Introduction : les syndicalistes et la crise relative aux droits humains
Depuis quarante ans, la Colombie est le théâtre d’un conflit armé qui oppose les forces militaires et paramilitaires à des mouvements de guérilla, dont les Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC, Forces armées révolutionnaires de Colombie) – groupe le plus important – et l’Ejército de Liberación Nacional (ELN, Armée de libération nationale) – beaucoup plus petite. Ce conflit se caractérise par des violations généralisées et systématiques des droits humains et du droit international humanitaire, commises par toutes les parties.
Les forces armées et leurs alliés paramilitaires mènent une stratégie anti-insurrectionnelle destinée à priver les forces de la guérilla de tout soutien réel ou supposé de la population civile. La terreur fait partie intégrante de leur stratégie : disparitions forcées, torture, sévices sexuels et autres violences contre les femmes, menaces de mort et meurtres de civils sont autant de méthodes utilisées pour briser les liens, réels ou imaginaires, entre la population civile et la guérilla.
La tactique de la terreur sert aussi à aider les puissantes élites économiques à protéger, étendre et consolider leurs intérêts. Ainsi, plus de 60 p. cent des plus de trois millions de personnes déplacées en Colombie ont été chassées de terres qui présentaient un intérêt économique important, par exemple pour leur richesse minière ou agricole. Le conflit sert de prétexte à ceux qui veulent étendre et protéger leurs intérêts économiques. C’est dans ce contexte que des atteintes aux droits humains sont commises contre les syndicalistes, régulièrement qualifiés de subversifs par les forces de sécurité et leurs alliés paramilitaires. Ces violences coïncident souvent avec des périodes de conflit social ou de négociations sur les conditions de travail.
L’impunité est un élément essentiel de cette stratégie anti-insurrectionnelle : sachant que les auteurs de violations des droits humains ne seront pas traduits en justice, les personnes et les organisations renoncent à porter plainte. C’est aussi un moyen de dire à ces organisations que leurs membres et leurs dirigeants risquent de subir de nouvelles violences s’ils ne cessent pas leurs activités. Grâce à cette impunité, les auteurs de violations des droits humains restent en liberté et n’aspirent qu’à recommencer.
Diverses techniques sont employées pour empêcher que des enquêtes exhaustives soient menées sur les atteintes aux droits humains et garantir l’impunité aux membres des forces de sécurité. Ceux-ci utilisent notamment des groupes paramilitaires comme couverture pour mener leur « sale guerre », et cherchent à améliorer leur image en termes de droits humains en niant catégoriquement que ces paramilitaires agissent avec leur accord ou leur soutien ou, comme c’est souvent le cas, sous leur coordination.
L’utilisation des forces paramilitaires donne une autre dimension à la terreur dans le conflit colombien. Aux niveaux national et international, les forces armées et le gouvernement colombien nient tout lien entre l’armée et les paramilitaires, admettant tout au plus quelques cas individuels de collusion impliquant une poignée d’éléments « véreux ». Par contre, sur le plan local, ces liens sont souvent reconnus et même parfois délibérément mis en avant pour terrifier encore plus la population en lui faisant comprendre qu’elle ne peut demander de l’aide à personne.
De leur côté, les forces de la guérilla sont responsables d’atteintes multiples et généralisées au droit international humanitaire, telles que l’élimination physique de ceux qu’elles considèrent favorables à leurs ennemis ou qui s’opposent à leurs intérêts – y compris les syndicalistes ; les enlèvements et les prises d’otages ; les atteintes sexuelles ou autres formes de violence contre les femmes ; et les attaques disproportionnées et aveugles contre des cibles militaires, qui font souvent des victimes chez les civils(1). Elles s’attaquent aussi aux infrastructures industrielles, enlevant des employés pour extorquer de l’argent aux entreprises ou pour exprimer leur opposition à leurs activités d’investissement.
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