Blogs Mediapart | 4 juillet 2012
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Alors qu'Ali Bongo doit être reçu ce jeudi à l'Elysée, Jean Merckaert, rédacteur en chef de la Revue Projet, Bernard Pinaud, délégué général du CCFD - Terre Solidaire, Bernard Salamand, président du Crid, François Soulage, président du Secours catholique et Fabrice Tarrit, président de Survie, rappellent à François Hollande sa promesse que son élection soit « une terrible nouvelle pour les dictateurs ».
En 2007, il n’avait pas fallu dix jours avant que le nouvel occupant de l’Elysée ne reçoive Omar Bongo, qui régnait depuis quarante ans sur le Gabon. François Hollande n’aura guère fait patienter que cinquante jours l’héritier, Ali Bongo, qu’il reçoit ce jeudi 5 juillet. Serait-ce un passage obligé pour une présidence “ normale ” ? Et quelle en est la portée symbolique ? Si ce n’est pas le signe inquiétant d’un statu quo, il faudra le démontrer.
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L’éviction par François Mitterrand, dès 1982, de son ministre de la coopération, Jean-Pierre Cot, à la demande des dictateurs africains, son soutien au régime qui allait commettre le génocide au Rwanda, la remise en selle du criminel Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, en 1997-98, ou encore la réception de Laurent Fabius par Ali Bongo en février dernier, interdisent toute naïveté face aux promesses réitérées par les dirigeants socialistes d’assainir les relations avec l’Afrique.
Pourtant, François Hollande a promis que son élection serait « une bonne nouvelle pour les démocrates et une terrible nouvelle pour les dictateurs ». De quoi susciter quelques espoirs ! Espoir qu’en matière de politique étrangère, le cynisme baisse la garde. Que les avatars du colonialisme soient à jamais derrière nous. Que le souci de libérer les peuples du joug de la dictature héréditaire l’emporte sur la défense étriquée d’intérêts particuliers, fussent-ils déguisés en raison d’Etat. Que la France croie davantage aux promesses de liberté, d’égalité et de fraternité qu’elle prétend incarner. Sinon, à quoi bon faire “ rayonner ” notre culture ? Les adeptes de la realpolitik argueront que, en période de crise et face à la concurrence mondiale, la France et ses entreprises ne sauraient s’offrir le luxe de dénoncer les prébendes et la répression policière de leurs “ amis ” africains. Mais dès lors, y aurait-il quelque compromission qu’il faille refuser ? Pourquoi ne pas armer le Soudan, acheter nos barils de brut en Syrie, ou vendre notre savoir-faire nucléaire à l’Iran ?
Il ne suffit pas d’affirmer, pendant la campagne, que « la Françafrique doit disparaître ». Encore faut-il l’inscrire dans des gestes. La fin des conseillers occultes et l’annonce par Pascal Canfin, ministre délégué au développement, d’exigences accrues de transparence sur les richesses extraites en Afrique par les groupes français (Areva, Total, Bouygues, Bolloré…) sont des signes encourageants. Mais l’on attend des symboles plus forts encore.
Quel plus bel hommage aux démocrates gabonais François Hollande peut-il rendre que de faire de cette rencontre, si elle doit voir lieu, une occasion de dénoncer la confiscation de la liberté et de la richesse d’un pays depuis près d’un demi-siècle ? « Nous avons été le seul pays qui a considéré qu’Ali Bongo était élu et nous aurions mieux fait d’attendre les recours. » N’est-ce pas Martine Aubry qui dénonçait en ces termes, en septembre 2009, la mascarade électorale qui portait ce dernier au pouvoir ? Mis en cause dans l’affaire des biens mal acquis, il sera peut-être jugé en France pour avoir pillé les richesses de son pays. Le 8 juin encore, au Gabon, un leader de la société civile, Marc Ona, était jeté en prison pour avoir osé critiquer le régime, de même qu’une vingtaine d’étudiants manifestant pour leurs droits. Si le président français entend tenir parole, qu’il fasse au moins savoir publiquement que cette rencontre ne vaut pas adoubement d’un tel régime.
La réalité du “ changement ” se mesurera aussi à l’aune des réponses apportées, entre autres, à la répression des manifestants au Togo, ou à la perspective d’une modification constitutionnelle au Congo Brazzaville. Autre test brûlant : la Guinée équatoriale où, comme au Gabon voisin, l’or noir coule à flot, mais pour une poignée seulement. La justice française s’apprête à lancer un mandat d’arrêt international contre le fils du dictateur de Malabo, Teodorino Obiang Nguema, récemment promu vice-président du pays. Elle le soupçonne d’avoir acquis avec des fonds d’origine illicite son hôtel particulier de 5 000 m² avenue Foch à Paris, tout comme sa myriade de Bugatti et autres bolides. Pour échapper à la justice, il tente à présent de se faire reconnaître délégué permanent adjoint de la Guinée équatoriale auprès de l’Unesco, à Paris. Mais il lui faut pour cela le quitus du gouvernement français. Les us et coutumes diplomatiques, la pression des milieux d’affaires, inciteront-elles le chef de l’Etat à accorder ce blanc-seing, au mépris de tout un peuple ?
Il n’est pas seulement question, ici, de la santé et de la liberté des Gabonais ou du droit des Équato-guinéens à savoir pour qui jaillit l’or noir. C’est l’honneur de la France et de ses citoyens qui est en jeu. Souvenons-nous de l’avertissement d’Aimé Césaire : « La colonisation avilit le colonisateur ». François Hollande a promis l’exemplarité. Il n’est pas encore trop tard.
L’éviction par François Mitterrand, dès 1982, de son ministre de la coopération, Jean-Pierre Cot, à la demande des dictateurs africains, son soutien au régime qui allait commettre le génocide au Rwanda, la remise en selle du criminel Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, en 1997-98, ou encore la réception de Laurent Fabius par Ali Bongo en février dernier, interdisent toute naïveté face aux promesses réitérées par les dirigeants socialistes d’assainir les relations avec l’Afrique.
Pourtant, François Hollande a promis que son élection serait « une bonne nouvelle pour les démocrates et une terrible nouvelle pour les dictateurs ». De quoi susciter quelques espoirs ! Espoir qu’en matière de politique étrangère, le cynisme baisse la garde. Que les avatars du colonialisme soient à jamais derrière nous. Que le souci de libérer les peuples du joug de la dictature héréditaire l’emporte sur la défense étriquée d’intérêts particuliers, fussent-ils déguisés en raison d’Etat. Que la France croie davantage aux promesses de liberté, d’égalité et de fraternité qu’elle prétend incarner. Sinon, à quoi bon faire “ rayonner ” notre culture ? Les adeptes de la realpolitik argueront que, en période de crise et face à la concurrence mondiale, la France et ses entreprises ne sauraient s’offrir le luxe de dénoncer les prébendes et la répression policière de leurs “ amis ” africains. Mais dès lors, y aurait-il quelque compromission qu’il faille refuser ? Pourquoi ne pas armer le Soudan, acheter nos barils de brut en Syrie, ou vendre notre savoir-faire nucléaire à l’Iran ?
Il ne suffit pas d’affirmer, pendant la campagne, que « la Françafrique doit disparaître ». Encore faut-il l’inscrire dans des gestes. La fin des conseillers occultes et l’annonce par Pascal Canfin, ministre délégué au développement, d’exigences accrues de transparence sur les richesses extraites en Afrique par les groupes français (Areva, Total, Bouygues, Bolloré…) sont des signes encourageants. Mais l’on attend des symboles plus forts encore.
Quel plus bel hommage aux démocrates gabonais François Hollande peut-il rendre que de faire de cette rencontre, si elle doit voir lieu, une occasion de dénoncer la confiscation de la liberté et de la richesse d’un pays depuis près d’un demi-siècle ? « Nous avons été le seul pays qui a considéré qu’Ali Bongo était élu et nous aurions mieux fait d’attendre les recours. » N’est-ce pas Martine Aubry qui dénonçait en ces termes, en septembre 2009, la mascarade électorale qui portait ce dernier au pouvoir ? Mis en cause dans l’affaire des biens mal acquis, il sera peut-être jugé en France pour avoir pillé les richesses de son pays. Le 8 juin encore, au Gabon, un leader de la société civile, Marc Ona, était jeté en prison pour avoir osé critiquer le régime, de même qu’une vingtaine d’étudiants manifestant pour leurs droits. Si le président français entend tenir parole, qu’il fasse au moins savoir publiquement que cette rencontre ne vaut pas adoubement d’un tel régime.
La réalité du “ changement ” se mesurera aussi à l’aune des réponses apportées, entre autres, à la répression des manifestants au Togo, ou à la perspective d’une modification constitutionnelle au Congo Brazzaville. Autre test brûlant : la Guinée équatoriale où, comme au Gabon voisin, l’or noir coule à flot, mais pour une poignée seulement. La justice française s’apprête à lancer un mandat d’arrêt international contre le fils du dictateur de Malabo, Teodorino Obiang Nguema, récemment promu vice-président du pays. Elle le soupçonne d’avoir acquis avec des fonds d’origine illicite son hôtel particulier de 5 000 m² avenue Foch à Paris, tout comme sa myriade de Bugatti et autres bolides. Pour échapper à la justice, il tente à présent de se faire reconnaître délégué permanent adjoint de la Guinée équatoriale auprès de l’Unesco, à Paris. Mais il lui faut pour cela le quitus du gouvernement français. Les us et coutumes diplomatiques, la pression des milieux d’affaires, inciteront-elles le chef de l’Etat à accorder ce blanc-seing, au mépris de tout un peuple ?
Il n’est pas seulement question, ici, de la santé et de la liberté des Gabonais ou du droit des Équato-guinéens à savoir pour qui jaillit l’or noir. C’est l’honneur de la France et de ses citoyens qui est en jeu. Souvenons-nous de l’avertissement d’Aimé Césaire : « La colonisation avilit le colonisateur ». François Hollande a promis l’exemplarité. Il n’est pas encore trop tard.
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