4 février 2013

Ils ont tué Jaurès



AgoraVox | via Oulala | 8 janvier 2013

Le doute n’est désormais plus possible, absolument plus possible. La politique économique, sociale et budgétaire du gouvernement Hollande est libérale, absolument libérale. C’est ce que Jérôme Cahuzac a démontré durant l’émission #motscroisés du 7 janvier 2013. Et nous devons rendre à César ce qui lui appartient ; il l’a fait avec conviction et passion. C’est ainsi que l’homme à la taxe à 75%, qui n’aura jamais lieu, a plaidé avec fougue pour les spéculations financières sur les états, pour une Europe favorable aux marchés plutôt qu’une Europe favorable aux peuples, pour les largesses fiscales aux entreprises du CAC 40, pour l’austérité contre les classes populaires. Comment un tel plaidoyer en faveur d’un capitalisme plus sauvage que jamais a-t-il pu sortir de la bouche d’un ministre si important d’un gouvernement socialiste ? Parce que Cahuzac, l’homme chargé d’assurer la communication du gouvernement Hollande en cette rentrée 2013, n’a jamais été socialiste. Et là aussi c’est avec fougue et passion qu’il le revendique : “C’est notre principale divergence : la lutte des classes. Vous, vous y croyez toujours. Moi, je n’y ai jamais cru.” lancera-t-il à son contradicteur du soir, Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, Cahuzac, au nom du gouvernement Hollande tout entier a, le 7 janvier 2013, tué Jaurès.

Le meurtre a débuté par cette défense de fer en faveur de la spéculation financière contre les états. On doit rembourser la dette. Peu importe son origine, peu importe son injustice, peu importe sa cruauté. Quand on est “responsable” on ne se soucie pas de ce genre de détail. Pour Cahuzac, l’assassin du socialisme, il ne s’agît pas d’un simple remboursement, mais bien plus de ne pas se mettre à dos les maîtres créanciers. Sinon ils risqueraient de se fâcher et de ne plus prêter d’argent aux taux qu’ils décident, aux conditions de remboursement qu’ils fixent. Parce que la dette c’est leur gagne pain, le moteur de leur système. C’est donc la peur de voir le maître financier réprimer l’esclave nation qui motive le ministre libéral du budget. Pas question pour Cahuzac de remettre en question les chaînes de l’aliénation boursière, mais bien plus de les resserrer au point de s’en étrangler jusqu’au sang. Que deviendrait l’esclave sans son maître ? Cahuzac choisit la soumission là où Jaurès luttait pour la libération. Pourtant, lorsque l’Argentine ou l’Islande refusent de se soumettre, ils ne meurent pas, ils se libèrent. L’Argentine et l’Islande ne sont pas la France, cinquième économie mondiale, deuxième économie européenne. Mais l’esclave se voit toujours plus petit que le maître.

Le meurtre s’est poursuivi par la justification d’une banque centrale européenne aux services de la monnaie plutôt qu’une banque centrale européenne aux services des européens. Le rôle de la BCE n’est pas, dit le meurtrier, de financer les économies des pays. Mais de veiller à ce que l’Euro assure des rendements suffisants à celles et ceux qui, sur les marchés, spéculent contre lui. Sinon, l’Euro deviendrait si faible qu’il risquerait de disparaître. Il est donc préférable de voir les peuples souffrir, quand ils ne meurent carrément pas. Le bien être du maître mérite bien le sacrifice de quelques esclaves. Ainsi la BCE devient-elle le nouveau pharaon à qui on érige des pyramides. Jaurès, lui, était du côté des ouvriers bâtisseurs, pas du côté de pharaon.

Le meurtre est devenu sanglant lorsque le social libéral qui n’a jamais cru à la lutte des classes n’a pas compris l’émoi provoqué par le don de 20 milliards d’Euros fait aux entreprises. “Ce n’est pas votre argent ni le mien” a-t-il déclamé à un Jean-Luc Mélenchon qui s’était préparé à tout, mais certainement pas à un tel homicide. “C’est celui des Français” a-t-il poursuivi. Pourquoi donc les puissants que nous sommes devraient-ils s’émouvoir d’un tel don fait avec l’argent des pauvres pouvait-on comprendre. Ainsi, financer les entreprises du CAC 40 avec l’argent des salariés, des chômeurs, des ouvriers, des employés, des précaires, quoi de plus naturel pour celui qui se rend plus volontiers aux universités d’été du Medef plutôt qu’à la fête de l’Huma. Chaque fois qu’un gouvernement prend fait et cause pour le patronat parce qu’il le considère comme le principal atout de l’économie d’un pays, il se détourne des salariés, des syndicalistes, des classes ouvrières et populaires. Chaque fois il finit par réveiller la lutte des classes dont il niait l’existence. La lutte des classes n’est pas un concept théorique. Demandez donc aux Mittal, aux Sanofi, aux PSA, aux Virgin, aux SFR…si la lutte qu’ils mènent pour garder un emploi qui les fait tout juste vivre c’est de la théorie ! Demandez à Jaurès si son engagement aux côtés de ces salariés mineurs licenciés c’était de la théorie ! C’est cet engagement aux côtés des classes ouvrières et populaires qui le fit rentrer en politique. C’est cette lutte des classes qui lui fit créer le socialisme français dont le PS se réclame pourtant avec tellement de facilité à chacun de ses congrès. Mais à présent l’usurpation n’est plus possible. Les références des cadres du PS sont désormais à chercher du côté de Friedman et Goldman Sachs.

Le meurtre est devenu prémédité lorsque le porte voix Hollande a admis que l’austérité n’avait plus aucun bien fondé mais qu’elle serait tout de même poursuivie. Le FMI, organisme rouge vif comme chacun sait, dénonce ce suicide économique, après l’avoir vanté, mais Cahuzac persiste parce que les fonds spéculatifs l’exigent. Mieux vaut être du côté du capital finalement, en faisant payer le travail. Sans aucun doute aucun, Jaurès n’aurait jamais milité dans ce parti social libéral là.

Le coup de grâce arriva donc en fin d’émission avec cette déclaration triomphale que même Woerth et Barouin réunis n’avaient jamais osé prononcer : la lutte des classes ça n’existe pas. Elle a cependant un mérite, un seul. Elle met maintenant au pieds du mur ces militants socialistes qui apprennent de la bouche même de leurs dirigeants que leur parti est libéral et qu’il ne croit pas dans la lutte des classes. Elle met également au pied du mur ces électeurs qui croient voter à gauche chaque fois qu’ils votent pour la rose maintenant bleue UMP. Plus d’excuse, plus d’écran de fumée derrière lequel se dissimuler. Plus de prétexte pour justifier l’état hypnotique dans lequel médias et chiens de garde de la pensée des maîtres libéraux essaient de nous plonger. Chaque électeur, chaque militant du parti social libéral sait à présent qu’il vote, qu’il milite pour le parti qui a, un certain 7 janvier 2013, tué Jaurès.

Sydne93

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