Source / auteur : CIP-IDF
Réunis en coordination nationale les 12 et 13 juin derniers en tant que collectifs et individus intéressés à ce que se poursuive la grève des chômeurs et précaires, nous avons évoqué l’opportunité d’agir de manière concertée le 24 juin prochain contre les institutions bancaires, qui, quelles que soient leurs errements, peuvent toujours compter sur des plans de sauvetage tandis que les classes populaires sont invariablement condamnées aux plans de rigueur.
Nous avons choisi la date du 24 juin, parce qu’il s’agit, après le 26 mai, de la prochaine "journée d’action" contre la réforme des retraites. Nous voyons là une occasion de marquer avec conséquence tant par des énoncés que par des actes notre volonté de combattre ce qui relève pour nous de la même logique que les politiques de l’emploi que nous dénonçons. Hausse de la durée de cotisation, réduction des pensions, allongement du temps de disponibilité à l’emploi d’un côté ; assujettissement renforcé des précaires aux institutions chargées de gérer leur situation de l’autre, celles-ci n’hésitant pas à conditionner les revenus élémentaires de survie à l’adoption d’un comportement productif qu’elles se chargent de définir et d’évaluer.
Mais nous avons aussi choisi cette date comme représentative de l’impasse tactique dans laquelle se débattent les centrales syndicales : "journées d’action" ponctuelles, où il n’est jamais question de grève reconductible, de blocage efficace et concerté de l’activité économique, ni d’action qui marquerait la volonté d’élever le niveau de conflictualité, sans quoi il est vain de prétendre exercer la moindre "pression" sur le gouvernement.
Notre intention, en agissant symboliquement contre les banques, n’est pas de s’attaquer à un secteur financier que nous jugerions responsable de tous les maux d’une économie qui sans lui serait vertueuse, mais de marquer notre hostilité à ces institutions inséparables de l’entreprise et du marché capitalistes. Comme ces derniers, les banques subordonnent toute activité à la nécessité de dégager de la valeur monétaire à court ou à long terme, et par là, participent du gouvernement des vies en sélectionnant des comportements adéquats à ce qu’elles installent comme "lois de l’économie", et en définissant des conduites inappropriées à ces « lois », conduites « irrationnelles » qui lui sont pourtant dans une certaine mesure indispensables. Les banques ne vivent pas que de spéculation, mais aussi des intérêts des crédits et des agios : derrière chaque banquier, il y aussi l’huissier et le flic qui t’expulsent de chez toi, le travailleur social et le juge qui se chargent de te moraliser, tes fiches de paie ponctionnées jusqu’à la fin de ta vie et la prison si tu n’est pas content... Au moins cela crée des emplois stables !
Les banques sont ainsi devenues l’un de nos principaux patrons, à travers la surveillance de notre "rythme de consommation" et les sanctions qu’elles appliquent ou déclenchent (agios, suppression de moyens de paiement, interdiction bancaire, mise sous tutelle), à travers également l’endettement qui constitue pour beaucoup parmi les classes populaires, le seul accès possible à la consommation "normale".
Les banques prospèrent grâce à l’endettement jusqu’à ce que les pauvres, massivement, ne puissent plus payer... Alors c’est la crise : mais les banques seront sauvées, et les pauvres payeront, tôt ou tard, directement ou indirectement, pour cette crise. Tout peut alors recommencer... mais que se passerait-il si nous affrontions collectivement cette situation, plutôt que de la subir individuellement ?
Nous le savons : sans crédit, sans confiance du système bancaire dans des perspectives de développement qui fassent consensus parmi la population, le capitalisme est impossible ; et partout où des chômeurs, des précaires, des salariés refusent les plans de rigueur, c’est la défiance des marchés qui s’installe. La confiance des exploités en leurs propres capacités d’intervention politique a pour corollaire le discrédit actif des institutions économiques. Aussi est-ce bien à une telle confiance que la grève des chômeurs et précaires, comme tout mouvement politique véritable, entend travailler.
Certains d’entre nous ont évoqué la possibilité de choisir, à plus long terme, d’intervenir à la Poste qui connaît actuellement un processus de privatisation, après l’infructueux "référendum" de l’an dernier. Cela nous permettrait de tracer un parallèle entre le projet de libéralisation du placement (recours aux opérateurs privés de placement, démantèlement annoncé du "service public de l’emploi") et les incidences concrètes d’une privatisation : transformation de l’usager en client, réduction des coûts, précarisation et compression du personnel, adoption des techniques de management par objectifs, intensification du travail... Dans cette perspective, on pourrait chercher à associer à l’élaboration de l’action des salariés et syndicalistes de la Poste, ce qui irait dans le sens du travail de liaison chômeurs-précaires-salariés proposé par certains collectifs le week-end dernier.
Dans tous les cas, cette action vise à marquer la nécessité, pour les chômeurs et précaires, d’affaiblir ces institutions au même titre que Pôle Emploi ou les boîtes de coaching : élever le degré d’autonomie populaire passe aussi bien par imposer l’arrêt du contrôle des chômeurs, le caractère inconditionnel des allocations chômage et du RSA, l’auto-organisation de formes d’activités coopératives et égalitaires, que par le refus collectif de payer nos "dettes", qu’il s’agisse d’argent, de disponibilité à l’emploi, ou de force de travail.
Enfin, il reviendra à chaque collectif désireux de relayer cette proposition d’inventer ses propres énoncés, mots d’ordre, revendications... comme ses modalités d’action.
Quelques chômeurs et précaires du MCPL Rennes
Rdv le 24 juin à 11 h à Rennes (place de la gare) autour de la banderole les banques s’engrècent.
via HNS
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