31 août 2008

Agriculture et biodiversité

Des synergies à valoriser

(02/07/2008)

L’Inra vient de publier les résultats d’une expertise scientifique collective sur les relations entre l’agriculture et la biodiversité. Cette expertise, commandée par les ministères en charge de l’agriculture et de l’écologie, s’inscrit dans un enjeu mondial - stopper l’érosion de la biodiversité - et dans des échéances de politiques agricoles et environnementales nationales et européennes. L'expertise dresse le bilan des connaissances disponibles concernant les impacts de l'agriculture sur la biodiversité et les services que peut rendre la biodiversité dans les processus de la production agricole. Elle explore les pistes pour mieux intégrer la biodiversité dans les pratiques agricoles et fait le point sur les outils de l'action publique.

L’Inra a mobilisé pour conduire cette expertise une vingtaine d’experts scientifiques de disciplines différentes : écologie, agronomie, sciences économiques et sociales, droit, appartenant à plusieurs instituts : Inra, CNRS, IRD, écoles supérieures d’agronomie et Isara.

Les conclusions de l'expertise font l'objet d'un rapport et d'une synthèse. Elles ont été présentées et débattues avec le public le 2 juillet 2008.
> présentation en quatre pages (PDF, 52 kO)
> synthèse de l'expertise
soure: http://www.inra.fr/l_institut/expertise/expertises_realisees/agriculture_et_biodiversite__1

27 août 2008

Europe : du rêve au cauchemar *

Par raoul Marc Jennar (http://rmjennar.free.fr/?p=380)

Parce que nous sommes internationalistes, nous avons fait, avec Jaurès, le rêve d’une Europe où les peuples vivent en amitié, après des siècles de guerres civiles européennes. Mais ce rêve est devenu un cauchemar lorsque certaines chancelleries ont favorisé l’éclatement de la Yougoslavie et de la sorte un règlement violent du conflit.

Parce que nous sommes les enfants de l’Europe des Lumières, nous avons fait le rêve d’une Europe qui soit une communauté de valeurs. Ce rêve devient un cauchemar chaque fois que nous vérifions qu’il ne s’agit que d’une communauté d’intérêts ou, pour le dire avec les mots de Pierre Bourdieu, une Europe des banquiers et des hommes d’affaires.

Parce que nous sommes porteurs de l’espérance qu’ont fait naître celles et ceux de 1789, de 1793, de 1848 et de 1871, nous avons fait le rêve d’une Europe démocratique qui soit autre chose que la caricature de démocratie que nous connaissons au niveau national. Ce rêve est devenu un cauchemar avec une Union européenne qui ne respecte aucun des principes de base de la démocratie : pas de séparation des pouvoirs, pas de justice indépendante, pas de parlement pleinement législateur, pas d’exécutif responsable. Ce que certains appellent « déficit démocratique » c’est tout simplement l’absence de démocratie. Nous pouvons changer le maire de notre commune, nous pouvons changer le président de notre région, nous pouvons changer – c’est même fortement recommandé – le président de la République. Nous ne pouvons pas changer la Commission européenne. Et sauf à changer dans le même sens et en même temps 27 gouvernements, nous ne pouvons pas changer le Conseil des Ministres, l’organe suprême de la décision européenne. Avec la Commission européenne, nous atteignons le degré le plus poussé de la délégation, au point qu’il ne reste plus rien de la souveraineté que détient chaque citoyen avec le suffrage universel. L’Union européenne, c’est la négation du principe arraché en 1789 : tous les pouvoirs émanent du peuple.

Parce que, comme Jaurès et d’autres penseurs du socialisme, nous refusons de dissocier émancipation politique et émancipation sociale, nous avons en même temps que celui d’une Europe démocratique, fait le rêve d’une Europe sociale, d’une Europe de la solidarité, d’une Europe cohérente avec les valeurs dont elle se prétend porteuse. Ce rêve n’est qu’un cauchemar puisqu’il n’y a pas d’Europe sociale, puisque de Delors à Barroso, tout a été mis en œuvre pour qu’il n’y en ait pas. L’actuel président en exercice des institutions européennes l’a dit clairement à la veille de son entrée en fonction : les questions sociales ne relèvent pas de l’Union européenne. Le rêve d’une Europe de la solidarité, sans doute fondé sur une lecture distraite du traité de 1957, est devenu un cauchemar lorsque Jacques Delors, avec l’Acte unique européen de 1986, a décidé d’activer la disposition de ce traité relative à la « liberté d’établissement et de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services ». Ce qui signifie qu’ils circulent dans le cadre d’une concurrence libre et non faussée et que doit disparaître toute disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire qui, dans un Etat membre, privilégierait d’autres priorités que celles du profit. Comme, par exemple, des priorités démocratiques, sociales ou écologiques.

Parce que nous avons fait le rêve d’une Europe européenne, fondée sur des valeurs qui nous sont propres, nous avons espéré une Europe renonçant à la société du gaspillage et privilégiant d’autres manières de consommer que celles pratiquées aux USA. Nous avons fait le rêve d’une Europe respectueuse de la santé de ses habitants et de leur cadre de vie, une Europe soucieuse d’établir des rapports nouveaux entres les humains et la nature. Ce rêve n’est qu’un cauchemar puisque l’Union européenne écoute d’abord ceux qui polluent et empoisonnent et organise l’exploitation et des hommes et de la nature.

Je pourrais allonger cette liste d’exemples où nous sommes, à propos de l’Europe, passés du rêve au cauchemar. Je pourrais expliquer ce que l’Europe n’est pas - elle n’est pas un facteur de paix ; elle n’est pas un frein à la globalisation ; elle n’est pas respectueuse de la souveraineté des autres peuples dans le monde – mais je crois que l’énoncé de ce qui précède suffit pour conclure : il n’y a pas de construction européenne ; il n’y a que de la destruction des acquis démocratiques et sociaux. En entrant dans le 21e siècle, l’Union européenne nous ramène au 19e, au capitalisme le plus sauvage où les femmes et les hommes sont mis en concurrence entre eux.

Alors, me direz-vous, pourquoi s’engager dans le débat européen ? Pourquoi ne pas sortir de l’Europe comme certains le demandent ? Parce que l’autarcie est une utopie dangereuse. Aucun peuple ne peut survivre durablement dans l’autarcie. Parce que la France n’est pas une oasis au milieu d’un désert, ni une île au milieu de l’océan. Et enfin et surtout, parce que si nous ne nous occupons pas de l’Europe, en tout état de cause, l’Union européenne s’occupe de nous. Ce qui se décide à Bruxelles anticipe ce qui se décide ensuite à Berlin, Madrid, Paris ou Rome. La destruction des services publics, le démantèlement du droit du travail, la privatisation de la santé comme celle de l’éducation, ce sont, avant d’être des projets français, des décisions européennes qui, faut-il le rappeler, étaient déjà inscrites dans les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce. Nous pouvons déserter le champ de bataille européen. Mais sachons que nous nous condamnons alors à toutes les défaites.

L’actualité nous confronte à deux temps forts : la présidence française de l’Union européenne et le renouvellement du Parlement européen.

Sur la présidence française, nous avons un travail important : opposer la pédagogie à la propagande ; expliquer que ce qui se fait, n’est pas ce qui se dit ; dénoncer les choix réels qui sont l’inverse du discours dominant. A chaque propos de Sarkozy ou de Kouchner, nous avons à rétablir la vérité des faits.

Sur l’élection européenne, je voudrais d’abord dire ceci : il ne sert à rien d’élire des députés si ceux-ci se laissent engourdir par la terrible machine à niveler qu’est le Parlement européen. Le champ institutionnel n’est pas celui que nous privilégions ; c’est celui de la droite. Si nous y allons, c’est pour pratiquer une opposition résolue à cette Europe des marchés et des marchands, à cette Europe du traité constitutionnel européen que nous avons combattu.

Nous inscrire dans la campagne électorale n’a de sens que si nous nous engageons sur 5 points :

a. nous engager à construire dès avant même la campagne un réseau européen porteur de la même analyse et des mêmes propositions ; nous ne changerons pas l’Europe tout seuls ;

b. nous engager à dénoncer inlassablement cette Europe qui n’est ni démocratique, ni sociale, ni écologique ;

c. nous engager à refuser de participer au consensus mou et à dénoncer l’unanimisme de façade de la sainte alliance des chrétiens démocrates et des sociaux démocrates, des libéraux de droite et des libéraux de gauche. L’opposition de celles et ceux que nous élirons devra être une opposition de combat ;

d. nous engager à combattre toutes les propositions de la Commission qui accentuent l’Europe néolibérale, cette Europe qui donne tous les pouvoirs aux firmes privées et ne conçoit pour les Etats qu’un rôle répressif ; refuser toute extension des pouvoirs de la Commission européenne ;

e. nous engager à promouvoir les 9 objectifs suivants :

1. exiger l’abrogation des traités existants et réclamer la rédaction par les voies les plus démocratiques d’un texte constitutif d’une Europe démocratique, sociale, écologique et solidaire des peuples du monde ;

2. exiger l’harmonisation par le haut des droits démocratiques et sociaux ;

3. interdire toute forme de dumping fiscal et social ; créer un smic européen ;

4. instaurer la citoyenneté de résidence et le droit du sol ;

5. instaurer une absolue égalité entre la femme et l’homme et généraliser le droit à l’avortement libre et gratuit dans tous les pays ;

6. instaurer le principe de laïcité, c’est-à-dire la liberté des cultes et la séparation de l’espace public et des communautés confessionnelles ;

7. interdire toute privatisation du vivant, imposer un moratoire sur les OGM, mettre fin au nucléaire militaire et reconvertir le nucléaire civil ; privilégier les énergies renouvelables et les transports en commun publics ;

8. abolir totalement la dette des pays pauvres, renoncer définitivement à toute pratique néocoloniale, s’engager à supprimer ou à réformer la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et l’Organisation Mondiale du Commerce ;

9. dissoudre l’OTAN et organiser la participation de l’Europe à un ordre mondial basé non pas sur le droit de la force, mais sur la force du droit.

En 2009, il nous faut faire campagne dans toute l’Europe pour y porter cette indispensable révolution dont dépend le bonheur des peuples. Je parle de révolution parce que, nous nous en rendons bien compte, la Commission européenne, c’est la nouvelle Bastille à renverser.

* introduction au débat consacré à l’Europe lors de l’université d’été de la LCR/NPA, à Port-Leucate, le 24 août 2008


source: le Blog de Raoul Marc Jennar

"Ta gueule, mêle-toi de ce qui te regardes!"

Je m’appelle Patrick Mohr.

Je suis né le 18 septembre 1962 à Genève.

Je suis acteur, metteur en scène et auteur.

A Genève je dirige une compagnie, le théâtre Spirale, je co-dirige le
théâtre de la Parfumerie et m’occupe également du festival « De bouche à
oreille.

Dans le cadre de mes activités artistiques, je viens régulièrement au
festival d’Avignon pour y découvrir des spectacles du « in » et du « off
». Notre compagnie s’y est d’ailleurs produite à trois reprises. Cette
année, je suis arrivé dans la région depuis le 10 juillet et j’ai
assisté à de nombreux spectacles.

Le Lundi 21 juillet, je sors avec mon amie, ma fille et trois de ses
camarades d’une représentation d’une pièce très dure sur la guerre en
ex-Yougoslavie et nous prenons le frais à l’ombre du Palais des Papes,
en assistant avec plaisir à un spectacle donné par un couple d’acrobates.

A la fin de leur numéro, je m’avance pour mettre une pièce dans leur
chapeau lorsque j’entends le son d’un Djembé (tambour africain) derrière
moi. Etant passionné par la culture africaine. (J’y ai monté plusieurs
spectacles et ai eu l’occasion d’y faire des tournées.) Je m’apprête à
écouter les musiciens. Le percussionniste est rejoint par un joueur de
Kamele Ngoni. (Sorte de contrebasse surtout utilisée par les chasseurs
en Afrique de l’Ouest.)

A peine commencent-ils à jouer qu’un groupe de C.R.S se dirige vers eux
pour les interrompre et contrôler leur identité. Contrarié, je me décide
à intervenir. Ayant déjà subit des violences policières dans le même
type de circonstances il y a une vingtaine d’année à Paris, je me suis
adressé à eux avec calme et politesse. Le souvenir de ma précédente
mésaventure bien en tête. Mais je me suis dit que j’étais plus âgé, que
l’on se trouvait dans un haut lieu culturel et touristique, dans une
démocratie et que j’avais le droit de m’exprimer face à ce qui me
semblait une injustice. J’aborde donc un des C.R.S et lui demande :

« Pourquoi contrôler vous ces artistes en particulier et pas tous ceux
qui se trouvent sur la place? » Réponse immédiate.

« Ta gueule, mêle-toi de ce qui te regardes!

« Justement ça me regarde. Je trouve votre attitude discriminatoire. »

Regard incrédule. « Tes papiers ! »

« Je ne les ai pas sur moi, mais on peut aller les chercher dans la
voiture. »

« Mets-lui les menottes ! »

« Mais vous n’avez pas le droit de… »

Ces mots semblent avoir mis le feu aux poudres.

« Tu vas voir si on n’a pas le droit.»

Et brusquement la scène a dérapé.

Ils se sont jetés sur moi avec une sauvagerie inouïe. Mon amie, ma
fille, ses camarades et les curieux qui assistaient à la scène ont
reculé choqués alors qu’ils me projetaient au sol, me plaquaient la tête
contre les pavés, me tiraient de toutes leurs forces les bras en arrière
comme un poulet désarticulé et m’enfilaient des menottes. Les bras dans
le dos, ils m’ont relevé et m’ont jeté en avant en me retenant par la
chaîne. La menotte gauche m’a tordu le poignet et a pénétré profondément
mes chairs. J’ai hurlé :

« Vous n’avez pas le droit, arrêtez, vous me cassez le bras ! »

« Tu vas voir ce que tu vas voir espèce de tapette. Sur le dos ! Sur le
ventre ! Sur le dos je te dis, plus vite, arrête de gémir ! »

Et ils me frottent la tête contre les pavés me tordent et me frappent,
me traînent, me re-plaquent à terre.

La foule horrifiée s’écarte sur notre passage. Mon amie essaie de me
venir en aide et se fait violemment repousser. Des gens s’indignent,
sifflent, mais personne n’ose interrompre cette interpellation d’une
violence inouïe. Je suis traîné au sol et malmené jusqu’à leur
fourgonnette qui se trouve à la place de l’horloge 500 m . plus bas. Là.
Ils me jettent dans le véhicule, je tente de m’asseoir et le plus grand
de mes agresseurs (je ne peux pas les appeler autrement), me donne un
coup pour me faire tomber entre les sièges, face contre terre, il me
plaque un pied sur les côtes et l’autre sur la cheville il appuie de
tout son poids contre une barre de fer.

« S’il vous plait, n’appuyez pas comme ça, vous me coupez la circulation. »

« C’est pour ma sécurité. »

Et toute leur compagnie de rire de ce bon mot. Jusqu’au commissariat de
St Roch

Le trajet est court mais il me semble interminable. Tout mon corps est
meurtri, j’ai l’impression d’avoir le poignet brisé, les épaules
démises, je mange la poussière.

On m’extrait du fourgon toujours avec autant de délicatesse.

Je vous passe les détails de l’interrogatoire que j’ai subi dans un état
lamentable.

Je me souviens seulement du maquillage bleu sur les paupières de la
femme qui posait les questions.

« Vous êtes de quelle nationalité ? » « Suisse. »

« Vous êtes un sacré fouteur de merde »

« Vous n’avez pas le droit de m’insulter »

« C’est pas une insulte, la merde » (Petit rire.)

C’est fou comme la mémoire fonctionne bien quand on subit de pareilles
agressions.

Toutes les paroles, tout les détails de cette arrestation et de ma garde
à vue resterons gravés à vie dans mes souvenirs, comme la douleur des
coups subits dans ma chair.

Je remarque que l’on me vouvoie depuis que je ne suis plus entre les
griffes des CRS.

Mais la violence physique a seulement fait place au mépris et à une
forme d’inhumanité plus sournoise. Je demande que l’on m’ôte les
menottes qui m’ont douloureusement entaillé les poignets et que l’on
appelle un docteur. On me dit de cesser de pleurnicher et que j’aurais
mieux fait de réfléchir avant de faire un scandale. Je tente de
protester, on me coupe immédiatement la parole. Je comprends qu’ici on
ne peut pas s’exprimer librement. Ils font volontairement traîner avant
de m’enlever les menottes. Font semblant de ne pas trouver les clés. Je
ne sens plus ma main droite.

Fouille intégrale. On me retire ce que j’ai, bref inventaire, le tout
est mis dans une petite boîte.

« Enlevez vos vêtements ! » J’ai tellement mal que je n’y arrive presque
pas.

« Dépêchez-vous, on n'a pas que ça à faire. La boucle d’oreille ! »

J’essaye de l’ôter sans y parvenir.

« Je ne l’ai pas enlevée depuis des années. Elle n’a plus de fermoir. »

« Ma patience à des limites vous vous débrouillez pour l’enlever, c’est
tout ! »

Je force en tirant sur le lob de l’oreille, la boucle lâche.

« Baissez la culotte ! »

Je m’exécute. Après la fouille ils m’amènent dans une petite cellule de
garde à vue.

4m de long par 2m de large. Une petite couchette beige vissée au mur.

Les parois sont taguées, grattées par les inscriptions griffonnées à la
hâte par les détenus de passage. Au briquet ou gravé avec les ongles
dans le crépis. Momo de Monclar, Ibrahim, Rachid…… chacun laisse sa marque

.

L’attente commence. Pas d’eau, pas de nourriture. Je réclame en vain de
la glace pour faire désenfler mon bras. Les murs et le sol sont souillés
de tâches de sang, d’urine et d’excréments
. Un méchant néon est allumé
en permanence. Le temps s’étire. Rien ici qui permette de distinguer le
jour de la nuit. La douleur lancinante m’empêche de dormir. J’ai
l’impression d’avoir le cœur qui pulse dans ma main. D’ailleurs alors
que j’écris ces lignes une semaine plus tard, je ne parviens toujours
pas à dormir normalement.

J’écris tout cela en détails, non pas pour me lamenter sur mon sort. Je
suis malheureusement bien conscient que ce qui m’est arrivé est
tristement banal, que plusieurs fois par jours et par nuits dans chaque
ville de France des dizaines de personnes subissent des traitements
bien
pires que ce que j’ai enduré. Je sais aussi que si j’étais noir ou arabe
je me serais fait cogner avec encore moins de retenue. C’est pour cela
que j’écris et porte plainte.
Car j’estime que dans la police française
et dans les CRS en particulier il existe de dangereux individus qui sous
le couvert de l’uniforme laissent libre cour à leurs plus bas instincts.

(Evidement il y a aussi des arrestations justifiées, et la police ne
fait pas que des interventions abusives. Mais je parle des dérapages qui
me semblent beaucoup trop fréquents.)

Que ces dangers publics sévissent en toute impunité au sein d’un service
public qui serait censé protéger les citoyens est inadmissible dans un
état de droit.

J’ai un casier judiciaire vierge et suis quelqu’un de profondément non
violent, par conviction, ce type de mésaventure me renforce encore dans
mes convictions, mais si je ne disposais pas des outils pour analyser la
situation je pourrais aisément basculer dans la violence et l’envie de
vengeance. Je suis persuadé que ce type d’action de la police nationale
visant à instaurer la peur ne fait qu’augmenter l’insécurité en France
et stimuler la suspicion et la haine d’une partie de la population (Des
jeunes en particulier.) face à la Police. En polarisant ainsi la
population on crée une tension perpétuelle extrêmement perverse.

Comme je suis un homme de culture et de communication je réponds à cette
violence avec mes armes. L’écriture et la parole. Durant les 16h qu’a
duré ma détention. (Avec les nouvelles lois, on aurait même pu me garder
48h
en garde à vue.) Je n’ai vu dans les cellules que des gens d’origine
africaine et des gitans. Nous étions tous traité avec un mépris
hallucinant. Un exemple, mon voisin de cellule avait besoin d’aller aux
toilettes. Il appelait sans relâche depuis près d’une demi heure,
personne ne venait. Il c’est mit à taper contre la porte pour se faire
entendre, personne. Il cognait de plus en plus fort, finalement un
gardien exaspéré surgit. »Qu’est ce qu’il y a ? » « J’ai besoin d’aller
aux chiottes. » « Y a une coupure d’eau. » Mais j’ai besoin. » « Y a pas
d’eau dans tout le commissariat, alors tu te la coince pigé. »

Mon voisin qui n’est pas seul dans sa cellule continue de se plaindre,
disant qu’il est malade, qu’il va faire ses besoins dans la cellule.

« Si tu fais ça on te fait essuyer avec ton t-shirt. »

Les coups redoublent. Une voix féminine lance d’un air moqueur. « Vas-y
avec la tête pendant que tu y es. Ca nous en fera un de moins. » Eclats
de rire dans le couloir comme si elle avait fait une bonne plaisanterie.

Après une nuit blanche vers 9h du matin on vient me chercher pour
prendre mon empreinte et faire ma photo. Face, profil, avec un petit
écriteau, comme dans les films. La dame qui s’occupe de cela est la
première personne qui me parle avec humanité et un peu de compassion
depuis le début de ce cauchemar. « Hee bien, ils vous ont pas raté.
C’est les CRS, ha bien sur. Faut dire qu’on a aussi des sacrés cas
sociaux chez nous. Mais ils sont pas tous comme ça. »

J’aimerais la croire.

Un officier vient me chercher pour que je dépose ma version des faits et
me faire connaître celle de ceux qui m’ont interpellé. J’apprends que je
suis poursuivi pour : outrage, incitation à l’émeute et violence envers
des dépositaires de l’autorité publique. C’est vraiment le comble. Je
les aurais soi disant agressés verbalement et physiquement. Comment ces
fonctionnaires assermentés peuvent ils mentir aussi éhontement ? Je
raconte ma version des faits à l’officier. Je sens que sans vouloir
l’admettre devant moi, il se rend compte qu’ils ont commis une gaffe. Ma
déposition est transmise au procureur et vers midi je suis finalement
libéré. J’erre dans la ville comme un boxeur sonné. Je marche
péniblement. Un mistral à décorner les bœufs souffle sur la ville. Je
trouve un avocat qui me dit d’aller tout de suite à l’hôpital faire un
constat médical. Je marche longuement pour parvenir aux urgences ou je
patiente plus de 4 heures pour recevoir des soins hâtifs. Dans la salle
d’attente, je lis un journal qui m’apprend que le gouvernement veut
supprimer 200 hôpitaux dans le pays, on parle de couper 6000 emplois
dans l’éducation. Sur la façade du commissariat de St Roch j’ai pu lire
qu’il allait être rénové pour 19 millions d’Euros. Les budgets de la
sécurité sont à la hausse, on diminue la santé, le social et
l’éducation. Pas de commentaires.

Je n’écris pas ces lignes pour me faire mousser, mais pour clamer mon
indignation
face à un système qui tolère ce type de violence. Sans doute
suis-je naïf de m’indigner. La plupart des Français auxquels j’ai
raconté cette histoire ne semblaient pas du tout surpris, et avaient
connaissance de nombreuses anecdotes du genre. Cela me semble d’autant
plus choquant. Ma naïveté, je la revendique, comme je revendique le
droit de m’indigner face à l’injustice. Même si cela peut paraître de
petites injustices. C’est la somme de nos petits silences et de nos
petites lâchetés qui peut conduire à une démission collective et en
dernier recours aux pires systèmes totalitaires. (Nous n’en sommes bien
évidement heureusement pas encore là.) Depuis ma sortie, nous sommes
retournés sur la place de papes et nous avons réussi à trouver une
douzaine de témoins qui ont accepté d’écrire leur version des faits qui
corroborent tous ce que j’ai dis. Ils certifient tous que je n’ai
proféré aucunes insultes ni n’ai commis aucune violence
. Les témoignages
soulignent l’incroyable brutalité de l’intervention des CRS et la totale
disproportion de leur réaction face à mon intervention. J’ai essayé de
retrouver des images des faits, mais malheureusement les caméras qui
surveillent la place sont gérées par la police et, comme par hasard
elles sont en panne depuis début juillet. Il y avait des centaines de
personnes sur la place qui auraient pu témoigner, mais le temps de
sortir de garde à vue, de me faire soigner et de récupérer suffisamment
d’énergie pour pouvoir tenter de les retrouver. Je n’ai pu en rassembler
qu’une douzaine. J’espère toujours que peut être quelqu’un ait
photographié ou même filmé la scène et que je parvienne à récupérer ces
images
qui prouveraient de manière définitive ce qui c’est passé.

Après 5 jours soudain, un monsieur africain m’a abordé, c’était l’un des
musiciens qui avait été interpellé. Il était tout content de me
retrouver car il me cherchait depuis plusieurs jours. Il se sentait mal
de n’avoir rien pu faire et de ne pas avoir pu me remercier d’être
intervenu en leur faveur. Il était profondément touché et surpris par
mon intervention et m’a dit qu’il habitait Grenoble, qu’il avait 3
enfants et qu’il était français. Qu’il viendrait témoigner pour moi.
Qu’il s’appelait Moussa Sanou.

« Sanou , c’est un nom de l’ethnie Bobo. Vous êtes de Bobo-Dioulasso ? »
« Oui. » Nous nous sommes sourit et je l’ai salué dans sa langue en Dioula.

Il se trouve que je vais justement créer un spectacle prochainement à
Bobo-Dioulasso au Burkina-faso. La pièce qui est une adaptation de
nouvelles de l’auteur Mozambicain Mia Couto s’appellera « Chaque homme
est une race » et un des artistes avec lequel je vais collaborer se
nomme justement Sanou.

Coïncidence ? Je ne crois pas.

Je suis content d’avoir défendu un ami, même si je ne le connaissais pas
encore.

La pièce commence par ce dialogue prémonitoire.

Quand on lui demanda de quelle race il était, il répondit : « Ma race
c’est moi. »

Invité à s’expliquer il ajouta

« Ma race c’est celui que je suis. Toute personne est à elle seule une
humanité.

Chaque homme est une race, monsieur le policier. »

Patrick Mohr

PARAGUAY: l'espoir

Après la victoire de l'union de la gauche le 20 avril dernier, le nouveau président Fernando Lugo a officielement pris ses fonctions le 15 août.

Voici un entretien parru sur alterinfos.


PARAGUAY - Entretien avec Fernando Lugo

Fernando Lugo, César Sanson & rédaction, À l’Encontre

mercredi 31 octobre 2007, mis en ligne par Dial


2 juillet 2007 - À l’Encontre - Le Paraguay est un pays qui compte quelque 7,5 millions d’habitants. Sa participation au PIB (Produit intérieur brut) latino-américain est de 0,35% en 2003 ; en recul depuis 1990. Ce qui indique sa marginalité en termes économiques et fournit une donnée générale sur la régression sociale qui le frappe. L’essentiel de ses exportations est composé de produits primaires (86,3% en 2003). Le pays est sous la pression d’une dette extérieure qui a explosé. Elle s’élevait à 1,69 milliard de dollars en 1990 – pour un PIB de 6,2 milliards de dollars – et a passé à 2,9 milliards en 2003 pour un PIB évalué à cette date à 7,3 milliards de dollars.

En 1954, le parti Colorado, dirigé par Alfredo Stroessner, prit le pouvoir par un coup d’État et installa une fort longue dictature. Il a fallu attendre février 1989 pour qu’un autre coup d’État monté par Andrés Rodriguez ouvre ce qu’il convenait d’appeler en Amérique latine « une transition vers la démocratie ». Ce coup d’État intervient après une période considérée de boom économique à la suite des relations établies avec le Brésil dans le cadre de la construction du gigantesque barrage électrique d’Itaipu. Le Paraguay devint aussi une plate-forme de « services », ce qui, en clair, implique pour l’essentiel des activités bancaires de recyclage d’argent, de provenances plus que douteuses, et des activités de contrebande, quasi officielles. A cela se sont ajoutées des opérations spéculatives immobilières.

Depuis 1981, le régime dictatorial faisait face à des difficultés croissantes pour reproduire son système de domination qu’il avait quasiment légalisé. L’élection, la septième de Stroessner, a eu lieu en février 1988, avec 88,6% des votes. Toutefois, les tensions sociales et politiques ne cessaient de croître. Cela se traduisit, entre autres, par des luttes de clans au sein même des forces « stroessneristes ». C’est ce qui a suscité le coup d’État de Rodriguez en 1989.

Au-delà des changements politico-électoraux, les fondements structurels de cet État oligarchique dépendant n’ont pas changé. La corruption, le pillage du pays, l’insertion de l´économie et de l´État dans les trafics continentaux en tout genre, l’impunité des dominants sont restés les caractéristiques de cet État et de ce régime qui est demeuré, en quelque sorte, sous l´emprise du Parti-État Colorado.

Après les élections de février 1988, les fractions les plus conservatrices rassemblées autour de Stroessner voulurent réorganiser leur dispositif et se sont affrontées à des secteurs du parti Colorado. Ainsi surgit d’un côté un nouveau leadership avec Rodriguez et de l’autre côté une opposition dans des rangs de la bourgeoisie exclus de cette réorganisation. En outre, dès 1988-1989, le mouvement paysan revendiquant une réforme agraire prit un essor. En outre, les premiers éléments d’un mouvement ouvrier revendicatif se manifestèrent. La lutte pour les droits démocratiques, après autant d’années de dictature, s’amplifia. Une "unité" s’opéra entre secteurs bourgeois, une partie de la hiérarchie catholique et des organismes représentant la « société civile ». C’est dans ce nouveau contexte que se produisit le renversement militaire de Stroessner. Le dictateur demanda alors l’asile au Brésil, et l’obtint.

En réalité, du point de vue de Rodriguez et des secteurs militaires le souci principal était de maintenir la continuité des rapports assurant aux militaires leurs privilèges. Cela nécessitait une relation étroite et stable entre l’État oligarchique, l’armée et le parti Colorado. Donc le coup n’était pas le fruit d’une "avancée démocratique". Mais le résultat d’une compréhension de la part de Rodriguez du degré de crise de l’ancien dispositif et de la nécessité de relooker les rapports gouvernement-parti-forces armées.

Toutefois, le coup de février 1989 a ouvert un certain espace démocratique. Face aux difficultés de gestion politique fut effectué le choix d’opérer des élections pour le Congrès et pour le poste de président. Cela représentait une solution assez « continuiste » afin de ne pas susciter trop de réactions parmi ceux qui avaient durant plus de 35 ans touché les dividendes du "stroessnerisme" et permettre d’endiguer une montée politique et sociale. L’opposition donna une certaine légitimité à cette manœuvre affirmant que les élections avaient été démocratiques et pluralistes.

Durant toute la période de la présidence de Rodriguez, la « transition démocratique » s’effectua plus que lentement et fut placée sous contrôle étroit. La répression des mouvements paysans a été permanente. Une loi électorale et une Constitution furent adoptées. Jusqu’en 2005, le parti Colorado persista dans ses positions dominantes. Mais l’armée ne cessa de négocier avec les forces politiques pour garantir ses positions et privilèges. Pour preuve, au général Rodriguez succéda le général Oviedo, et les milieux les plus riches des classes dominantes – appelés les « barons d’Itaipu » (le barrage monumental) – mirent au pouvoir Juan Carlos Wasmosy. Ce dernier était, de fait, le représentant civil des militaires. Ce qui n’empêcha pas, au cours des années, que des tensions apparaissent entre les fractions économiques et politiques, d’un côté, et les militaires, de l’autre.

L’ensemble de ce fonctionnement politico-étatique, avec un fort clientélisme, aboutit à une distribution des terres aux membres du Parti, de l’appareil d’État et de l’armé qui fait du Paraguay un des pays où la propriété terrienne est parmi la plus concentrée en Amérique latine.

En 1999, à l’occasion de l’assassinat du vice-président de la République et leader historique du parti Colorado, le docteur Argana, la population descendit dans la rue pour manifester son opposition à tout retour à la dictature. Cet assassinat du mois de mars est connu comme le « mars paraguayen ». Un changement de président fut nécessaire : Raul Cubas Grau a dû laisser son poste à Luiz Gonzalez Macchi, toujours du Pparti Colorado. En août 2003, le président Nicanor Duarte Frutos arriva au pouvoir. L’élection présidentielle d’avril 2008 peut représenter une phase nouvelle dans cette longue transition. C’est dans ce contexte rapidement décrit qu’il nous semble utile de prendre connaissance des positions d’un candidat qui marque un changement dans la tradition politique paraguayenne, Fernando Lugo [1], qui se revendique de la théologie de la libération. La candidature de Fernando Lugo ne représente pas une rupture « radicale », mais doit être saisie dans le contexte d’un pays marqué par une inégalité sociale extrême, frappant en particulier la population paysanne autochtone, et un système politique marqué du sceau du pouvoir oligarchique. La candidature de Fernando Lugo doit être située dans ce cadre.


Qui êtes-vous, Fernando Lugo ?

Fernando Lugo : Je suis né dans une très petite localité, San Solano, un lieu où ne vivaient alors pas plus d’une soixantaine de familles. L’année de ma naissance, toute ma famille a dû déménager vers une ville plus grande, afin que mes frères puissent continuer leurs études. Nous sommes six frères et sœurs – cinq frères et une sœur –, et je suis le dernier. Mon éducation primaire s’est faite dans une école religieuse. En parallèle, je travaillais dans les rues d’Encarnación où je vendais différentes choses, des « empanadas », divers aliments, du café Cabral – un café qui vient du Brésil – bref, le travail a constitué l’une des caractéristiques de ma famille. Quand est venu pour moi le moment de m’inscrire à l’université, mon père voulu que je devienne avocat. Celui-ci a toujours désiré que l’un de ses fils devienne avocat, il a essayé avec les aînés, il n’a pas réussi, puis il n’a pas réussi avec moi non plus. Moi je désirais être enseignant et je suis donc entré à l’École normale. A 17, 18 ans je donnais déjà des cours dans une localité, Hohenau 5, à plus de 100 élèves, cinquante le matin et cinquante l’après-midi, et je crois que c’est là au cœur de cette expérience d’enseignant à Hohenau 5 que Dieu m’a appelé. En 1971, j’ai donc décidé d’entrer au Séminaire de la Congrégation de la Parole Divine.

Vos parents ont-ils accueilli favorablement votre décision ?

Fernando Lugo : Non, ils ne l’ont même pas acceptée. Ma famille n’est pas une famille religieuse. Je n’ai jamais vu mon père entrer dans une église, cependant ma famille a toujours été très juste, très généreuse, très solidaire. Mais ils n’étaient pas pratiquants et ma décision d’entrer au séminaire a représenté un coup pour eux. J’aimerais également insister sur le fait que ma famille a toujours été persécutée par le régime de Stroessner. Mon père a été vingt fois en prison…

Vingt fois ?

Fernando Lugo : Exactement. Et trois de mes frères ont été arrêtés, puis torturés, avant d’être expulsés du pays parce qu’ils étaient contre Stroessner. Ils faisaient partie d’une dissidence du parti Colorado qui n’acceptait pas la dictature. Mes frères ont été expulsés en 1960, et ce n’est que 23 ans plus tard que je les ai revus, à Noël de l’année 1983. Je dis cela pour montrer qu’en moi coule le sang de la politique et que celui-ci a été canalisé vers la vie de missionnaire.

Quand vous vous êtes décidé pour le séminaire, quel âge aviez-vous ?

Fernando Lugo : 19 ans. Avec le temps, je me suis réconcilié avec mon père, un homme au caractère très fort, alors que ma mère est au contraire une femme affectueuse au caractère gentil et doux.

Mais votre motivation pour la vie religieuse, d’où vient-elle, si l’on considère le fait que votre famille n’était pas religieuse ?

Fernando Lugo : Elle vient de Hohenau 5 où j’ai commencé à donner des cours et à organiser des lectures des Évangiles en 1970. La population de cette ville était très religieuse et n’avait pas de curé. Le curé ne venait qu’une fois par mois, parfois tous les deux ou trois mois seulement, alors les personnes se réunissaient entre elles tous les dimanches et je participais avec eux à des célébrations dominicales, à la lecture de la parole de Dieu, aux commentaires, prières et chants et c’est de là qu’est née ma motivation pour la vie religieuse. C’est dans ma vie à Hohenau 5 que Dieu m’a interpellé et qu’une série de grandes questions ont alors surgi, jusqu’à ce que je me décide, à la fin de la même année, à entrer au Séminaire.

Comment votre vie d’étudiant s’est-elle passée, à l’université, en Faculté de théologie ?

Fernando Lugo : Ma vie universitaire a été caractérisée par ma participation au mouvement étudiant. J’ai été plusieurs fois président du centre académique de Théologie et j’étais ainsi en lien avec d’autres facultés, de droit ou d’ingénierie, où il y avait, à Asunción notamment, des groupes d’étudiants aguerris. Après avoir terminé la Théologie, je suis allé en Équateur où je suis resté pendant cinq ans.

En quelle année avez-vous été ordonnée prêtre ?

Fernando Lugo : En 1977. Cette même année, je vais en Équateur, pour travailler avec des personnes de la campagne dans des paroisses, des collèges et des prisons. Je crois que c’est là qu’a commencé la seconde étape de ma formation, parce qu’au Paraguay nous n’avions jamais étudié la Théologie de la Libération. En Équateur, entre 1977 et 1982, j’ai fait partie d’une coordination de l’Église des pauvres (formalisée à l’occasion de la Conférence épiscopale de Puebla qui a eu lieu en 1978), et cela a constitué un bon complément à ma formation et à mon idéal : mon option pour le travail dans le domaine social.

Et en quelle année avez-vous été ordonné évêque ?

Fernando Lugo : En 1994. En 1982, je suis revenu de l’Équateur et pendant une année, j’ai travaillé dans une paroisse au Paraguay. Mais en février 1983, j’ai reçu un ordre d’expulsion du Paraguay. La police paraguayenne a alors prié l’évêque de la ville d’Encarnación que j’étais de bien vouloir quitter le pays, pour des raisons de sécurité intérieure…

Pour quelle raison ?

Fernando Lugo : Pour mes sermons hautement subversifs, pour atteinte à la paix sociale et pour avoir parlé contre le gouvernement… C’est donc dans cette conjoncture que je quitte le pays et que je me rends à Rome pour y étudier. De 1983 à 1987, je reste à Rome, puis je retourne au Paraguay où je me mets à enseigner, surtout l’Enseignement social de l’Église. Nous étions à ce moment dans une situation un peu différente et j’ai beaucoup travaillé avec la Conférence épiscopale du Paraguay, comme conseiller théologique et aussi comme conseiller théologique du CELAM (Conférence de l’Épiscopat latino-américain et caribéen).

Si l’on considère votre trajectoire, n’est-il pas surprenant que vous ayez été ordonné évêque alors que vous étiez déjà lié à la théologie de la libération ? Comment votre ordination s’explique-t-elle ?

Fernando Lugo : J’entretenais une excellente relation avec l’épiscopat paraguayen, puisqu’en tant que prêtre je travaillais comme conseiller du CELAM dans le domaine de l’Enseignement social de l’Église. Il y avait ainsi une sorte de garantie institutionnelle de mon travail qui m’a donné crédibilité et légitimité.

Vous êtes donc ordonné évêque et êtes à la tête d’un diocèse…

Fernando Lugo : Du diocèse le plus pauvre du pays, San Pedro, diocèse dans lequel il y a beaucoup de problèmes sociaux et économiques. Jusqu’en 1994, année où j’ai été nommé à la tête du diocèse, il y a avait, dans tout le Paraguay, 112 occupations de la terre. Et sur ces 112, 52 étaient à San Pedro. C’est là dans le Département qui compte le plus grand nombre de latifundia que l’on a essayé, par un travail social pastoral, d’organiser les paysans sans terre. Si ces occupations de terre ont continué à avoir lieu, c’est parce que les voies légales et institutionnelles permettant d’acquérir la terre sont insuffisantes au Paraguay. Pour que les paysans puissent posséder de la terre dans ce pays, pour que l’on puisse obtenir un petit quelque chose, il faut descendre dans la rue, occuper les terres et qu’il y ait deux ou trois morts. C’est ça le processus de lutte pour la terre dans notre pays.

Dans votre diocèse, il y a beaucoup de conflits autour de la terre, la pauvreté…

Fernando Lugo : Quand je suis arrivé, il y avait 650 communautés ecclésiales de base, et quand je suis parti, il y en avait environ 1000. Nous avons organisé à San Pedro la première Rencontre diocésaine des Communautés ecclésiales de base, la première Rencontre nationale et même, en 1997, la Rencontre latino-américaine et caribéenne des communautés ecclésiales de base. San Pedro a ainsi constitué dès le début un modèle, par le type d’organisation ecclésiale à l’intérieur de l’Église : une structure laïque et horizontale, ainsi que des assemblées diocésaines où les laïques participent fortement.

Est-ce vous qui avez renoncé à votre charge d’évêque ou est-ce le Vatican qui vous a révoqué ?

Fernando Lugo : Le 22 décembre dernier 2006, j’ai présenté ma demande de renonciation au ministère sacerdotal et épiscopal de la Nonciature du Paraguay. Le 25 du même mois, j’ai annoncé publiquement cette demande. Le 4 janvier 2007, j’ai reçu la réponse du Vatican selon laquelle celui-ci n’acceptait pas ma requête. J’ai ensuite été suspendu de tout mon ministère sacerdotal. Aujourd’hui, en accord avec le Droit canonique, je suis un évêque suspendu au sein de l’Église catholique. Mais de son côté, que dit la Constitution nationale ? La Constitution nationale dit qu’aucun ministre d’aucune religion ni d’aucun culte ne peut être candidat à la présidence et c’est précisément en fonction de cet article que j’ai présenté ma démission. Selon l’interprétation des constitutionnalistes, le fait que ma démission de l’Église soit un acte libre garantit la validité de ma candidature. L’article 42 de la Constitution nationale affirme quant à lui qu’aucune personne ne peut être considérée comme appartenant à un groupe qu’elle a décidé librement de quitter. Donc mon geste de renonciation, effectué librement, garantit en lui-même la validité de ma candidature.

Alors pourquoi continue-t-il à avoir des risques d’invalidation de votre candidature ?

Fernando Lugo : Parce que l’Église catholique, d’un point de vue canonique, dit que je continue à être évêque. Pourquoi ? Parce que le sacrement de l’ordre imprime un « caractère » indélébile. Je ne cesserai donc jamais d’être prêtre, même si j’abandonne le ministère. Il s’agit là d’un argument théologique. Cependant, dans n’importe quelle jurisprudence de n’importe quel pays du monde, l’argument théologique n’a pas de poids politique. Le risque est toutefois que la justice paraguayenne donne un poids juridique à un argument d’ordre théologique. Dans ce cas, je peux donner du poids à un argument théologique du judaïsme, de l’islam ou du christianisme. N’importe quel étudiant de première année de droit sait que dans l’ensemble des lois d’un pays, c’est d’abord la Constitution qui prime, puis les traités internationaux, puis, en dernier lieu, les lois du pays. La loi de telle ou telle église n’entre aucunement en jeu. C’est pour cela qu’un argument théologique ne peut en aucun cas avoir de poids juridique.

Une éventuelle invalidation juridique de votre candidature pourrait-elle donc être interprétée comme un « coup » ?

Fernando Lugo : Oui. Et plus qu’un « coup », une disqualification sur un argument erroné.

Et pensez-vous que la Cour suprême puisse prononcer cette invalidation ?

Fernando Lugo : Oui, c’est possible et pas improbable.

Maintenant, quelles conséquences une telle décision aurait-elle ?

Fernando Lugo : Des conséquences que l’on ne peut mesurer. Il pourrait y avoir une réaction de la population, de la communauté internationale. Quand ils disent qu’ils vont invalider ma candidature, je réponds que je veux savoir avec quels arguments, puisque les constitutionnalistes disent que je suis habilité à déposer ma candidature.

Vous ne faites donc pas confiance à la Justice ?

Fernando Lugo : Non.

Pourquoi ?

Fernando Lugo : Parce que la composition de la justice au Paraguay est le résultat d’un pacte politique et que ce sont les partis politiques qui désignent leurs représentants. Aujourd’hui, la Cour suprême de justice du Paraguay compte neuf membres. De ces neuf, cinq appartiennent au parti officiel et quatre sont de l’opposition. Il ne s’agit donc pas d’un problème juridique, mais bien d’un problème politique, et « politiquement » les décisions peuvent être prises par cinq voix contre quatre.

Vous et ceux qui vous soutiennent, que pensez-vous donc faire ?

Fernando Lugo : Il y a différentes possibilités auxquelles nous sommes déjà en train de réfléchir. Concernant la possibilité d’une réaction populaire, celle-ci est imprévisible et je ne suis donc pas en mesure de savoir si elle va avoir lieu ou non. Une espérance a été mise en marche : les gens sont dans l’expectative de grands changements et ils sont conscients qu’il existe la possibilité de changer de gouvernement et de commencer à opérer des réformes à partir des structures existantes.

Quel est le moment décisif où vous vous êtes décidé pour la politique et où vous avez demandé au Vatican d’être délié de vos obligations ?

Fernando Lugo : Je suis sorti du diocèse en 2005 parce que j’ai bien dû me résoudre au fait que malgré les grands efforts faits par l’Église, avec les pastorales sociales notamment, les succès escomptés n’avaient pas eu lieu et parce que j’ai compris que les changements réels dans l’économie et le social ne pouvaient venir que de la politique. Nous avons donc commencé avec quelques amis à nous réunir le 3 janvier au sein d’un collectif de réflexion et d’analyse auquel participaient des artistes, des intellectuels, des paysans, des étudiants et des gens de l’Église pour penser le pays. Ce groupe a commencé avec 12 personnes, puis il a grandi, grandi pour devenir le 17 décembre le mouvement Tekojoja qui constitue dans tout le pays le mouvement politique ayant connu la plus grande croissance sur un temps si court. Ce groupe fait partie de ceux qui défendent ma candidature à la présidence de la République et il a été à l’origine du lancement de la pétition me demandant de me consacrer à la politique. Cette pétition, qui a recueilli cent mille signatures, m’a été remise le 17 décembre 2006. Ce groupe est devenu aujourd’hui au Paraguay l’un des groupes les plus forts dans la dynamique politique du pays.

Qui fait-il partie du mouvement Tekojoja ?

Fernando Lugo : Le mouvement Tekojoja naît au moment où les mouvements sociaux se rendent compte du fait que ses grandes revendications, du point de vue social, ne sont pas prises en compte, et qu’ils n’avancent pas. Quand les sans-terre voient leur lutte sociale criminalisée, alors que plus de quatre mille paysans sont en train de manifester… cela ne peut qu’affaiblir la lutte sociale. Ces groupes commencent à penser de manière politique leurs mouvements sociaux et pensent à agir en tant que mouvement politique. Dans le groupe Tekojoja, la grande majorité des participants sont des leaders sociaux, des jeunes, des étudiants, des artistes et des militants politiques qui ne viennent pas des partis traditionnels. Il y a aussi des intellectuels, des ouvriers et des paysans.

Vous serez donc le candidat de ce mouvement et pas nécessairement celui d’un parti ?

Fernando Lugo : Autant la Démocratie chrétienne que le Parti révolutionnaire fébrériste [qui se revendique de la social-démocratie internationale] me proposent d’être leur candidat, mais je peux aussi être le candidat du groupe Tekojoja ou du PMAS (Parti du Mouvement vers le Socialisme), un parti récent composé de jeunes…

Ces partis ne font-ils pas partie du mouvement politique Tekojoja ?

Fernando Lugo : Non, mais ils font partie de ce que l’on appelle le Bloc social et populaire. Bloc dont le groupe Tekojoja fait partie, comme d’ailleurs la Démocratie chrétienne, le Parti révolutionnaire fébrériste, le PMAS, les centrales syndicales et certains groupes d’habitants de quartiers.

Ces composantes ont-elles toutes soutenu votre candidature ?

Fernando Lugo : Toutes appuient ma candidature. Cela représente 27 mouvements.

Nous avons reçu des informations selon lesquelles certains de ces groupes auraient retiré leur appui à votre candidature. Si cela est vrai, comment cela s’est-il passé ?

Fernando Lugo : Le fait de retirer l’appui à ma candidature ?

En effet. Des informations de presse rendent compte du fait qu’à l’intérieur de ce grand bloc de gens appuyant votre candidature, des divergences internes seraient survenues et que certains groupes auraient parlé de se retirer. Cela est-il vrai ?

Fernando Lugo : Il y a deux grands groupes. L’un est le Bloc populaire auquel participent les partis de gauche, et l’autre, c’est la Concertation nationale, à laquelle participent également des groupes sociaux et huit partis politiques, certains étant des partis traditionnels. La Concertation m’a également invité à faire partie de cette articulation. Unie, elle aurait le pouvoir de garantir le contrôle électoral. Parce que le Parti libéral est un parti centenaire et que les partis Patria Querida, Unase, Encuentro Nacional ou encore le parti País Solidário… sont des partis avec une représentation parlementaire pouvant garantir deux choses : le déroulement correct du processus électoral et aussi, parce qu’ils ont beaucoup de parlementaires, la bonne gouvernabilité. Mais le Bloc populaire se trouve par certains aspects dans une situation irréconciliable avec la Concertation nationale. Nous sommes donc en train de chercher des points permettant de nous réunir. Aujourd’hui, le point de concordance entre les deux composantes, c’est ma candidature. Je veux donc, je désire que nous puissions avancer pour assurer la victoire et la gouvernabilité.

Venons-en au débat latino-américain autour des matières énergétiques. D’un côté Chávez – en accord avec la Bolivie – insiste sur la nécessité d’un grand gazoduc, et de l’autre, le Brésil insiste sur l’éthanol. Comment le Paraguay se positionne-t-il dans ce débat ?

Fernando Lugo : Je crois que la question énergétique est une question de première importance sur toute la planète. Je pense qu’il est nécessaire de la penser non seulement du point de vue économique, mais également de l’introduire dans le débat autour de la question environnementale. Que cela signifie-t-il ? Je crois qu’il existe dans le monde moderne certains problèmes que le système libéral ne parvient pas à aborder. Et l’un de ces problèmes est l’environnement. Comment garantir que le développement économique ne se fasse pas au détriment de l’environnement ? Le problème du Paraguay, c’est que ce n’est qu’à partir de 1996 qu’il existe des lois sanctionnant les atteintes à l’environnement. Auparavant, ce n’était pas un délit écologique que de détruire l’environnement. Mais comment garantir que les entreprises multinationales respectent l’environnement : c’est un grand thème planétaire, en étroite relation avec la production d’énergie propre. Je pense qu’il est nécessaire d’avancer, en concevant et en observant avec créativité des méthodes nouvelles de production d’énergie, mais si l’on veut conserver une planète habitable, cela ne doit pas être fait au détriment de l’éthique humaine ni en agressant l’environnement.

D’un côté le Paraguay se caractérise comme étant un pays agricole et, de l’autre, c’est un pays plein de produits « made in China ». Il existe pourtant des industries dans le pays. Quel est votre projet sur ce point ?

Fernando Lugo : Nous ne sommes pas en train d’élaborer notre projet de gouvernement avec la participation populaire seulement, mais aussi avec la collaboration des entreprises, des milieux professionnels libéraux et une série d’autres groupes sociaux. Il existe aujourd’hui au Paraguay deux grands groupes industriels qui se portent très bien. L’industrie textile, qui exporte très bien, et l’industrie pharmaceutique. Ces groupes ont besoins d’un pays sérieux. Les autres secteurs de l’économie, eux, ne se portent pas bien. Le taux de chômage est élevé, la corruption galopante et l’administration de l’État inefficace. Ce sont là des aspects qui doivent être corrigés. Ils doivent être corrigés à l’aide d’un projet différencié. Ce que nous voulons économiquement ? Passer d’une économie agraire à une économie industrielle ? Non. Nous désirons un modèle économique différent, basé également sur l’économie paysanne, ou, pour le dire autrement, fortifier les petites et moyennes industries – souvent familiales – qui existent déjà. Un autre défi consiste en une utilisation responsable des ressources naturelles en faveur de l’industrialisation. Le Paraguay possède d’importantes ressources énergétiques naturelles et nous pensons que nous pouvons devenir un pays hydroélectrique. Concernant l’eau, une grande partie de l’aquifère Guarani se trouve en sous-sol paraguayen et, en ce moment même, on est en train de faire des recherches de pétrole dans le Chaco paraguayen. Nous avons donc la possibilité de découvrir de champs pétrolifères qui pourraient donner une impulsion économique au pays.

Les élections auront lieu au Paraguay d’ici à un an. Comment vous y préparez-vous ?

Fernando Lugo : Nous nous trouvons actuellement dans un processus de discussion avec la population. Ce que nous voulons, c’est que si Lugo arrive au gouvernement, le peuple ait le pouvoir, qu’il soit protagoniste, que ce soit lui qui élabore le programme. Et moi, je me mets à la disposition du peuple.

Cela sera-t-il possible sans ruptures ? L’élite acceptera-t-elle des changements profonds ?

Fernando Lugo : Les changements violents ne garantissent pas une paix sociale durable. Nous voulons que les groupes sociaux antagoniques pussent s’asseoir et que, les yeux dans les yeux, ils puissent discuter sur le Paraguay dont nous rêvons et sur ce qu’il est possible de construire ensemble.

Pariez-vous sur la mobilisation populaire en tant que phénomène de pression pour opérer les changements ?

Fernando Lugo : Les mobilisations populaires, les groupes de pression ont toujours été un outil important et indispensable dans la construction d’une démocratie durable. On ne peut dénier aux grandes majorités la possibilité de défendre à travers des mobilisations populaires leurs droits de participer et de décider.

Comment vous définissez-vous idéologiquement ?

Fernando Lugo : D’abord, je crois que ma formation chrétienne marque ma conception de la vie : le désir d’équité, d’égalité sociale, de justice, la recherche du véritable Règne de la paix et de l’amour. Mais je crois que je porte également des éléments d’identité socialiste : d’une certaine manière je suis socialiste, je revendique certains éléments du socialisme moderne, lorsque le socialisme recherche l’équité, l’égalité et non la discrimination, ainsi que la participation de tous les groupes sociaux.


Entretien conduit par César Sanson pour l’hebdomadaire Brasil do Fato, mai 2007.

Traduction française et introduction par l’équipe de À l’encontre. Traduction revue par Dial.

http://www.alencontre.org/AmLat/ParagLugo07_07.html

Les opinions exprimées dans les articles et les commentaires sont de la seule responsabilité de leurs auteur-e-s. Elles ne reflètent pas nécessairement celles des rédactions de Dial ou Alterinfos. Tout commentaire injurieux ou insultant sera supprimé sans préavis.

Notes

[1] Fernando Lugo est né en 1951 à San Solano, une petite communauté rurale, mais il a grandi dans la ville d’Encarnación. Sa famille a subi la persécution sous le régime dictatorial d’Alfredo Stroessner (1954-1989) : son père a été emprisonné plus de vingt fois et trois de ses frères ont été torturés puis expulsés du pays. A l’âge de 19 ans, Lugo est entré au Séminaire de la Congrégation de la Parole Divine et il a eu au sein de l’Église une trajectoire pouvant s’identifier avec la Théologie de la Libération. En 1983, il a été expulsé du Paraguay sous le prétexte qu’il aurait fait des « sermons subversifs » hostiles au gouvernement de Stroessner. Après une période passée à Rome, il retourne dans son pays en 1987 et, en 1994, il est ordonné évêque. A la fin de l’année 2006, Lugo renonce à son sacerdoce pour se présenter à l’élection présidentielle paraguayenne d’avril 2008.

source: http://www.alterinfos.org/spip.php?article1784


L'éco-business a le vent en poupe

CENTRALES EOLIENNES CENTRALES SOLAIRES L’OFFENSIVE ECO-CAPITALISTE SUR LES HAUTS CANTONS HERAULTAIS

Depuis quelques années les Hauts Cantons sont convoités par les industriels et les investisseurs de tous poils.

Hier Sita-Suez (2003) et son projet de Méga-décharge à Riols, aujourd’hui deux projets “Éco-capitalistes” qui tentent de s’imposer aux habitants de la région : - création d’une zone de développement éolien de 100 mégawatts sur les avant-monts de St Pons à Olargues ; zone elle-même incluse dans une plus vaste allant de la Montagne Noire aux Cévennes. - création d’une centrale solaire sur le Pardailhan, à Rodomouls (100 hectares de panneaux solaires).

Après la manne que représentent les ordures ménagères, les investisseurs lorgnent sur un nouveau marché juteux : l’énergie renouvelable subventionnée. Sachant profiter des aides publiques pour le développement de l’éolien et du solaire, ils tentent, avec encore une fois le soutien actif des politiques locaux d’imposer “leurs solutions” industrielles, quelles qu’en soient les conséquences sociales, environnementales et sanitaires.

Non contents de capter l’argent public à leur profit et de dévoyer des technologies d’avenir, ils poussent le cynisme jusqu’ à se présenter comme des humanistes soucieux de la protection de l’environnement. Si le solaire et l’éolien, défendus par les écologistes depuis plus de trente ans, contre tous les lobbies (nucléaire, pétrolier…), sont de bonnes solutions pour la production d’énergie quand ils sont d’utilisation locale et autonome, ils deviennent au contraire un problème quand ils sont concentrés, pour une utilisation industrielle.

On voit en ce moment ce que donne cette logique capitaliste et industrielle avec ce qu’il est convenu d’appeler les “éco-carburants”. Leur fabrication provoque une flambée des prix agricoles, due notamment à des pénuries de matières premières alimentaires (maïs, blé, riz), un appauvrissement et des famines. Famines que ces mêmes agro-industriels n’hésitent pas à utiliser pour justifier pesticides et OGM.

C’est l’essence même de ce système que de faire de l’argent, du profit, quels qu’en soient les moyens et quelles qu’en soient les conséquences.

Nous encourageons la population à se mobiliser massivement contre ces projets, comme elle le fît victorieusement contre Sita-Suez.

Nous rappelons que pour nous, l’opposition à ces projets doit s’inscrire, pour être efficace, dans la lutte globale contre le capitalisme. Ces agressions sont un épisode local de la guerre qu’il nous mène partout sur la planète.

Nous réaffirmons à l’occasion de cette nécessaire mobilisation :
- que la terre doit servir à se nourrir et non à la production d’énergie,
- que face aux problèmes causés par l’utilisation des carburants fossiles et leur raréfaction, seule la réduction de notre consommation d’énergie est une solution,
- que le solaire et l’éolien doivent être des moyens autonomisant et localisés,
- que les populations sont seules à même de décider de leur avenir.

LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE N’A PAS D’AVENIR !

Les projets industriels que subit, ici ou là, la population et les luttes qu’elle est obligée de mener, ont au moins le mérite d’amener les opposants à s’interroger sur les deux questions de fond suivantes :
- le système industriel dans son ensemble,
- le mode de prise de décisions politiques dans la démocratie représentative.

Le système industriel dans lequel l’humanité s’est engagée au XIX ièm siècle montre de plus en plus clairement ses limites, car la planète saturée ne peut plus encaisser les agressions qu’elle subit. Le mythe du progrès technique porté par, bien sûr le capitalisme, mais aussi malheureusement par une grande partie du mouvement ouvrier (communisme et socialisme dit “autoritaires” notamment) a modelé nos imaginaires et nos consciences et il est difficile pour chacun de l’abandonner. C’est pourtant maintenant une nécessité vitale que de le remettre en cause et de construire une alternative, qu’elles qu’en soient les difficultés. Une critique partielle de ce système de production et de répartition des biens est une impasse qui nous condamne à nous épuiser, courant d’un projet à l’autre, avec pour seule consolation, parfois, une victoire partielle elle aussi. Voyez comme à peine Sita Suez chassée, un autre front s’ouvre avec l’éolien et le solaire industriel, et on peut l’affirmer sans risque : demain il s’en ouvrira un autre.

Les mobilisations locales pour contrer ces projets doivent donc déboucher sur cette première prise de conscience.

Le mode de décision dit de démocratie représentative est en cause dans tous les projets industriels que les Hauts Cantons ont connus depuis vingt ans : du projet de Réals* (tourisme industriel) au projet de ZDE, en passant par le projet d’Ardouane (immobilier touristique de luxe) et bien sûr la méga-décharge de Tanarès (ordures ménagères). Le processus est tout le temps le même : d’abord une action de lobbying menée par un groupe industriel sur les élus (européens, nationaux ou/et locaux) qui amène ces derniers, déjà adeptes du développement à tout prix, à marcher dans ces projets, voire à les initier. Ensuite une occultation complice de ces projets par ces mêmes élus, la population ne les découvrant qu’au tout dernier moment, lors d’une enquête d’utilité publique ou d’un “atelier de concertation”. Le seul recours étant alors l’opposition en urgence par des voix judiciaires (tribunal administratif) et/ou d’action directe (manif, occupation…).

Mais ce processus scandaleux n’est que l’aboutissement logique de la démocratie représentative (élection sur un mandat général ouvert (un programme), non amendable) et ses dérives clientélistes inévitables. Ce système politique est basé sur la vertu des élus, qui, humains comme nous, sont par nature faillibles voire corruptibles.

Pour la CNT, c’est une lutte globale, anti-capitaliste, anti-industrielle et autogestionnaire, favorisant cette prise de conscience des populations, qu’il faut mener.

Seule une reprise en main des moyens de production (autogestion) et l’adoption de mode de décisions réellement démocratiques (mandat précis et révocable) peuvent faire cesser cette fuite en avant catastrophique du système industriel.

Nous appelons donc tous les opposants à s’engager au-delà des projets “du jour” et à s’organiser durablement pour construire une alternative globale au capitalisme.

*Voir le dossier sur ce sujet que le journal Tam Tam vient de sortir


Union locale CNT des syndicats interpro /

Syndicat des Travailleurs de la Terre et de l’Environnement de l’Hérault.

B.P. 04

34390 Olargues

stte34@cnt-f.org

Publié le 26 août 2008.

source: http://www.cnt-f.org/spip.php?article633

7 août 2008

ROCAMADOUR le samedi 9 août 2008


Communiqué du collectif contre l'enfouissement des déchets nucléaires dans le Lot.

Manifestation contre l'enfouissement des déchets radioactifs
dans le Quercy et commémoration des bombardements
atomiques de Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945

En souvenir des victimes civiles et militaires de Hiroshima et de Nagasaki, un
Collectif de citoyens et d'associations (dont le Groupe Sortir du nucléaire Lot,
les Verts du Lot, les Amis de la Terre Lot, Adage environnement, Vites, Bien
profond...) mène une action symbolique le 9 août à Rocamadour pour dénoncer les
pollutions radioactives dans le monde et s'opposer aux projets de centres
d'enfouissement de déchets radioactifs dans le Quercy et ailleurs.

Le 6 et 9 août 1945, deux bombes atomiques explosaient sur Hiroshima et
Nagasaki, faisant respectivement 250.000 et 150.000 morts immédiats et différés
et entraînant de graves séquelles chez les populations survivantes.

En cette date anniversaire, le Collectif citoyen marque son refus des projets
d'enfouissement des déchets radioactifs dans le Lot

Le 5 juin 2008, en effet, le Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du
Développement durable et de l'Aménagement du territoire (MEEDDAT) a lancé un
appel à candidatures auprès de 3.115 communes françaises dans 20 départements
"afin d'identifier des sites susceptibles d'accueillir un centre de stockage de
déchets radioactis de faible activité à vie longue (FA-VL)".

Le département du Lot est concerné puisque 181 communes du département ont été
sollicitées pour ce projet.

Le Parc Naturel Régional des Causses du Quercy semble particulièrement visé et
cette action à Rocamadour vise à marquer la vigilance et la détermination des
populations à s'opposer à un tel projet, d'où le choix de ce lieu symbolique,
fleuron touristique du département.


Le collectif demande un débat d'envergure nationale sur le sujet de la gestion
des déchets radioactifs qui concerne l'ensemble de la population française afin
de poser le problème dans sa globalité : de la production aux choix énergétiques
du pays - en mettant l'accent sur la maîtrise de la consommation énergétique et
le développement des énergies renouvelables.

Le collectif appelle la population à se joindre à cette manifestation festive,> samedi 9 août à Rocamadour, à 15 h devant la porte du Figuier (à l'entrée de la
cité).

 

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