30 novembre 2008

Crise mondiale : vers la barbarie réactionnaire et autoritaire ou occasion à saisir pour une société alternative

dimanche 30 novembre 2008,


Ils veulent se concentrer sur l’emploi pour mieux le détruire

par Giorgio Cremaschi (Fiom-Rete 28Aprile)

Il serait nécessaire de laisser de côté les « reality shows » et de revenir à l’économie réelle. En effet, on nous prépare un massacre social sans précédent mais avec une fonction précise : construire une sélection des et dans les classes encore plus brutale que celle à laquelle nous avons été habituée.

Pour les entreprises et pour les pouvoirs économiques (oui, ils existent encore), la crise est une grande occasion. Certes le présent est fait de drames et d’incertitudes mais le futur est en construction, il se concentrera encore plus qu’avant sur le travail et ce ne sera pas une bonne chose.
En réalité, jamais l’économie financière n’a laissé de côté le travail, elle s’en est toujours occupée et comment... La globalisation a permis de développer la plus grande concurrence entre travailleurs jamais réalisée au travers de la destruction de l’Etat Providence, du code du travail et des droits sociaux, du développement de la précarité et de la baisse des salaires. Malgré cette crise, aucune remise en cause de ces logiques n’effleure l’esprit des dirigeants d’entreprise et de l’économie, ni celui des gouvernements en poste. L’Union européenne met actuellement en place un plan d’investissements mais en même temps elle affirme que le pacte de stabilité néolibéral est intouchable et que la défense de la monnaie, en premier lieu l’euro, est prioritaire à toute mesure sociale.
L’intervention publique est évidemment nécessaire mais celle que l’on nous propose a pour seul but de soutenir le modèle économique actuellement en crise. Le ministre Tremonti [1] se plaît de lancer des critiques à la dégénération du capitalisme mais il est le premier à poursuivre le chemin jusqu’ici parcouru. Il faut arrêter de commenter les petites phrases des uns et des autres et nous en tenir à la substance des mesures prises. Jusqu’ici aucun pays occidental n’a mis en place une politique en faveur de l’augmentation des salaires et contre les licenciements. Même Obama est silencieux sur le salaire minimum qui n’a pas été réévalué aux Etats-Unis depuis 1998. Au contraire, toutes les décisions prises servent à soutenir les banques, la finance, les programmes d’investissement, de restructuration, de licenciements. Sur la vague de l’urgence globale, sont approuvés les critères sociaux d’une économie de guerre. D’ailleurs, les investissements militaires sont en augmentation. Alors que les pauvres augmentent démesurément, la définition des catégories officielles de la pauvreté se restreint. En Italie, nous expérimentons depuis peu, au travers de la Charte sociale du gouvernement, la charité d’Etat. 1,2 millions de personnes sont concernées.

Il y a une méthode dans cette folie. On utilise la crise pour sélectionner un nouveau type de travailleur et construire une société encore plus injuste et plus féroce que celle que nous connaissions jusqu’à présent. En Italie, ils ont commencé par l’Université et l’Ecole. Les contre-réformes du gouvernement sont dictées par la Confindustria [2] et partent du principe qu’une école de masse publique efficace est impossible. L’école publique est ainsi laissée à l’abandon alors qu’une élite sera sélectionnée par l’Etat et les entreprises pour les besoins du marché et du profit. Au sujet d’Alitalia, c’est la même chose. L’intervention publique a permis de socialiser les pertes que nous paierons. A l’inverse, les patrons privés pourront choisir ce qui les intéresse de la vieille compagnie d’aviation, salariés compris. Et celles et ceux qui sont opposés à cette stratégie sont considérés comme contraires à l’intérêt national.

Le Sole 24ore [3] a produit récemment un éditorial contre les nouveaux ennemis du peuple : les pilotes, les artistes, les ouvriers qualifiés,..., qui osent prétendre défendre leurs statuts. La machine à broyer du capitalisme devient encore plus dure en temps de crise... En 1994, Fiat mis en « Cassa integrazione » [4] une grande partie des employés et cadres qui manifestèrent, en octobre 1980, pour soutenir les choix des dirigeants de l’entreprise et s’opposer à la grève portée par les ouvriers. Aujourd’hui, on nous parle constamment de « mérite » mais toutes les catégories professionnelles subissent les effets d’une organisation du travail toujours plus atomisée et autoritaire alors que l’unique « mérite » réellement reconnu est celui de la fidélité et de l’obéissance. Le PDG de Fiat veut que on entreprise ressemble de plus en plus aux supermarchés Wal Mart. Il est raconté que Ford a installé ses premières chaînes de montage en s’inspirant de l’organisation du travail des abattoirs de Chicago. Le modèle japonais est né en copiant la logistique des supermarchés. Maintenant Fiat annonce un futur copié sur Wal Mart. Mais Wal Mart est une société brutalement anti-syndicale et esclavagiste. Le programme de Marchionne, le PDG de Fiat, est aussi un programme social préparant d’ultérieures attaques à l’emploi et aux droits des salariés. Les lois sur la flexibilité du travail votées ces dernières années par le centre-gauche et le centre-droit dévoilent aujourd’hui leur vraie fonction. Elles permettent de licencier, sans entrave, des centaines de milliers de personnes et celles et ceux encore quelque peu protégés contre les licenciements deviennent dès lors des privilégiés. Avec le développement de la précarité, les privilèges ne peuvent plus se défendre martèlent les dirigeants politiques... Pour les migrants, la perte de droits sociaux devient destruction des droits civils. Qui est licencié, au travers de la loi Bossi-Fini sur l’immigration, devient clandestin et avec lui toute sa famille.

Et la crise avance, pas seulement sur le plan financier mais aussi dans l’économie réelle. Pour preuve, la rapidité des licenciements et du chômage technique, bien supérieure à celle de la chute des bourses internationales. Les restructurations annoncées dans les entreprises ne sont pas le fruit de la seule crise. Elles ont, comme le soutiennent de nombreux docteurs Folamour de l’économie, une fonction « créatrice ». Elles servent à atomiser les conditions sociales et de travail, à diviser et à opposer les intérêts, à faire entrer dans l’ADN de chaque individu que la défaite de l’un est la sauvegarde de l’autre. La réforme du code du travail veut entériner cette situation. En détruisant les contrats au niveau national et en limitant la négociation d’entreprise au rapport entre salaire et productivité, cette réforme vise à créer une nouvelle catégorie de travailleurs, super flexibles, super obéissants et super apeurés. Pour le syndicat il ne reste qu’à être complice comme l’affirme le « livre blanc » du gouvernement.

S’il est vrai que les crises sont porteuses d’occasions, en Italie on voit poindre la destruction des principes contenus dans la Constitution. Il faut l’empêcher. Il n’existe aucune médiation, aucune dialectique face au dessein de sélection sociale promue par la Confindustria et le gouvernement. Ou nous provoquons sa défaite ou nous serons détruits.

Pour tout cela, la grève générale du 12 décembre ne peut être une conclusion mais doit devenir le lancement d’un cycle de luttes en mesure d’imposer un autre calendrier politique et social. A la triade « privé, marché, flexibilité » il faut opposer la défense et l’extension du public, du social, des droits et des salaires. L’Europe de Maastricht est notre adversaire tout autant que le gouvernement Berlusconi. Il y a toujours moins d’espace pour cette culture réformiste qui pensait pouvoir conjuguer libéralisme économique et équité sociale. Les discours sur l’économie sociale de marché prononcés par les bien pensants du centre-gauche et du centre-droit nous semblent toujours plus vains et inutiles.

Seul un changement radical dans l’économie et la société peut vaincre le dessein réactionnaire des pouvoirs et des forces qui nous ont plongés dans la crise actuelle et qui pensent nous la faire payer. Ou l’on change réellement ou nous nous précipiterons dans une société monstrueuse qui aura comme principal corollaire l’autoritarisme des institutions. Il est fort possible que la dimension et la brutalité des alternatives nous effraie et nous freine mais face à cette réalité c’est le moment d’avoir du courage !

Notes

[1] Note de HNS-info : ministre de l’économie du gouvernement Berlusconi

[2] Note de HNS-info : l’équivalent du Medef

[3] Note de HNS-info : quotidien de la Confindustria

[4] Note de HNS-info : l’équivalent du chômage technique


Source et traduction de l’italien, ludo (HNS-info)

Source / auteur : http://www.globalproject.info/


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