d’éthique évident et répété de RSF, dans sa campagne pour disqualifier un certain nombre de pays.

Selon plusieurs médias, les agissements de RSF ne correspondent pas à l’image ni aux buts de l’UNESCO, pour qui RSF agit de façon sensationnaliste en voulant s’ériger en tribunal d’inquisition à l’égard de pays en voie de développement.

Ces mêmes sources précisent que pour cette raison et aussi à cause des agissements passés de RSF, l’UNESCO entend mettre fin, de façon définitive, à ses relations avec l’ONG française, et elle exclut tout type de collaboration future avec celle-ci.

RSF, accusée à maintes reprises d’entretenir des liens étroits avec la CIA américaine, a lancé aujourd’hui sa campagne visant à dénoncer les pays où se pratiquerait une cybercensure.

Curieusement, signalent certains diplomates qui ne veulent pas qu’on mentionne leurs noms, aucun pays occidental n’apparaît sur la liste noire de RSF qui concentre son tir sur les pays dit du Tiers Monde.

Le journaliste québécois Jean-Guy Allard a révélé à plusieurs reprises, dans des articles et dans un livre publié il y a quelques années, que l’organisation Reporters sans frontières recevait des subventions de la National Endowment for Democraty (NED), un organisme paravent de la CIA. Le même journaliste a aussi dévoilé les liens de RSF avec des agents avoués de la CIA.

Rappelons que l’Union européenne a versé, en 2005, plus de un million d’Euros à RSF.

Précisons que la campagne que lance aujourd’hui RSF, en prétendant bénéficier de l’appui de l’UNESCO, ce qui est totalement faux, a été organisée par l’agence de publicité Saatchi & Saatchi, de New York, une filiale de la multinationale Publicis, la quatrième entreprise de publicité et de relations publiques la plus grande au monde, qui a, parmi ses principaux clients, General Mills, Johnson & Johnson, Toyota, Visa, Coca-Cola, Heinz, Mc Donald’s, Philip Morris, General Motors, Citibank et, tenez-vous bien, l’armée américaine! Pour une ONG qui prétend défendre la liberté d’opinion, disons qu’elle a su s’entourer d’amis on ne peut plus fidèles.
_________
Sources : Prensa latina et Jean-Guy Allard. Traduit de l’espagnol par Jacques Lanctôt
.

http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=690

Pour que le monde de Monsanto ne devienne jamais le nôtre !


http://www.combat-monsanto.org/

Ce site a pour vocation de relayer et de diffuser les informations
révélées par l'enquête de Marie-Monique Robin. Il comporte trois
entrées principales.
- "les résistances" : un ensemble d'actions passées, présentes ou à
venir, pour éviter que le monde de Monsanto ne devienne le notre.
Cette rubrique vous permettra de connaitre les actions auxquelles vous
pouvez vous joindre.
- "le système Monsanto": les méthodes utilisées par Monsanto pour
imposer ses produits.
- "les produits : Chaque fiche résume l'histoire d'un produit phare de
Monsanto.

Banque du Sud : les pays pauvres réussissent à échapper à la domination des Etats-Unis

Entretien avec Noam Chomsky -

par Michael Shank - 1er mars 2008
Michael Shank : En décembre 2007, sept pays d’Amérique du Sud ont officiellement lancé la Banque du Sud en réaction à une opposition grandissante à la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et autres Institutions financières internationales. Quelle est l’importance de ce changement et pourrait-il provoquer d’autres réactions dans les pays en voie de développement ? Se pourrait-il qu’un jour l’influence de la Banque Mondiale et du FMI soit totalement remise en cause ? Noam Chomsky : Je pense que (...)

http://www.cadtm.org/spip.php?article3146

19 mars 2008

A la mémoire des 11000 enfants victimes des lois Sarkozy-Hortefeux

Une contre-proposition, initiée par le Collectif Culture 49

" Désormais chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se verront confier la mémoire d'un des 11 000 enfants victimes des lois Sarkozy-Hortefeux contre l'immigration.
Les enfants de CM2 devront connaître le nom et l'existence d'un enfant renvoyé par avion dans son pays. Rien n'est plus émouvant pour un enfant que l'histoire d'un enfant de son âge, qui avait les mêmes jeux, les mêmes joies et les mêmes espérances que lui."

Je vous invite à recopier le texte ci-dessus sur 2 cartes postales, une
pour chacun, et à les envoyer aux 2 éminents personnages ci-dessous :

Monsieur le Président de la République
55 rue Faubourg St Honoré
75008 PARIS


Monsieur le Ministre de l'Immigration
101 rue deGrenelle
75700 PARIS

N'hésitez pas à diffuser largement cet appel autour de vous !

Soirée de soutien aux huit faucheurs OGM du Lot

Le procureur ayant fait appel de la décision du tribunal de Cahors qui relaxait 8 faucheurs pour refus de prélèvement d'ADN, ceux-ci sont convoqués le 19 juin à 14H au tribunal d'Agen.

En attendant, ils s'organisent pour récupérer des sous ! Un concert de soutien aura lieu dans le sud du Lot le 29 mars.

Soirée Concert

pour lutter contre le prélevement ADN

à la salle des fêtes de Tréjouls

le samedi 29 mars

18h : projection du film : "Pistés par vos gènes"

concert avec :
Le Son de la Grotte
Lion.C
Totem

restauration + bar

PAF-->> 5 €uros

16 mars 2008

Soutien à Farid Rekab

Farid REKAB rendait visite à son frère qui est domicilié au Havre.
Il a été arrêté jeudi 6 mars 2008 lors d'un contrôle d'identité, puis
transféré au Centre de Rétention Administrative de OISSEL.

Farid est un compositeur de chansons Kabyles engagées.
Membre permanent au sein de la fondation Lounès MATOUB en Algérie, responsable de la commission
artistique et fondateur du comité local de cette association dans sa commune en Kabylie, il subissait des pressions et des intimidations à cause de son combat pour que toute la vérité soit faite sur le lâche assassinat, le 25 juin 1998, du poète et chanteur Lounès MATOUB.

La carrière artistique de REKAB Farid a été semée d'embuches, freinée parce qu'il interprète les chansons de MATOUB. Il véhicule son message avec courage et poursuit le combat de MATOUB qui prône une culture berbère démocratique et laïque.

Il a du s'exiler en France en 2001.

Descendant d’un ancien combattant (son grand père a servi dans l’armée française), il a engagé de nombreuses démarches pour l'obtention de la nationalité Française. Elles sont restées sans suite.
Il a donc déposé une demande d'asile en novembre 2005 et est en attente d'une convocation devant la Cour Nationale du Droit d'Asile.

Pourtant il fait l’objet d’un Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière et risque d’être expulsé si le consulat d’Algérie en France délivre un laisser passer.

Son retour forcé en Algérie le mettrait en danger de mort face aux intégristes musulmans et à la répression policière en Kabylie.

Farid a donc décidé de mener une grève de la faim.

Quant à son arrestation, il semble qu'on lui ai tendu un véritable guet-apens. Il sortait de chez son frère au Havre, est rentré dans un tabac, lorsqu'il en est sorti il a été suivi par une voiture banalisée, avec deux policiers qui ont contrôlé son identité. Il n'avait que quelques papiers attestant sa demande de recours. On lui a demandé de venir au commissariat, simple formalité. Il a été immédiatement placé en garde à vue, il était 17 heures. Il a été conduit au centre de rétention de Oissel, à 14 heures, deux jours plus tard, 45 heures après, donc 3 heures avant la fin de la durée légale de sa garde à vue. Farid ne comprend pas ce qui lui arrive, ni les raisons d'un tel acharnement, il avait déja engagé un recours donc la procédure n'ira pas jusqu'à son terme. "je suis innocent" nous a t'il dit "je ne suis pas un morceau de carton qu'on scotche dans un avion!" Nous l'avons senti profondément blessé. Farid est un homme de conviction et de détermination, nul doute qu'il ira jusqu'au bout de sa grêve de la faim, il est également d'un calme impressionnant alors qu'il est expulsable à tout moment.

S'il était expulsé vers l' Algérie sa carrière de compositeur prendrait fin immédiatement. Le gouvernement Algérien, était intervenu pour l'exclure de l'accès à la SACEM, ce qui l'empêchait d'éditer ses disques En revanche en France, Farid a constitué un dossier complet, et doit le déposer incessamment à la SACEM ce qui est une simple formalité et lui permettra de mener à bien sa carrière d'artiste. En Algérie la vie de Farid serait menacée, en tant qu'opposant kabyle.

10 mars 2008

Partage des richesses, la question taboue

Débat français à propos du pouvoir d’achat

Afin de « défendre le pouvoir d’achat », le gouvernement français envisage une série de mesures – monétisation des congés non pris, travail le dimanche, implantation plus facile des hypermarchés. Une donnée du problème est presque toujours occultée : en vingt ans, la part des salaires dans le produit intérieur brut français a baissé de 9,3 %, ce qui correspond à plus de 100 milliards d’euros en partie transférés vers le capital. Cet élément central du débat en est devenu le point aveugle.
Par François Ruffin

« La part des profits est inhabituellement élevée à présent (et la part des salaires inhabituellement basse). En fait, l’amplitude de cette évolution et l’éventail des pays concernés n’ont pas de précédent dans les quarante-cinq dernières années. » D’où sont tirées ces lignes ? D’un texte de la Confédération générale du travail (CGT) ? Nullement : elles viennent d’un article de la Banque des règlements internationaux (BRI), une institution qui réunit chaque mois, à Bâle (Suisse), les banquiers centraux afin de « coordonner les politiques monétaires » et d’« édicter des règles prudentielles ». Ce n’est pas vraiment un repaire de marxistes ; pourtant, leur exposé sur cette « marge [de profit] d’une importance sans précédent » se poursuit sur vingt-trois pages (1).

Et qui redoute le pire ? « J’ai attendu et j’attends encore quelque normalisation dans le partage du profit et des salaires » car « la part des salaires dans la valeur ajoutée est historiquement basse, à l’inverse d’une productivité qui ne cesse de s’améliorer ». Or « ce découplage entre faibles progressions salariales et profits historiques des entreprises fait craindre (...) une montée du ressentiment, aux Etats-Unis comme ailleurs, contre le capitalisme et le marché ». Là, il s’agit de M. Alan Greenspan, ancien directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui livre ses inquiétudes au Financial Times (2).

Ce constat, chiffré, est unanimement partagé. D’après le Fonds monétaire international (FMI), dans les pays membres du G7, la part des salaires dans le produit intérieur brut (PIB) a baissé de 5,8 % entre 1983 et 2006. D’après la Commission européenne, au sein de l’Europe cette fois, cette part a chuté de 8,6 %. Et, en France, de 9,3 % (3).

Par le gigantisme des sommes en jeu, des dizaines de milliards d’euros, ces 9,3 % devraient s’installer au cœur du débat. Toute la contestation des « nécessaires réformes en cours » (« régimes spéciaux », retraites, sécurité sociale, mais aussi pouvoir d’achat) pourrait s’appuyer sur ce chiffre. Or c’est à l’inverse qu’on assiste : il est comme effacé de la sphère publique, éclipsé dans les médias, à peine mentionné par les responsables politiques. Un point central de l’économie en est devenu le point aveugle.

Qu’on évalue ce transfert de richesses : le PIB de la France s’élève à près de 1 800 milliards d’euros. « Donc il y a en gros 120 à 170 milliards d’euros qui ont ripé du travail vers le capital », calcule Jacky Fayolle, ancien directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Soit, même avec des estimations basses, plus d’une dizaine de fois le déficit de la Sécurité sociale (12 milliards) et une vingtaine de fois celui des retraites (5 milliards). Ces derniers « trous » sont amplement médiatisés, tandis qu’on évoque moins souvent celui, combien plus profond, creusé par les actionnaires dans la poche des salariés... D’après Fayolle, de tels ordres de grandeur « traduisent des déformations structurelles, pas simplement de l’économie mais de la société ». Ces déformations résultent de « tout un ensemble de facteurs : le poids du chômage, les politiques économiques, les changements de la gouvernance des entreprises depuis une vingtaine d’années ».
Des médias entre mutisme et mensonges

C’est au début des années 1980 que le basculement intervient. Deux phénomènes se conjuguent : d’abord, le ralentissement de la croissance, qui passe de 4,8 % en moyenne durant les « trente glorieuses » (1945-1975) à environ 2 %. Ensuite, un bouleversement dans la répartition de cette croissance : « Tout se passe comme si ce changement de rythme avait été mis à profit pour modifier les règles du jeu au détriment des salariés (4) », notent des chercheurs de l’IRES.

D’abord par des « suppressions de postes » : des salaires ne sont plus versés, et leur part dans le PIB se réduit naturellement. Dans le secteur public, dernièrement, mais surtout dans le privé, avec des entreprises (Whirlpool, Michelin, European Aeronautic Defence and Space [EADS], Danone, etc.) qui surfent sur les bénéfices tandis qu’elles « restructurent » vers des « pays à bas coût de main-d’œuvre ». En outre, le chantage au chômage aidant, les salaires réels ont stagné : « Le revenu salarial net n’a pratiquement pas augmenté depuis ces vingt-cinq dernières années », précise le quotidien Les Echos (5). Les approximations optimistes concèdent 16 % d’augmentation seulement entre 1987 et aujourd’hui. C’est aussi en 1987 que naissait le CAC 40, avec un indice 1 000. Il cotait 5 697 points le 11 décembre dernier : + 470 %, donc.

La « flexibilité » aussi a fait plonger les salaires, en les rendant plus irréguliers. Depuis 1980, « la proportion des travailleurs à temps partiel est passée de 6 % à 18 % de l’effectif salarié total, et celle des autres formes d’emploi atypique (intermittence, intérim, etc.) de 17 % à 31 % du salariat (6) ». Devenu jetable, malléable, sur mesure, l’emploi s’est ajusté aux besoins variables des entreprises.

Enfin, on a rogné sur les à-côtés du salariat : il faut désormais cotiser plus et plus longtemps pour des retraites plus faibles, verser la contribution sociale généralisée (CSG) et des franchises médicales pour que les remboursements diminuent toujours, etc. « La masse salariale a deux composantes, nous explique Michel Husson, économiste à l’IRES : le salaire direct et les cotisations. Dans un premier temps, le salaire net a fait baisser la part salariale à un niveau qu’on ne peut plus faire trop descendre. Dans un second temps, la part des cotisations prend le relais. »

Le mutisme qui entoure ce détournement de richesses constitue un exploit permanent. Des heures de radio, des pages dans la presse : les journalistes ont glosé sur les miettes des régimes spéciaux, sur ces « bénéficiaires de lois obsolètes », sur ce « privilège intolérable », sur cette « inégalité inacceptable », sur la « nécessité économique et démographique » de cette « mesure d’équité » (7). Mais ils ont presque toujours oublié de mentionner le combien plus « inégal » partage des ressources nationales. Nos éditorialistes ont aussi omis de pester contre le « privilège intolérable » des actionnaires, ces « bénéficiaires » d’abattements fiscaux, sur la « nécessité économique et démocratique » de taxer leurs revenus financiers...

Mais, dans la foulée du conflit « catégoriel » des cheminots, le débat s’est fait plus « général », portant sur le pouvoir d’achat ! « Une surprenante stagnation », titra Le Monde (8). D’autant plus « surprenante » que ces 9,3 % n’étaient signalés à aucun endroit. Le terrain était ainsi préparé pour un président de la République qui se refusa à « distribuer les cadeaux de Père Noël car les Français savent bien qu’il n’y a pas d’argent dans les caisses. (...) Je n’ai pas le pouvoir d’augmenter les salaires. (...) Pour donner du pouvoir d’achat, il faut réhabiliter le travail (9) ». Et de soigner le mal par le mal : en aggravant la « flexibilité » des salariés : horaires variables et dimanche ouvré...

Le lendemain, tandis que Le Figaro saluait la « fin du carcan des 35 heures », Les Echos félicitaient M. Nicolas Sarkozy : « Il a tracé le programme des réformes pour les prochains mois – assurance-maladie, marché du travail. » Quelques pages plus loin, dans les mêmes éditions, on découvrait un article intitulé « Grande plaisance : la course au luxe ». Celui-ci expliquait que « les millionnaires, toujours plus nombreux, sont lancés dans une course sans fin au plus grand, au plus beau, au plus luxueux yacht... Dans ces châteaux des temps modernes, le robinet à 8 000 euros plaît beaucoup (10) » ! Mais pas le moindre lien entre le pouvoir d’achat en berne à la « une » et cette autre actualité, plus réjouissante. Pourtant, voilà qui aurait pu donner chair aux 9,3 %...

Ce mensonge par omission d’une donnée centrale de l’économie, qui surprendra-t-il ? « La presse quotidienne, résumait déjà Jack London, c’est l’escamotage quotidien » qui « purge » les injustices « par le silence de l’oubli » (11). Mais un autre « silence » assourdit. Quand MM. François Hollande, Bernard Thibault ou Vincent Peillon se sont-ils saisis de cet argument et l’ont-ils opposé à un journaliste ? Peut-être l’ont-ils fait, à l’occasion, dans une parenthèse. Mais, à coup sûr, l’« opposition » n’a guère accordé à ces 9,3 % la place qu’ils méritent. Qu’ils citent ces 100 milliards d’euros (au moins), et le socle d’inégalité, invisible et fragile, sur lequel reposent toutes les « réformes » des deux dernières décennies, pourtant effectuées au nom de la « justice », s’effondre. La rhétorique d’une pseudo-« équité » – car, comme le recommande l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), « il ne faut pas avoir l’air de défendre des intérêts, seulement des idées et des principes (12) » – s’écroule d’un coup. Qu’entendit-on à la place le 29 novembre au matin, dans la « Revue de presse » de France Inter ? « La Croix est allé à la rencontre des politiques et leur demande leurs idées en matière de pouvoir d’achat. Côté socialiste, le député Michel Sapin préconise des allégements de charges pour les entreprises qui auront conclu des négociations salariales. » Du chipotage et de nouvelles aides publiques.

Une semaine plus tôt, sur la même antenne, le député et maire d’Evry Manuel Valls affichait son « courage » : « Il faut travailler sur un allongement progressif de la durée de la cotisation. Ça vaut évidemment pour les régimes spéciaux ; ça vaudra demain pour le régime général. » Désormais, le « courage » consiste, dans ce camp aussi, non plus à soutenir une lutte qui inverserait un rapport de forces, mais à se plier par avance aux exigences du capital et du pouvoir, sans jamais batailler.

Les discours de la dernière élection présidentielle corroborent cette dérive : Mme Ségolène Royal ne signala à aucun moment les 9,3 % et les milliards évaporés – tandis qu’elle dénonça volontiers les « 80 milliards de déficits cumulés » de la Sécurité sociale, l’« endettement public qui est passé de 900 à 1 200 milliards d’euros en moins de cinq ans », le « déséquilibre historique de la balance commerciale, 30 milliards d’euros », etc. Si elle s’engagea à « lutter », ce ne fut pas contre un « adversaire » identifié (« Je ne désignerai aucun ennemi », précisa-t-elle), mais plutôt contre des problèmes sans responsables ni coupables (la « lutte contre toutes les formes d’insécurité », « contre le décrochage scolaire », « contre la vie chère », etc.).

Le « rentier » n’apparut à aucun endroit, la « finance » fut désignée deux fois (en quarante-deux discours), l’« actionnaire » ne surgit qu’à neuf reprises. En somme, presque rien qui aurait réclamé une répartition plus égalitaire des richesses produites. Pourtant, pendant cette campagne, le CAC 40 publia ses « profits records » – plus de 90 milliards d’euros – dont, autre record, 40 milliards avaient été reversés en « dividendes » (mot utilisé une fois par Mme Royal) (13). Mais la candidate socialiste ne se saisit pas de cette aubaine, lui préférant une autre recette, consensuelle : « Nous relancerons la croissance économique parce que nous réconcilierons les intérêts des entreprises et les intérêts des salariés. Voilà la clé du développement économique. »

L’extravagante hypothèse conservatrice se trouvait ainsi confirmée : avec une croissance de 2 %, parfois déguisée en « crise », tout progrès social serait impossible, voire rendrait « inéluctables » des reculs en série. Cependant, cette croissance qualifiée de « molle », aux alentours de 2 %, correspond à la moyenne observée au cours du XXe siècle, hors « trente glorieuses ». Un siècle qui ne se priva ni de progrès technique ou humain, ni de bâtir des protections salariales. Désormais, la justice sociale devrait néanmoins patienter, espérer une improbable – et pas vraiment souhaitable – hypercroissance à 4 %, 5 %, 6 %, voire plus.

Au printemps dernier, en « une » de l’hebdomadaire Challenges et sur toutes les affichettes des bars-tabacs, la candidate socialiste posa sous le titre : « Ségolène Royal face aux patrons : “Faites des profits, augmentez vos revenus !” » Comme s’ils avaient attendu sa souriante permission...

1) Luci Ellis et Kathryn Smith, « The global upward trend in the profit share », Banque des règlements internationaux, Working Papers, n° 231, Bâle, juillet 2007.

(2) Financial Times, Londres, 17 septembre 2007. Lire aussi La Tribune du même jour.

(3) Ou 8,4 %, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui adopte un mode de calcul différent, portant non sur le PIB du pays mais sur la valeur ajoutée des entreprises non financières. Données rassemblées par l’économiste Michel Husson dans son article « La baisse tendancielle de la part salariale », disponible sur http://hussonet.free.fr/p arvabis.pdf

(4) Samia Benallah, Pierre Concialdi, Michel Husson et Antoine Math, « Retraites : les scénarios de la réforme » (PDF), Revue de l’IRES, n° 44, Noisy-le-Grand, 2004.

(5) Les Echos, Paris, 30 novembre 2007.

(6) Le Monde, 30 novembre 2007.

(7) Respectivement, Patrick Fluckiger dans L’Alsace, Mulhouse (1er novembre 2007), Jacques Marseille sur France 3 (18 novembre 2007), Etienne Mougeotte dans Le Figaro Magazine, Paris (15 septembre 2007), Claude Weill dans Le Nouvel Observateur, Paris (25 octobre 2007), Alain Duhamel sur RTL (6 novembre 2007). Un recensement effectué par Le Plan B, n° 11, Paris, décembre 2007 - janvier 2008.

(8) Le Monde, 30 novembre 2007.

(9) M. Nicolas Sarkozy sur TF1 et France 2, 29 novembre 2007.

(10) Les Echos, du vendredi 30 novembre, qui publiaient page suivante un papier intitulé : « Les hôtels particuliers ont la cote » (on y lit notamment : « la mondialisation crée de plus en plus de multimillionnaires »). Le Figaro consacrait également, le même jour, un supplément au « Meilleur du Salon nautique ». Et Le Monde présentait, lui, des chaises à « 9 397 euros » l’unité.

(11) Jack London, Le Talon de fer (1908), Phébus, coll. « Libretto », Paris, 2003.

(12) Marianne, Paris, 24 novembre 2007.

(13) Relevé effectué à partir du site Technologies du langage

 

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