Abdallah Belhaimer - Gaza
Ceux qui de jours en jours scrutent l'info, qu'elle soit nationale ou mondiale, sont peut-être tentés - comme je le suis - parfois de jeter l'éponge, tant elle suscite l'atterrement, le dégoût et la colère.
Face à cette actualité d'un monde (re)devenu fou, aboyée en premier lieu par une presse arrogante [aux ordres d'un pouvoir transnational mortifère servi par une caste de politiciens sans scrupules] se faisant le relais d'un discours menteur, dur, guerrier, dans lequel la haine de l'autre, du pauvre, de l'étranger, du pays non-aligné, est instillé à dose quotidienne; où l'inégalité criante, les génocides et les conquêtes, sont normalisés, banalisés, voire occultés, et ce avec le silence complice de populations majoritairement passives, on ne peut éprouver à l'égard du genre humain, qu'effarement, inquiétude ou désespérance.
A moins que ...
Il y a ce fil en apparence ténu et fragile, celui que Lucien Jaques déroule à travers le champ de ruine de son époque, un fil qui s'arrête sur des riens : un regard, un geste d'amitié, un rire, une étoile... Un fil qui avec ces énormes petits riens, tisse l'humanité de demain.
JE CROIS EN L’HOMME
Je crois en l’homme, cette ordure,
je crois en l’homme, ce fumier,
ce sable mouvant, cette eau morte ;
je crois en l’homme, ce tordu,
cette vessie de vanité ;
je crois en l’homme, cette pommade,
ce grelot, cette plume au vent,
ce boutefeu, ce fouille-merde ;
je crois en l’homme, ce lèche-sang.
Malgré tout ce qu’il a pu faire
de mortel et d’irréparable,
je crois en lui,
pour la sûreté de sa main,
pour son goût de la liberté,
pour le jeu de sa fantaisie,
pour son vertige devant l’étoile,
je crois en lui
pour le sel de son amitié,
pour l’eau de ses yeux, pour son rire,
pour son élan et ses faiblesses.
Je crois à tout jamais en lui
pour une main qui s’est tendue.
Pour un regard qui s’est offert.
Et puis surtout et avant tout
pour le simple accueil d’un berger.
Lucien Jacques
Extrait de « C’était hier et c’est demain »
Ed. Seghers, 2004
Lucien Jacques (1891-1961) était
artisan, berger au Contadour et à Montlaux durant la guerre, ami intime de
Giono. Pacifiste, passionné par les arts, il dit dans ses poèmes sa foi en
l'homme. C’est aussi mon credo.
0 Comments:
Post a Comment