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, le 10 juin 2013La mort d’un jeune homme de 18 ans sous les coups de militants racistes est un fait politique. Les rassemblements à sa mémoire sont eux aussi un fait politique. Quand les médias se sont bornés à informer sur ces faits et à les commenter pour eux-mêmes, ils ont fait leur travail.
Autre fait politique : les formations politiques se sont emparées de ces faits pour les interpréter dans leur propre perspective et leur donner la suite de leur choix. Occasion a été ainsi donnée à une petite cohorte d’éditocrates de prendre de la hauteur et de transformer en problème majeur la « récupération politique », réelle ou supposée, sans se préoccuper d’une indéniable récupération médiatique.
Or celle-ci est elle-même un fait politique et médiatique : une récupération destinée à transformer l’information en spectacle de l’information et le débat en spectacle du débat.
C’est ainsi que l’on a pu lire, voir ou entendre des journalistes commenter la mort de Clément Méric comme s’il s’agissait d‘un simple fait divers : la conséquence d’une banale bagarre de rue (qui aurait mal tourné) entre acheteurs de fringues. De quelle éthique peuvent se réclamer les « journalistes » qui sont parvenus à présenter un groupe de racistes comme un club d’amateurs de vêtements ?
C’est ainsi que nous avons assisté pendant plusieurs jours à une mise en scène médiatique du prétendu débat sur « la montée des extrémismes » (pour reprendre le titre d’une émission d’Europe 1), avec à la clé l’amalgame (extrémiste ?) entre des formations collectives que tout oppose. De quelle éthique journalistique peuvent se prévaloir des médias qui confondent sciemment la virulence verbale et la violence physique qui se solde par la mort d’un homme ?
C’est ainsi, enfin, que des porte-paroles de groupes dont l’obédience fasciste est patente ont bénéficié, non pas de la seule possibilité de s’exprimer, mais d’une surexposition complaisante que les questions qui leur étaient posées aient été elles-mêmes complaisantes (comme sur BFM-TV) ou non (comme sur i-Télé). De quelle éthique journalistique pourraient se réclamer des médias qui, suivant cette pente, s’emploieraient demain, toutes proportions gardées (et nous savons garder les proportions), à illustrer ce que disait Jean-Luc Godard : « L’objectivité, c’est cinq minutes pour Hitler, cinq minutes pour les Juifs » ?
Acrimed, le 10 juin 2013
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