24 décembre 2014

Noël au goût amer pour les catégories populaires


 22 décembre 2014 | Par l’Observatoire des inégalités | source, http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=2032


Noël sera l’occasion d’un immense déballage. Les plus aisés ne connaissent pas la crise, alors qu’une partie de la population décroche. Un contraste de plus en plus saisissant. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Extrait d’Alterecoplus

Y aura-t-il de la neige à Noël ? Les fêtes seront l’occasion d’un immense déballage. Téléphones et tablettes seront des invités de marque. Dès novembre les catalogues de jouet ouvrent le bal. Début décembre, les rues s’illuminent, les « marchés » de Noël s’installent et la chasse aux cadeaux commence. Comment une telle frénésie de consommation est-elle possible, dans un pays frappé de plein fouet par une crise d’une ampleur inégalée, où le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de deux millions depuis 2008 selon Pôle Emploi ?

Le poids des marchands

Pour deux raisons. La première, est liée au poids des marchands. L’injonction à consommer est immense. Ils déversent des tonnes de papier tous les mercredis dans nos boites aux lettres, envahissent les murs des villes, Internet, la presse, la radio et la télé pour nous pousser à passer à l’acte. Leur lobbying pèse lourd. Ils sont si bien outillés qu’ils ont réussi à pousser une majorité sensée défendre d’autres valeurs à engager une extension de l’espace de la consommation le dimanche. Extra-ordinaire. Ceux qui s’en offusquent sont présentés comme des « archéos ».

La deuxième raison est liée aux écarts qui augmentent entre les ménages. Non entre une poignée de riches dont les revenus s’envoleraient et tous les autres, comme on se rassure dans les classes « moyennes supérieures » (traduisez : catégories aisées). Notre orgie a lieu parce qu’un gros tiers du pays continue à s’enrichir, abrité du chômage. Ce gros tiers a comme un « haut le cœur fiscal » selon le Premier ministre. Haut le cœur de payer pour le tiers qui s’enfonce, qui « bénéficie » de minima sociaux. La crise du « pouvoir d’achat » est un leurre qui masque la progression des revenus des uns et la baisse de celui des autres. Une partie de ceux dont les moyens sont limités mais qui tentent de rester dans la course, d’en montrer autant que les autres – notamment que leurs enfants ne sont pas moins bien lotis – aura rendez-vous avec le surendettement en janvier.

Goût amer

Notre orgie aura lieu, mais ces jours laisseront un goût amer pour une partie de la population. Un Iphone 6 représente à lui seul un mois d’indemnisation pour la moitié des chômeurs. Un bon nombre de soirées de Noël des foyers favorisés équivaudra à l’équivalent de six mois à un an de chômage. On peut continuer à ne pas voir ce qui joue aujourd’hui. A s’empiffrer en réclamant moins d’impôt. A faire semblant de croire à des plans de « lutte contre la pauvreté » sans moyens, tout en réduisant les charges des entreprises et des ménages de 46 milliards d’euros. A découvrir les inégalités au bout de deux ans et demi de pouvoir, il faut en accepter les conséquences. Si la gauche est anéantie d’élection en élection, c’est qu’elle a arrêté de défendre les intérêts des catégories populaires.

Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités

Ce texte a été publié à l’origine le 20 décembre 2014 sur le site
sous le titre « L’orgie de Noël ».

Date de rédaction le 22 décembre 2014
 

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