18 février 2008

Sauvegardons la laïcité de la République

Les organisations et personnalités signataires rappellent solennellement que, selon l’article 1er de la Constitution, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Ces quatre termes indissociables définissent des principes qui s’imposent à tous, au premier rang desquels le Président de la République. Or, les déclarations récentes de Monsieur Sarkozy, mêlant ses convictions personnelles et sa fonction présidentielle, portent atteinte à la laïcité de la République.

La mise en cause de ce principe constitutionnel indispensable à la paix civile est inacceptable. Depuis 1905, grâce à la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, la République assure à chaque citoyen la liberté de conscience, garantit sa liberté de croire ou de ne pas croire et de pratiquer le culte de son choix, de n’en pratiquer aucun ou de pouvoir en changer. Elle permet ainsi de vivre ensemble, dans le respect de chacun, quels que soient ses origines, ses choix philosophiques ou ses convictions religieuses.

Dans notre République et notre société multiculturelle, la diversité doit être richesse et non source de conflit. Pour cela, la laïcité, assurant l’égalité en droit des citoyens dans le respect des lois de la République, permet à la fois l’expression du pluralisme des convictions et la recherche de valeurs communes pour construire une communauté de destin.

Dans un monde aujourd’hui global et de plus en plus complexe, où se multiplient les voies d’accès à l’information et aux connaissances, et où explose la médiatisation des événements et de la pluralité des représentations du monde, seule la laïcité permet l’émancipation de tous en favorisant le libre accès au savoir et à la culture et le discernement de chacun pour un libre choix de vie, par une démarche rationnelle et critique faisant toute leur place au doute, à l’imagination et à la créativité.

C’est pourquoi, les organisations et personnalités signataires s’opposeront à toute tentative qui mettrait, de fait, en cause la laïcité par une modification du contenu de la loi de 1905. A l’heure où nos concitoyens éprouvent des difficultés et des inquiétudes croissantes, elles les appellent à promouvoir la laïcité comme une exigence partagée avec la ferme volonté de bâtir ensemble une société où la justice sociale assurera, quotidiennement, pour toutes et pour tous, la liberté, l’égalité et la fraternité.

Signer la pétition: http://www.appel-laique.org/

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Parmi les organisations signataires:

Mouvements philosophiques

Association des Libres Penseurs de France

Association Voltaire République

Conférence des présidents des Cercles Condorcet

Grand Orient de France

Le chevalier de la Barre

Fédération nationale de la Libre Pensée

Union Rationaliste

12 février 2008

Etienne Chouard: "On se fout de nous" avec le traité européen

Par Étienne_Chouard (Plan C = écrire nous-mêmes notre Constit...) 10H27 04/02/2008

Réunis en Congrès, les 907 députés et sénateurs doivent voter, ce lundi après-midi à Versailles, la révision de la Constitution préalable à la ratification du traité européen de Lisbonne. Promoteur du "Plan C" (écrire nous-mêmes une Constitution d'origine Citoyenne), Etienne Chouard, qui avait été l'un des animateurs du non pendant la campagne référendaire de 2005 sur la "Constitution européenne", nous livre ici sa colère.

Ce qui se passe en France est consternant: les acteurs publics français -parlementaires, ministres, juges- violent sans vergogne le peuple qu’ils sont censés représenter, en lui imposant par voie parlementaire les institutions antidémocratiques qu’il vient de refuser expressément par référendum. On se fout de nous. Et quand la Constitution les gêne, ils la modifient. Eux-mêmes. Et sans référendum! On se fout de nous.

Les médias complices

Ce viol est rendu possible sans déclencher de révolte grâce à la complicité active des soi-disant "sentinelles du peuple": les journalistes, censés surveiller et dénoncer les abus de pouvoir, ne remplissent pas leur mission, pourtant vitale pour la démocratie, et dissimulent un coup d’Etat sous la chape de plomb d’un silence coupable. A la télévision, aucun débat, aucune mise en scène des conflits, aucune publicité donnée aux opinions dissidentes; rien que des jeux, des variétés, des réclames et la chronique judiciaire des faits divers en guise d’information.On se fout de nous.
Le référendum de 2005 avait suscité dans le pays un vif débat qui a servi de révélateur pour des milliers de citoyens comme moi qui faisaient confiance à leurs représentants pour construire le rêve européen et défendre l’intérêt général. Ce révélateur de 2005 a montré une véritable trahison de nos élites qui, sous couvert de la construction européenne, depuis cinquante ans, vident la démocratie de toute réalité et s’affranchissent eux-mêmes de tout contrôle populaire. On se fout de nous. Cette révélation de 2005 est confirmée en 2008 par le viol caractérisé que constitue l’adoption par voie parlementaire du traité de Lisbonne, copie mal maquillée du Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Quelques horreurs supplémentaires

Ce n’est pas tout: j’ai découvert, depuis l’époque du référendum, quelques horreurs supplémentaires.

► En 2006, j’ai compris que le cœur nucléaire de nos impuissances était très probablement la création monétaire, incroyablement abandonnée aux banques privées par l’article 104 du Traité de Maastricht. Et ce hara-kiri monétaire qui est probablement une source importante de toutes nos impuissances politiques, au lieu d’être débattu tous les soirs à la télévision, n’est même pas connu des journalistes professionnels (pourtant, ce côté pro des journalistes de métier nous est souvent présenté comme un gage irremplaçable de compétence et d’honnêteté, une qualification nécessaire pour éviter les errances de l’amateurisme dangereux qui règne partout sur Internet). On se fout de nous.

► En 2007, une autre découverte confirme la direction que prenait mon analyse: l’éclairage précieux des années 30, fourni par les travaux d’Annie Lacroix-Riz, permet de prouver les intrigues gravissimes des industriels et des banquiers contre les institutions républicaines et contre la démocratie.

En un mot, nous n’en sortirons jamais si nous attendons que nos élus nous proposent eux-mêmes une solution: d’abord, ils sont trop dépendants de ceux qui rendent possible leur élection (via les médias subordonnés) et qui, de plus, sont juges et parties dans le processus constituant et ont un intérêt personnel à notre impuissance politique: nous devons donc prioritairement nous réapproprier le processus constituant pour remettre les élus sous contrôle et reprendre la maîtrise publique de la monnaie.

Le révélateur du débat de 2004-2005

Quand Fabius a dit qu’il allait voter non, à l’automne 2004, ça m’a interpellé, réveillé, et j’ai lu son livre, puis celui de Strauss-Kahn, qui était intéressant aussi mais qui parlait d’autre chose: DSK soulignait les avancées -incontestables- du TCE par rapport à la prison de Nice, mais sans répondre aux graves accusations de Fabius: illisibilité d’un texte interminable truffé de renvois et de chausse-trappes; politique économique figée au plus haut niveau du droit; politique monétaire anti-inflation condamnant l’Europe à un chômage de masse; coopération renforcées quasiment interdites et révisions constitutionnelles quasiment impossibles, illégitimité de la Convention Giscard, etc.

Le dialogue de sourd (sans "s") commençait: les "ouiistes" ne voulaient déjà pas entendre que les avancées (réelles) sur lesquelles ils louchaient ne compensaient en rien les aspects objectivement épouvantables de ce texte supérieur. Ils n’ont d’ailleurs jamais répondu à ces reproches depuis: ils ont l’art de parler d’autre chose pour ne pas répondre point par point.

J’ai lu le TCE, attentivement, et cette lecture attentive m’a inquiété au plus haut point. J’ai réalisé que Fabius n’avait pas vu d’autres vices, plus graves encore: confusion des pouvoirs dans les mains des exécutifs sur des domaines importants et listés nulle part ("actes non législatifs" et "procédures législatives spéciales" que j’appelle, moi, "lois sans Parlement", c’est plus clair); étroite dépendance des juges pour leur carrière envers les exécutifs alors que leur pouvoir est immense; totale impuissance des citoyens entre deux élections; totale irresponsabilité politique de quasiment tous les acteurs; révision constitutionnelle impossible avec les peuples mais faciles sans référendum ("procédure chèque en blanc", donc); etc.

Au passage, je souligne que, depuis, j’ai eu encore quelques surprises supplémentaires dans les institutions européennes: d’abord, l’immunité judiciaire à vie de tous les fonctionnaires européens, je dis bien "à vie" (je me demande bien ce que ces gens font de si grave pour avoir besoin d’une telle protection, unique au monde à ma connaissance).

Une incroyable découverte, en 2006

L’abandon aux banques privées de la création monétaire est sans doute la source principale de nos impuissances politiques, mais, surtout, j’ai découvert un fait majeur dont aucun journaliste ne parle jamais: l’abandon définitif, scellé au plus haut niveau du droit -sans débat public-, l’abandon par les Etats de la création monétaire, au profit exclusif des banques privées.

L’article 104 du Traité deMaastricht, qui devrait être notre ennemi prioritaire à tous, le symbole cardinal de la trahison de nos propres représentants, la source principale de notre impuissance politique maladive étant notre soumission financière, mais soumission voulue! Telle un véritable sabordage monétaire.

Je ne sais pas comment les banques privées ont fait pour obtenir ce privilège extravagant de la part de (tous) nos gouvernants, mais je trouve cela profondément révoltant. Il faut lire Maurice Allais, -prix Nobel d’économie, un puits de science, un spécialiste de la monnaie et un courage impressionnant pour lutter de front à la fois contre les multinationales et contre les banques-, il faut lire Allais pour comprendre que les banques se comportent (parce qu’on les y autorise) comme des faux-monnayeurs et que cela nous ruine!

Cette affaire nous coûte en France environ 80 milliards d’euros par an, une paille… et depuis 1973, date où cette interdiction a commencé en France, par la volonté du banquier Pompidou assisté par Giscard, la dette publique n’a fait que croître au point d’asphyxier l’Etat et de menacer les services publics; et le chômage suit la même pente que la dette! Je suis sûr que ce chômage est lié à cette dette; il me semble qu’on pourrait au moins en débattre.

Etienne Chouard

Et c’est précisément cette ruine, et l’impuissance qui en découle, qui sont verrouillées au plus haut niveau par l’article 104 de Maastricht, sans débat. C’est difficile à repérer parce que l’article 104 ne dit pas "les États ne peuvent plus créer leur monnaie mais doivent désormais toujours l’emprunter auprès d’acteurs privés qui facturent aux Etats des intérêts ruineux sans aucun risque et sans autre travail que celui de surveiller les remboursements…"

Cette formulation honnête serait trop claire et déclencherait assurément une révolution. Non, ce que dit l’article 104, c’est "les Etats et autres autorités publiques ne pourront plus jamais emprunter auprès de leur Banque centrale", ce qui est proprement incompréhensible pour le commun des mortels: pour comprendre ce que l’article 104 veut dire, il faut savoir que c’est comme ça que les États créent (créaient) de la monnaie, en empruntant auprès de leur Banque centrale (éventuellement sans jamais rembourser, c’est une modalité possible, mais surtout sans jamais payer aucun intérêt).

Et c’est ça qui est désormais interdit, sans débat, sans avouer l’enjeu, en refusant même d’en parler sérieusement, alors que ça nous coûte les yeux de la tête, de plus en plus chaque année par le jeu diabolique des intérêts composés… On en est rendu aujourd’hui à une dette qu’on n’arrive même plus à rembourser en capital car le paiement des seuls intérêts assèche toutes nos marges de manœuvre: les intérêts de la dette publique en France dépassent 40 milliards par an, 40000 millions chaque année!

Revenus sans cause versés sans contrepartie à des rentiers, sans nécessité. C’est une honte. Cette ruine programmée des Etats (et l’Etat, c’est nous tous, bien sûr) n’est pas une fatalité: c’est une volonté politique et cette volonté politique n’a rien à voir avec l’intérêt général. A l’évidence, elle pourrait changer. Attention à ne pas se tromper de débat: je ne dis pas qu’il faut créer plus de monnaie, il faut en créer autant, mais il faut que ce soit la banque centrale indépendante qui la crée, et pas les banques privées, ce qui va réorienter le revenu de l’intérêt vers les caisses publiques au lieu des caisses privées.

Je ne dis pas non plus qu’il faut que les gouvernements ou les parlements puissent créer la monnaie: c’est un organe indépendant n’ayant rien à espérer d’une élection qui doit avoir ce pouvoir, pour qu’il ne soit pas tenté d’abuser de la création monétaire par clientélisme démagogique. Il n’y a donc aucun risque d’inflation supplémentaire dans cette réappropriation publique de la monnaie; il est simplement question de retirer aux banques privées une source considérable d’enrichissement sans cause, pour rendre cette ressource à la collectivité. C’est urgent.

En n’organisant aucun débat sur ce thème essentiel, on se fout de nous. Pour en finir avec ce résumé sur le hara-kiri monétaire de l’article 104, il n’est pas inutile de préciser que, quand on commence à lire la littérature sur le sujet, on découvre que les humains ont compris depuis longtemps qu’ils ont un problème avec la monnaie (et surtout avec ceux qui l’accumulent et qui font métier d’en gérer la rareté artificielle) et que nos aïeux ont mené des centaines d’expériences de monnaie "parallèles" ou "libres" (souvent "fondantes" pour dissuader l’accumulation confiscatoire), à travers le monde et les époques.

Alors, écoutez bien: on dirait (je le dis sans avoir encore de réelle certitude sur ce point, je lis beaucoup, je progresse, mais si nous avions des débats contradictoires et publics sur tous ces points, nous progresserions tous très vite!) que toutes ces expériences, toutes, à chaque fois que les hommes reprennent le contrôle de la création monétaire et rendent la monnaie suffisante dans une région, à chaque fois, le chômage et la misère disparaissent dans les mois qui suivent, l’activité générale reprend à vive allure. Ce n’est pas tout à fait inintéressant, n’est-ce pas? Et inversement, chaque fois que la Banque centrale vient y mettre son nez, en interdisant cette monnaie libre abondante et en réimposant sa monnaie officielle (rare et chère), le chômage revient… Ça ne mérite pas un petit débat, ça?

On pourrait au moins vérifier sérieusement et mener/publier des études approfondies, de nouvelles expériences, non? A moins qu’il n’y ait quelqu’un qui ait un intérêt personnel puissant à ce que le chômage perdure… Parce que c’est formidable, le chômage, quand même, pour les industriels et les banquiers: ça rend docile, le chômage, et à tous points de vue, c’est bon pour les profits… Y aurait-il donc quelqu’un qui fasse passer cet intérêt puissant avant l’intérêt général?

Là, je vois venir un de ces sagaces analystes qui n’ont qu’un argument, un seul, aussi léger que l’air: "Ouais, on connaît: encore un paranoïaque qui croit à la théorie du complot!" Fin de la réflexion, les neurones du sagace ont fait leur boulot, y’a plus d’argument, circulez! A l’évidence, cette "réflexion" est le degré zéro de l’argumentation. On se fout de qui?

Une autre découverte importante, en 2007

On peut répondre à cette accusation de "paranoïa" (lancée commodément contre tous ceux qui analysent et dénoncent les intrigues des très riches pour conserver leurs privilèges) en signalant le travail considérable d’une historienne courageuse; ce que prouve Annie Lacroix-Riz est important pour comprendre ce qui nous arrive: l’éclairage formidable des années 30 qui sert à prouver les intrigues déplorables des industriels et des banquiers contre les institutions républicaines.

Le lien entre nos institutions -malhonnêtes dès leur constitution, de façon à bien verrouiller l’impuissance politique des salariés- et les intrigues des banques privées -qui sont capables, pour nous asservir, de voler la création monétaire à la collectivité, et même, comme en 1940, de contraindre les représentants politiques à livrer le pays à des bourreaux qu'elles ont fait naître de toutes pièces dans les années 30-, est pour moi la découverte bouleversante de l'année 2007. On commence à avoir des preuves que le cauchemar des banquiers, c'est que les salariés (80% de la population active) échappent à leur emprise et luttent victorieusement pour augmenter leurs salaires...

C'est cette obsession viscérale des salaires chez les banquiers que démontre Annie Lacroix-Riz dans ce livre important qu'est "Le choix de la défaite" (et la vidéo l'accompagnant): chacun peut y découvrir un sabordage historique de la République dont la preuve formelle apportée par l'historienne pour les années 30 met en lumière (et permet d'enfin comprendre) le même choix, le même sabordage (pour les mêmes raisons: tenir en cage les salaires), à travers la construction européenne ardemment voulue et imposée par des banquiers et des industriels, à commencer par Jean Monnet, idole des eurolâtres, mais qui sent le souffre...

Cauchemar de banquier: des salariés dotés d'institutions leur permettant de se défendre financièrement... une République, quoi... l'horreur absolue de tous les rentiers du monde... Dans la lumière crue des années 30 révélées depuis peu par Annie Lacroix-Riz, l’article 104 de Maastricht en particulier, mais également toutes les institutions de l’UE en général, se montrent sous leur vrai jour, un jour qui n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt général, semble-t-il: une arme décisive concédée aux plus riches pour affaiblir les Etats européens et asservir les peuples, une fausse démocratie imposée en douce pour le compte d’une oligarchie. Rien de neuf sous le soleil: on se fout de nous. Objectivement, avec les institutions de l’Union européenne voulue par les banquiers, nos suffrages ne comptent presque plus pour rien. Ils ont construit une démocratie factice, sans nous pendant cinquante ans, et même maintenant contre nous!

Confirmation en 2008 de ce que 2005 avait révélé

Le coup de force de la voie parlementaire montre au grand jour que nous sommes dans les mains d’une bande de voleurs violeurs: nous sommes en cleptocratie. Alors, que faire?

Ils disent que le traité de Lisbonne n’est pas une Constitution, que c’est un simple traité, et que les gouvernements sont donc parfaitement habilités à signer les traités. Comment répondre à ces arguments? Comment montrer que les gouvernements ne sont pas légitimes dans la construction européenne?

Voilà mon angle d’attaque à moi: ce texte est un traité, à l’évidence, ET c’est aussi une Constitution, et c’est justement notre problème, le cœur de l’escroquerie, parce qu'on n’écrit évidemment pas une Constitution par voie de traité puisque, d’une part, nos représentants ne sont pas propriétaires de la souveraineté populaire qu’ils ne font qu’incarner temporairement et qu’ils ne peuvent absolument pas transmettre sans nous, sous peine de haute trahison, et d’autre part, ils sont à la fois juges et parties dans le processus constituant, ce qui les rend profondément suspects et illégitimes.

Les parlementaires les ministres et les juges sont évidemment en conflit d’intérêt quand ils se proclament "constituants". Rousseau le redoutait et le présageait, mais déjà à Athènes, on avait vu le piège et on faisait écrire la Constitution par un étranger… Coïncidence? Cette modalité antique a donné la seule vraie démocratie au monde où le peuple contrôlait vraiment quotidiennement les hommes qu’il plaçait au pouvoir.

C’est Goethe qui disait: "Tout a déjà été pensé; l’important est d’y penser à nouveau." Ce texte, comme les autres, est une Constitution de fait, indépendamment de l’étiquette que veulent bien lui coller ses auteurs (un fiole de poison n’est pas moins dangereuse quand on lui retire son étiquette); ce texte est une Constitution par la nature des règles qu’il porte, parce qu’il institue des organes producteurs de normes obligatoires et donc dangereuses (un Parlement, un gouvernement, des juges, une hiérarchie de normes, des procédures…).

Rappelons qu’une Constitution est un acte de défiance qui sert à protéger le peuple des abus de pouvoir (cf. Benjamin Constant, Montesquieu et tous les libéraux qui n’avaient qu’une idée en tête -et ils avaient bien raison, on le confirme aujourd’hui- pour protéger les libertés individuelles: c’était de limiter et d’affaiblir les pouvoirs, notamment en séparant les pouvoirs). Chaque citoyen devrait apprendre ça à l’école, et ne jamais l’oublier: une Constitution sert à affaiblir les pouvoirs, à les contrôler tous, notamment -mais pas seulement- en les séparant: diviser pour affaiblir.

Ce que j’affirme haut et fort, c’est qu’on n’écrit pas les Constitutions par voie de traité: les citoyens devraient refuser que les hommes au pouvoir écrivent eux-mêmes les règles du pouvoir. Ce n’est pas aux parlementaires ni aux ministres ni aux juges d’écrire ou de modifier la Constitution car ils ont un intérêt personnel à notre impuissance politique, ils sont à la fois juges et parties dans le processus constituant et ils trichent, naturellement.

La Constitution de fait qui fonde l’UE est donc profondément illégitime car elle résulte d’un abus de pouvoir. Solution: avant de séparer les pouvoirs constitués (législatif, exécutif, judiciaire, et j’ajoute médias d’information qu’une bonne Constitution devrait sûrement prendre en charge aujourd’hui) et pour rendre possible cette séparation des pouvoirs constitués, il faut, tout à fait prioritairement, séparer le pouvoir constituant des pouvoirs constitués, il faut que ce ne soit pas les mêmes hommes: il ne faut surtout pas que les constituants écrivent des règles pour eux-mêmes, la clef de nos malheurs est là. Par négligence, par indifférence, par paresse, par renoncement, nous laissons écrire la Constitution par les seuls hommes qui ne devraient surtout pas l’écrire…

Donc, pour que cesse enfin cet abus de pouvoir de nos élus qui s’arrogent le droit d’écrire et réviser eux-mêmes la Constitution, nous ne devons rien attendre des pouvoirs en place, qui ne feront rien, à l’évidence, dans un sens qui irait contre leur intérêt personnel: tous ces gens vont tout faire pour continuer à écrire et modifier les constitutions sans nous, en nous privant de l’essentiel, c’est-à-dire du référendum d’initiative populaire (l’institution la plus dangereuse pour eux). Non, c’est à nous et à nous seuls, et sans rien attendre de nos parlementaires, d’imposer un processus constituant honnête, sans eux.

Et un processus constituant honnête, c’est une Assemblée constituante, bien sûr, mais surtout pas élue comme d’habitude, parce que si ce sont les partis qui nous imposent leurs candidats -partis qui sont des machines à prendre et à garder le pouvoir, et qui sont donc des repaires d’hommes de pouvoir-, on va encore avoir des hommes de pouvoir qui écrivent les règles du pouvoir et on n’en sortira pas. Non, il faut que l’Assemblée constituante soit tirée au sort: en effet, TOUT VAUT MIEUX QUE LA SITUATION ACTUELLE, qui est la pire qui puisse être puisque des hommes écrivent des règles pour eux-mêmes, en ayant un intérêt personnel contraire à l’intérêt général.

C’est ça le cœur de toutes nos difficultés, et qui devrait surgir dans le débat public si nous avions davantage de bons journalistes, inquiéteurs des pouvoirs, sentinelles du peuple. C’est donc à nous de nous passer le mot, avant d’être assez nombreux pour finalement l’imposer: ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir, on n’écrit pas les constitutions par voie de traité, il nous faut une Assemblée constituante tirée au sort et nous exigeons de valider son projet (ainsi que toute révision ultérieure) par référendum.

Clairement, on a encore du chemin à faire pour sortir de ce que j’appelle "la préhistoire de la démocratie". Ce que Giscard lui-même, dans Le Monde du 26 octobre 2007, a affirmé de ce traité de Lisbonne devrait amener les 16 millions d’électeurs qui ont voté non à descendre dans la rue: c’est le même traité que le précédent, illisible, et s’il est compliqué, Giscard dit que c’est sciemment, pour rendre impossible le référendum, pour "faire avaler" le texte aux Français…

Giscard dit aussi que tout ce qui tenait à cœur aux Conventionnels en 2004 se retrouve dans le traité de Lisbonne, sauf que c’est dans un ordre différent. Ma conclusion est celle-ci: tout cela arrive parce que ceux qui écrivent les règles les écrivent pour eux-mêmes et qu’ils trichent. Ce que va faire le Congrès ce lundi est grave, et personne n’en sait rien. Décidément, on se fout de nous.

Des travailleurs « récupèrent » leurs entreprises

Le phénomène est surtout connu en Argentine ou au Venezuela. Mais en Espagne, en Italie ou en France aussi des milliers de travailleurs récupèrent et réaniment leurs entreprises en faillite. Plutôt que d’être réduits au chômage, ils préfèrent les relancer collectivement en coopératives. Alors que les gouvernements de l’Union européenne semblent impuissants à sauvegarder ou à créer des emplois, pourquoi ne les encouragent-ils pas ?
Par Cécile Raimbeau

« C’est parce que c’est une coopérative que notre entreprise existe encore ! » Si M. Salvador Bolance, un fraiseur espagnol proche de la retraite, parle avec conviction d’un mot démodé – l’autogestion –, c’est que, avec ses collègues, il a réussi à « réanimer » une entreprise métallurgique. C’était en 1981, à Barcelone. Cessant de payer les salaires, l’employeur avait disparu. En colère, une trentaine d’ouvriers remirent les machines en marche et, utilisant le stock de matières premières, demandèrent aux clients de les payer directement, forçant de grands constructeurs automobiles à accepter. « A l’époque, dit en riant cet ancien meneur, il fallait au moins un an pour mettre au point une nouvelle chaîne de carrosserie ! »

lire l'article sur Le Monde Diplomatique

Sarkozy nous conduit à la "catastrophe culturelle"

Par Antoine de Baecque (Historien) 06/02/2008

Antoine de Baecque poursuit son exploration de la "panne culturelle"
de la France sous Nicolas Sarkozy.

Régulièrement, la culture française entre en crise, se replace au centre des discussions, des polémiques, du débat d’opinion, et encourage les réflexions, propositions et contre-propositions. La politique culturelle se fait alors genre éditorial et gagne ses galons de sujet crucial pour cénacles du verbe. Il ne se passe guère de semaine qui ne voit paraître un article, un texte, un appel, une pétition, même un livre, ayant pour objet les politiques
culturelles, ce qu’elles furent et ne parviennent plus à être, ce qu’elles sont et ce qu’elles devraient être.

Deux grandes idées structurent généralement ces critiques et ces rêves. La démocratisation de la culture, d’une part, qui devrait autoriser l’accès de tous aux choses de l’esprit; la valeur absolue de la création, d’autre part, puisqu’il s’agit là, sans doute, de la forme majeure de l’héroïsme contemporain, d’une "religion moderne". La crise vire en général assez rapidement à la grande messe culturelle, célébrée en France avec une emphase certaine: on oublie la crise initiale, celle qui a tout déclenché, pour mieux réaffirmer périodiquement, haut et fort, que la culture est comme le lien suprême de la nation, ce qui ferait tenir ensemble des citoyens divisés, des minorités multiples et complexes, des traditions largement contradictoires, et cela depuis des décennies, voire des siècles.

Tous les citoyens, ici, pourraient se reconnaître en une idée maîtresse: la France est la patrie de la culture; être Français, c’est partager la conviction que la culture nous rend meilleur. En un mot, la culture provoque un débat en France car elle est ici considérée comme l’enjeu majeur d’une politique possible, et même obligée.

Or, il semble désormais en aller tout autrement en ces temps nouveaux du sarkozysme.
Certes, la politique culturelle est toujours en crise. Mais ce n’est plus pour mieux réaffirmer sa nécessité et tenter de trouver une autre manière de la pratiquer, d’autres domaines sur lesquels placer la priorité des investissements et des attentions de la politique d’intervention de l’Etat. Aujourd’hui la crise traduit une autre réalité: elle révèle surtout que la politique culturelle est en train d’être sacrifiée au nom d’autres valeurs, au nom d’autres priorités. Celles-ci s’appellent: obligation de résultat, rentabilité, performance économique.

Début janvier, le gouvernement a rendu public un projet de notation trimestrielle des ministères et de leur titulaire qui, dans le cas du ministre de la culture, serait absolument suicidaire: seize critères qui vont de l’évolution de la fréquentation des musées à la part de marché des films français sur le territoire national, ou au nombre de fichiers audio ou vidéo piratés.
Si un ministre de la culture voulait être “performant” dans ce cadre-là, ce serait un appel permanent à la démagogie et au pouvoir de la mode, du prime time, du best-seller et du film qui marche. C’est-à-dire une révision complète des priorités de la politique culturelle telle qu’elle existe en France depuis plus d’un demi-siècle: prix unique du livre, subventions aux théâtres publics où l’on ne joue pas précisément la dernière pièce à succès d’un boulevardier en vogue, avances sur recettes prioritairement données à des films sélectionnés sur des critères de "qualité" et non de rentabilité forcenée, etc.

L’autre projet sarkozyen de l’action publique, l’un des plus importants du quinquennat, va lui aussi dans le sens de la performance et de ses effets pervers concernant toute politique culturelle. Il s’agit de la RGPP, la "révision générale des politiques publiques", annoncé par le Premier ministre en juillet dernier et piloté conjointement par l’Elysée et Matignon. Cette politique vise au retour à l’équilibre des finances publiques à l’horizon 2010-2012, à l’amélioration de la performance de la dépense publique et à une réduction conséquente du nombre des fonctionnaires.

De fait, il s’agit d’imposer une autre "culture", celle du résultat, au coeur de la politique publique, projet inspiré par le modèle de l’entreprise libérale et de son efficacité économique, qui est, on le sait, au centre des références et de la philosophie du discours de Nicolas Sarkozy. Concernant la culture, cette mutation est lourde de conséquences. On peut même prévoir non seulement une panne culturelle mais plus encore une "catastrophe culturelle" d’ici à quelques années de ce régime-là.

Il s’agit d’une mutation d’importance, qui va bouleverser la vie culturelle française. La culture et sa politique publique ont toujours été préservées sous la droite de gouvernement, et même longtemps initiées par cette droite: la création du ministère est une volonté purement gaullienne, en février 1959, sous les auspices de l’"ami génial", André Malraux, cela au nom de la grandeur culturelle du pays, qu’il fallait préserver, encourager, puisqu’il s’agissait d’un des "domaines réservés" du souverain en France, cela depuis l’Ancien Régime et les rois de France.
Le souverain en France, qu’il règne sur une monarchie, dirige un empire ou préside une république, a toujours été le protecteur des arts et le diffuseur de la culture nationale, faisant de toute politique culturelle une affaire personnelle. Il nous paraissait naturel, dans le pays de l’Etat nation, que la puissance publique soit à la fois une providence et un mécène. Etat providence et Etat mécène sont les deux figures d’une même face, celle d’un Etat qui serait depuis toujours l’instituteur de la culture, son régent, son intendant et son dispensateur.
La politique culturelle est en France un devoir d’Etat, une de ses raisons d’être, au même titre que l’éducation, la défense du pays, la diplomatie, ou le droit de battre monnaie. Tout cela jusqu’à Jacques Chirac compris, qui, malgré l’impéritie grandissante et l’incapacité paralysante, s’accrochait à quelques grands projets culturels, dont le Musée du quai Branly fut, de fait, le seul à voir le jour.
Mais du moins cette croyance protégeait-elle l’idée même d’une politique culturelle contre l’obligation de résultat et l’exigence de performance (selon les critères de l’économie libérale).

Avec Nicolas Sarkozy, nous entrons dans une autre ère, il faut le savoir. D’ailleurs, aucun grand "projet culturel" n’a été annoncé (alors que celles-ci n’ont pas manqué), mis à part un très aléatoire et nébuleux "jardin des sculptures" sur le site de Billancourt. Cela est logique, puisque la culture comme aspiration commune, comme service public, comme "élévation des âmes" et révélation de soi, le nouveau président n’en a rien à fiche.
La culture ne fait plus trembler sa voix, et la politique culturelle lui paraît surtout l’occasion de dilapider l’argent des contribuables. Sur ce point, il faut se faire une raison: Sarkozy sera impitoyable, cynique, efficace. Sa seule culture est celle du résultat: il préférera toujours un film qui marche à un beau film, un livre qui se vend à un bon roman. Cela ne veut pas dire qu’il fera en sorte que les films qui marchent soient beaux ou que les romans lus soient bons, mais bien davantage qu’il est persuadé qu’est beau le film qui marche et qu’est bon le roman à succès, quels qu’ils soient. C’est le critère de rentabilité qui devient ici prioritaire, non celui de la qualité.
Et c’est ainsi que, tout comme la politique d’éducation ou de santé publique, la politique culturelle à la française ne résistera pas longtemps au rouleau compresseur des chiffres, de la statistique, et de ces notations qui s’annoncent.

Antoine de Baecque publie le 26 février: "Crises dans la culture française. Anatomie d’un échec", aux éditions Bayard.

(Texte reçu par e-mail)

6 février 2008

les Socialistes du Oui ont décidé de bafouer le peuple en soutenant Sarkozy


6 février 2008
Traité européen : les Socialistes du Oui ont décidé de bafouer le peuple en soutenant Sarkozy.
par COTTA Jacques

Socialistes du Oui, Responsables…
Mardi 5 février 2008
Au lendemain du vote du congrès qui a décidé d’adopter la réforme constitutionnelle dans le seul but de permettre l’adoption du traité de Lisbonne sans que le peuple ne soit appelé à se prononcer, il n’est pas inintéressant d’analyser le vote exprimé par les parlementaires. Ceux qui en effet se sont abstenus ou ont voté oui à la proposition du président de la République de réformer la constitution ont (...) Lire la suite »

2 février 2008

Danielle Mitterrand dénonce !

.../...
Pendant que nos politiciens nous amusent avec des idées vagues, des images
de comédie et de boulevard ou nous effraient avec le chiffon rouge élimé
du danger migratoire, des enjeux démocratiques fondamentaux sont gravement
menacés en coulisse : Les conditions de notre survie, de notre dignité, de
notre citoyenneté réelles sont en train d’échapper totalement à notre
contrôle pour le plus grand profit d’une oligarchie que nous n’avons pas
élue et sur laquelle nous n’avons AUCUN contrôle. C’est cela qui devrait
être en couverture du Nouvel Observateur ou de l’Express et pas telle ou
telle starlette d’un jour.

Ne nous laissons pas impressionner par des explications alambiquées et
contradictoires, par des schémas économiques plus ou moins controuvées,
des arguments statistiques ou financiers facilement maquillées.

Ce qui est en jeu est très simple : la domination d’intérêts financiers
privés totalement incontrôlables sur tous les aspects de notre vie. L’eau
que vous buvez, les transports publics que vous emprunterez pour aller
vous promener ou travailler, le journal où vous croyiez lire des faits
objectifs, la nourriture que vous croyiez saine et sans tromperie, et
demain peut-être l’air que vous respirerez, seront entièrement aux mains
de gens qui n’ont AUCUN compte à vous rendre. »

Danielle Mitterrand

Texte complet sur desmotscratie.net

 

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