Par Olivier Cabanel | AgoraVox | lundi 21 novembre 2011
L’annonce d’un accord entre le PS et EELV décrivant un scénario de sortie du nucléaire a semé le trouble chez AREVA et provoqué la colère du camp présidentiel, qui tombant dans les excès du catastrophisme, caricature les conséquences de ce scénario.
Tout est bon pour dénoncer cet accord, même le plus énorme mensonge, comme celui proféré par Sarközy qui a déclaré « vouloir abandonner cette énergie (…) signifie des dommages considérables à l’industrie française ». lien
Serait-il en train de passer sous silence l’énorme quantité
d’emplois créés par le développement des énergies propres et
renouvelables, ainsi que les emplois automatiquement provoqués par le
démantèlement des centrales fermées ?
En effet, une centrale qui ferme, c’est un démantèlement qui
commence, et cette opération génèrera de nombreux emplois pendant au
moins 25 ans. lien
On se souvient que « Super » Phénix, fermé fort heureusement en 1997, suite à des pannes à répétitions, est en démantèlement depuis 14 ans déjà, et que le chantier qui devrait durer au moins encore 10 ans procure un emploi à 550 travailleurs. lien
Proglio, le patron d’EDF, en a rajouté une couche dans le mensonge, en affirmant que la fermeture de la filière nucléaire provoquerait la perte d’un million d’emplois.
Il doit être fâché avec les chiffres car en France, seulement 110 000 personnes sont
employées dans la filière nucléaire, dont la plus grande partie sont
des cadres, qui peuvent tout à fait être « recyclés » dans d’autres
secteurs.
Si l’on veut comparer avec l’Allemagne, elle avait 40 000 emplois dans le nucléaire, et son secteur « énergies propres » procure un emploi à 370 000 personnes.
Décidemment, que ce soit à EDF ou chez Areva, on est fâchés avec les chiffres.
L’EPR de Finlande devait couter 3 milliards d’Euros, le résultat final sera de plus du double, payé par la France.
Il faut ajouter que dans notre beau pays, tout n’est pas pris en
compte, et que, comme on l’a vu, le démantèlement des centrales est
largement sous-estimé. (Facteur 10)
Celui de « Super » Phénix devait couter 900 millions d’Euros, il en coutera au moins 10 fois, voire 20 fois plus. lien
D’une manière générale, EDF estime le démantèlement d’une centrale nucléaire à 260 millions d’euros, et manifestement il faudra y rajouter un zéro.
Jamais à l’abri d’une outrance, Sarközy, pour faire peur aux français, leur annonce qu’à cause de l’abandon du nucléaire, les ménages devraient bientôt payer 67% de plus qu’aujourd’hui pour s’éclairer et se chauffer. lien
Ce qui est manipulateur, car, si l’on considère que, dans les solutions alternatives,
figure une meilleure isolation des habitations, le budget des ménages
s’en ressentirait avec bonheur, puisqu’un un logement bien isolé
consomme beaucoup moins d’énergie.
Un programme ambitieux basé sur meilleure isolation des habitations
et des entreprises relancerait les entreprises du bâtiment spécialisées
dans l’isolation thermique.
On peut même aller plus loin avec la maison passive, voire même encore mieux le BEPO, leBâtiment à Energie Positive qui permet de diviser par 6 la consommation en éclairage, ramenant la consommation en chauffage de 50 KWh/m2 à 2 KWh/m2. lien
On devine le résultat sur la facture.
Aujourd’hui EDF estime le cout moyen de production de KW/h électrique à 2,7 c€, le futur EPR fera déjà doubler ce prix.
Ajoutons pour faire bon poids que le nucléaire et le cancer sont liés, puisqu’une étude allemande réalisée par l’Office Fédéral de Protection contre les Radiations
a constaté qu’il y avait un risque statistique nettement plus élevé de
souffrir d’un cancer pour un enfant de moins de 4 ans résidant à
proximité immédiate d’une centrale nucléaire. lien
Or soigner un cancer coute entre 3000 et 6000 € par mois par personne, alors qu’en France 1 personne sur 3 qui meurt l’est d’un cancer (lien) ce qui aurait couté aux hôpitaux près d’1 milliard d’euros en 2010 (lien) et 11 milliards à la Sécurité Sociale. lien
Enfin, le traitement des 1 153 000 m3 de déchets déjà produits fin 2007 n’est toujours pas résolu, et cela aura un prix. lien
Le site d’enfouissement de Bure à déjà couté plus de 35 milliards d’euros, et la solution n’est pas acceptable. lien
Aujourd’hui même les industriels le dénoncent : le nucléaire n’est pas rentable. lien
C’est le moment de dénoncer le piège qui a été tendu aux
consommateurs : en les poussant au chauffage électrique, on justifie
l’énergie nucléaire.
Alors qu’en choisissant d’autres sources énergétiques, comme la
géothermie de grande profondeur, ou le méthane issu de l’activité
animale, on peut produire des quantités d’eau chaude, cette eau chaude
que l’énergie nucléaire gaspille honteusement, la renvoyant quasi
systématiquement dans le cours des fleuves, au lieu de l’utiliser.
D’autre part, pour rattraper son retard sur le reste de l’Europe en matière d’énergies renouvelables, la France devra « mettre le paquet », et suivant les sources, cela pourrait permettre de recruter 200 000 emplois suivant les uns, (lien) voire plus suivant les autres.
En Allemagne en quelques années, les énergies propres et renouvelables ont crée 250 000 emplois, chiffre en augmentation continuelle, alors que malgré 50 ans d’investissements massifs, le nucléaire, comme on l’a vu, n'emploie que 110 000 personnes en France. lien
Et puis, il serait malhonnête d’oublier que pour le fameux chantier de l’EPR, les 2300 emplois actuels proviennent en grande partie de main d’œuvre étrangère. lien
D’autant que cet EPR souffre de nombreux défauts de conception. lien
Ajoutons qu’avec les 6 milliards d’euros que coutera au moins l’EPR, le nombre d’emplois pérennes créés en « énergies propres » dépasserait le chiffre de 20 000.
Un autre effet induit n’est pas négligeable, en favorisant la
consommation sur place de l’énergie produite, on pourrait économiser
théoriquement 120 MTEP (millions tonnes équivalent pétrole) puisque sur les 270 Mtep produits annuellement, seulement 150 arrivent chez le consommateur. lien
Dans un article récent, paru dans « Challenges » Jérôme Lefilliâtre affirme que pour remplacer la totalité du parc nucléaire, il faudrait multiplier par 150 le nombre d’éoliennes, soit 20 000 éoliennes. lien
Mais n’est-ce pas réducteur de n’offrir comme alternative aux 19 centrales nucléaires françaises, que 20 000 éoliennes ? Sachant que 70%
du potentiel hydroélectrique français est négligé, sachant aussi que
les énergies propres et renouvelables ne se limitent pas aux seules
éoliennes, et qu’elles ne représentent que 10,7% de l’électricité commercialisée par EDF.
Comme expliqué dans cet article,
il est totalement réalisable de tourner rapidement la page nucléaire,
sans pour autant se serrer la ceinture, ou retourner à la bougie et 84 % des français sont prêts à tourner la page. lien
Pourtant Sarközy menace « je ne laisserais pas dilapider l’héritage industriel et énergétique bâti ces 50 dernières années ». lien
Est-ce à dire que s’il perdait la présidentielle, il serait prêt a faire un coup d’état pour reprendre le pouvoir ?
Ou est-ce seulement l’une de ces menaces dont il est coutumier, et
dont l’on sait qu’elles ne sont que des « coups de gueule » si l’on se
souvient des menaces proférées depuis 4 ans sur les parachutes dorés et
les paradis fiscaux ? lien
En tout cas aujourd’hui, la question de sortie du nucléaire n’est plus un tabou.
De la CGT, connue pour son attachement au nucléaire, à la CFDT, en passant par l’Unsa, tous sont favorables à une baisse plus ou moins importante de la part nucléaire en France. lien
Corinne Lepage a une phrase qui résume assez bien l’opinion publique actuelle : « ce n’est pas sortir du nucléaire qui est suicidaire, mais s’entêter dans le nucléaire qui l’est ».
Elle rappelle qu’EDF traîne les pieds pour sécuriser ses centrales, et que la mise aux normes va être beaucoup plus couteuse qu’elle l’affirme.
Elle affirme qu’il faudrait payer 400 milliards pour rester dans le nucléaire, et 460 milliards pour en sortir. lien
Benjamin Dessus, économiste et ingénieur, président de « Global Chance », s’exprimant dans les colonnes des « Echos » écrit qu’il est possible de sortir du nucléaire sans pour autant plonger dans le chaos. lien
Alors, faut-il s’exposer à un nouveau Fukushima, en France
ou ailleurs, accepter la multiplication des cancers, continuer
d’accumuler des tonnes de déchets nucléaires ingérables, continuer à
être dépendant énergétiquement et à gâcher des fortunes ?
Ou alors faut-il lancer un vaste programme de créations d’emploi,
permettre l’indépendance énergétique du pays, en se tournant enfin vers
les énergies propres, et renouvelables, ne produisant pas, ou peu, de
déchets ?
Comme dit mon vieil ami africain : « la gazelle qui a vu le lion court plus vite que celle qui ne l’a pas vu ».
Merci à Corinne PY pour son aide précieuse.
L’image illustrant l’article provient de « fr.altermedia.info »
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