6 juin 2009

Europe écologie : Voyage au bout du spectacle

Par Geneviève Confort-Sabathé

Militante sans parti

« Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de spectacles. » (Première phrase de La Société du Spectacle de Guy Debord-1967)

Et dire que pendant des années, la grande Dominique a passé son temps à faire de l’idéologie complexe, en répétant à l’envi, « je suis trop rouge pour les Verts, trop verte pour les Rouges ». La formule pour que l’électeur n’y voit que du bleu était pourtant simple, il suffisait d’équiper la gaule à gogos, de leurres fluorescents.

Certes, la politique y perd un peu mais la société du spectacle en sort grandie. Pour les Européennes, les têtes de listes d’Europe Ecologie se sont mises en mode cinéma de comédie à visée familiale. Europe Ecologie a produit un polar, un vaudeville, une tragi-comédie…

Les professionnels des grands médias n’en espéraient pas tant. Eux qui détestent fatiguer leurs neurones se voyaient contraints de prendre connaissance des programmes politiques, de décortiquer les différents traités (en particulier le traité honni, celui de Lisbonne), d’étudier le fonctionnement des institutions européennes. Bref, ils s’apprêtaient à faire leur travail de médiateurs pédagogiques. Heureusement, Europe Ecologie s’est mise à faire le spectacle. Les élites médiatiques ont pu recommencer à traquer le diable dans les détails.

Quoi de plus excitant, en effet, que de voir, un Bendit, un exploitant (médiatique) de menottes et une magistrate, flingueuse de VIP, se trémousser sur la même scène, devant un parterre de bobos parisiens, fouettés par l’excitante combinaison. Ce polar décalé façon « Y’a-t-il un flic pour sauver l’écologie ? », voilà de quoi ringardiser les adversaires.

Et pour ceux qui n’aiment pas le polar, le vaudeville n’est jamais loin. Tous les journaux s’y sont mis pour humaniser l’âpre magistrate à lunettes. Et de la décrire en balade avec Dany, dans les rues de Paris. « J’ai toujours pensé qu’avec un vélo, une tente et une canne-à-pêche, on est la plus heureuse des femmes ». En voilà au moins une qui ne fait même pas semblant de faire de la politique. On est dans « Vacances romaines » mais à Paris !

Présentée comme le « joker de Dany », Eva Joly avait déjà pris langue avec Bayrou, en juin 2008, mais elle s’est laissé séduire par son « envie » d’être députée européenne. Les Verts ne sont que l’instrument de cette envie comme elle s’en est expliquée devant les médias subjugués. «Je suis parmi les dix personnes au monde qui connaissent ce monde des multinationales et des institutions multilatérales, je veux porter ces dossiers à Bruxelles. » Eva va à Strasbourg…pour se régaler ! A 66 ans, elle n’allait pas attendre que le Modem devienne une force politique.

C’est là qu’intervient la tragi-comédie. Bayrou et Dany s’affrontent lors d’une émission télévisée en s’insultant comme de vulgaires camelots : « Minable ! », « pédophile ! » « Ami de Sarko ! ». Cherchez l’intrus ! Le public rigole, il voit ça, tous les jours, sur les écrans. Chez Ruquier, par exemple, où l’attaque personnelle constitue l’essentiel du spectacle. D’ailleurs, la preuve que l’accrochage verbal n’était que du vent, le lendemain sur France-Inter, Dany, l’insulté pas bégueule, explique qu’il avait souhaité que Ségolène fasse alliance avec Bayrou, pour la Présidentielle, et qu’après les Européennes, il faudra bien que tout le monde se reparle.

Coincé entre Dany et Eva, José, le moustachu volontaire, n’est pas à plaindre. La pipe gaillarde, il barbote dans le marigot avec délectation. C’est que l’exploitation des ressources du parlement européen lui assurera une retraite autrement plus confortable que l’exploitation de ressources agricoles. Il ne se réclame plus vraiment de l’extrême gauche, il se souvient, à peine, d’avoir fait campagne pour le Non mais il zouke, devant les caméras, sans même enfiler une cagoule.

Ceux qui refusent de valser avec les pantins, peuvent toujours boycotter les élections européennes. Il ne s’agit pas de dire NON à l’Europe mais NON à cette Europe, celle du spectacle et de la dépolitisation.

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