23 mars 2015

Orwell — pour un socialisme populaire

Militants du POUM (DR)

Pourquoi le socialisme ne triomphe-t-il pas partout ? Telle était l'une des questions qu'Orwell s'évertuait à poser. À écouter ou à lire nombre des partisans du partage des richesses, un début de réponse s'esquisse. Socialisme de l'entre-soi, jargonneux et élitiste, truffé de néologismes et saturé de références consanguines, colloques d'universitaires cherchant la petite bête à des notes de bas de page, gloses et regloses, narcissisme du minoritaire sectaire et radicalisme chic des quartiers fleuris... la pensée critique a l'art de se couper du peuple dont elle se targue de parler. Orwell, qui tenait à œuvrer « en marge de l’armée régulière », tranchait dans le lard des altruistes d'estrades, des communistes sur coussins de soie et des anarchistes de bibliothèques. Ode au socialisme du quotidien.
Revue Ballast 

 

La guerre d’Espagne éclate en juillet 1936, lorsque le général Francisco Franco se lève pour briser le Frente Popular démocratiquement élu. George Orwell (Éric Blair de son vrai nom) a alors trente-trois ans et a déjà publié quatre ouvrages – parmi lesquels Dans la dèche à Paris et à Londres et Une histoire birmane. Ne pouvant rester les bras ballants devant cette tentative de putsch anti-démocratique et anti-socialiste, Orwell prend la route en direction de la péninsule ibérique avec l’espoir de prêter main forte aux combattants. Il quitte Londres le 22 décembre et pénètre dans Barcelone quatre jours plus tard, muni d’une lettre de recommandation de l’ILP (le parti socialiste britannique). Un journaliste se souviendra : « Visiblement habillé et chaussé pour une expédition, il posa par terre une énorme valise à sangles et dit : "Je vais en Espagne. – Pourquoi ?" lui demandai-je. […] "Ce fascisme, dit-il, il faut que quelqu’un l’arrête¹." »

Au front
Fort des indications de l’ILP, Orwell intègre le POUM (le Parti ouvrier d’unification marxiste) – une formation anti-stalinienne dont l’un des leaders provient du mouvement trotskyste. Un concours de circonstance plus qu’un choix, du reste : « Si je n’avais tenu compte que de mes préférences personnelles, j’eusse choisi de rejoindre les anarchistes », avouera Orwell dans son Hommage à la Catalogne. Ces anarchistes qui, contre une République bourgeoise et un communisme inféodé à Moscou, s’acharnent à bâtir une société alternative et révolutionnaire à même d’affranchir le peuple espagnol de la tutelle étatique, patronale et cléricale. Avant de rejoindre le front, les fusils de fortune et la crasse des tranchées, Orwell découvre la fraternité, la solidarité et le respect qui animent ce pays où le tout-venant se donne du « camarade » et se tutoie. (...)

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