Ce 17 octobre 2008, la Journée mondiale du refus de la misère soufflera sa vingt-et-unième bougie en mettant les pieds dans le plat de la crise financière [1] qui secoue la planète argent depuis presque un mois. Initiée par le père Joseph Wrésinski (fondateur d’ATD Quart Monde) [2], alors accompagné par plusieurs milliers d’hommes et de femmes, ce mouvement a pris officiellement racine sur le parvis des droits de l’homme lors d’un rassemblement militant et citoyen. Depuis lors, il perdure ce mouvement, tout comme le fléau qu’il dénonce, reflet d’un monde qui ne tourne pas rond, paupérisant et excluant à tour de bras, envoyant par le fond de l’enfer des âmes par centaines de millions, alors que les capitaux les plus improbables se terrent dans nombre de paradis fiscaux.
Depuis 1992, cette journée a été reconnue par l’ONU comme celle du refus de la pauvreté, consacrant ainsi cette manifestation en lui conférant un statut planétaire. Il en est ainsi car la misère ne connaît pas de frontière, et la mondialisation ne l’aura pas oubliée. Certes, quantitativement, et sans conteste possible, c’est le continent africain qui fait la plus grande place au fléau, à croire qu’il a fait siennes les paroles désormais célèbres de cette chanson qui clame préférer la misère au soleil.
Entendons-nous bien, cette affirmation n’a de valeur qu’au sens artistique, la grande précarité ne s’en fait point l’écho.
Mais, comme un malheur n’arrive jamais seul, cette Journée mondiale du refus de la misère fait suite à la Journée mondiale de l’alimentation dans le monde, véritable nœud Gordien du problème, qu’il faudra bien rompre un jour.
La faim, comme extrémité de la misère. Lorsque l’humain en vient à se confectionner des galettes de boue pour étancher cette sensation immonde, alors c’est un indicateur puissant de cette dictature de l’injustice [3] qui plonge une infinité d’humains dans les souffrances les plus profondes. Mais, à l’autre bout de la chaîne, sur le continent nord-américain, 50 % de la nourriture qui est produite finit à la poubelle ! Pourtant, dans ce même pays, il est des quartiers où l’espérance de vie est inférieure à celle des pays les plus pauvres.
Il y a de l’ordurier dans tout cela, et comme le crie et l’écrit Jean Ziegler, chaque enfant qui meurt de faim est assassiné. Pour mémoire - c’est un devoir n’est-ce pas ? - ils sont 17 000 chaque jour, cela n’est-il pas un crime contre l’humanité ?
La faim gagne du terrain le rappelle la FAO puisqu’à ce jour, 923 millions d’humains sont sous-alimentés, vivant avec un ventre creux qui grogne et gronde, poussant à l’émeute comme chacun a pu s’en émouvoir subrepticement lorsque le sujet faisait encore la une de tous les médias. Aussi, l’urgence est ici, remplir les estomacs de tous ceux qui sont affamés par un système inhumain. Il en va de l’intérêt de notre genre, contrairement à ce que voudraient bien nous faire croire les détenteurs d’une pensée malthusienne d’un autre temps. Certes, si vivre pleinement c’est être au volant d’un véhicule démesuré ou aux commandes d’un yacht vertigineux, à l’image d’un ego boursouflé, se remplir du vide sidéral d’une consommation effrénée, ou bien courir après ce pouvoir qui rend aveugle, alors oui, mieux vaut être en nombre réduit sur cette planète. Mais là n’est pas le sens du vivant.
L’Occident n’est pas épargné, même la France à ses pauvres [4], par millions, nombre de travaux brillants ont peint cette réalité que l’on peut croiser chaque jour, soit au coin d’une rue d’une grande ville, ou bien au fin fond de cette campagne mythifiée par un imaginaire populaire obsolète.
La France a peur, et il suffit d’écouter le responsable du secours populaire pour s’en convaincre, si tant est que cela soit nécessaire. Ils sont de plus en plus nombreux, nos concitoyens, à devoir fréquenter les organismes humanitaires pour pallier le manque croissant de subsides. Les chiffres fournis par les Restos du cœur en attestent largement. Le père fondateur doit bien se retourner dans sa tombe en constatant la pérennité de cette association, qui, si elle était cotée en bourse verrait son titre grimper.
Outre les frontières, les misères n’ont point de couleur, si ce n’est celle de la rouge colère qui peut en résulter, légitime, bien fondée, nécessaire et indispensable. Il est même étonnant que tout cela ne donne lieu à plus de débordements tant la situation reste ignoble, drapée dans une obscénité qui devrait nous aveugler. Mais que nenni, ce sont les organismes bancaires qui font la une, et tous les dignitaires de se pencher au chevet du Dow Jones ou autre Cac40, tels des mandarins fébriles, mais bienveillants. Vous comprenez, il en va aussi des pauvres, leur nombre pourrait croître si la faillite du système devait s’inscrire dans le marbre de l’Histoire.
Alors voilà, tel est l’objet de cette Journée, faire entendre ceux qui sont habituellement réduits à leurs difficultés, voire en sont jugés responsables.
Les responsables, parlons-en, ils ne devraient pas pointer le bout de leur nez dans les différentes manifestations, trop occupés qu’ils sont à scruter la courbe des indicateurs boursiers, obnubilés qu’ils sont par la maîtrise de l’évasion fiscale, discipline élevée au rang de sport de haut niveau dans ces sphères. Le parvis des droits de l’homme n’est pas un practice fréquentable, la cotisation au club est gratuite.
Vingt et un ans après, on en est toujours au même point, en pire, mais il faut le dire haut et fort, hurler ce message gravé dans la dalle du Trocadéro :
« Le 17 octobre 1987, des défenseurs des droits de l’homme et du citoyen de tous pays se sont rassemblés sur ce parvis. Ils ont rendu hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence. Ils ont affirmé leur conviction que la misère n’est pas fatale. Ils ont proclamé leur solidarité avec ceux qui luttent à travers le monde pour la détruire. »
[1] La crise financière vue par Le Monde
[2] Le père Joseph Wrésinsky
[3] L’injustice sociale tue
[4] L’observatoire des inégalités
Illustration : La carte de la faim
source de l'article: Agora Vox
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