30 mars 2013

De quoi le Parti socialiste est-il le nom ?



Paul Ariès | lesarkophage.com | mars - avril 2013

J’aimerais placer cet éditorial dans la perspective des prochaines confrontations électorales même si la vie politique ne se réduit pas à ce rituel, surtout pour des forces agissant pour l’émancipation. Je constate cependant que dans toutes les villes que je visite, les grandes manœuvres ont déjà commencé pour les municipales. J’avoue cependant que ces militants qui mettent à chaque scrutin le petit doigt sur la couture électoral du pantalon socialiste me sidèrent.

Nous n’avons rien à attendre de ce gouvernement. Allons- nous baiser la main qui s’apprête à reporter l’âge de la retraite comme le fit déjà Sarkozy ? Allons nous nous aplatir en baissant le ton alors que ce gouvernement multiplie les mauvais coups contre les gens de peu et ceux qui grognent et les cadeaux au Medef, aux puissants et aux riches ?

Ce gouvernement et cette majorité resteront aussi dans l’histoire comme ceux qui ont refusé cette semaine de faire bénéficier de la loi d’amnistie sociale les faucheurs d’OGM, les déboulonneurs antipub, les militants du RESF, les enseignants désobéisseurs, bref tous nos partenaires des Forums nationaux de la désobéissance ! Christiane Taubira estime que sur le millier de militants concernés par le texte d’origine, il n’en restera que quelques dizaines. Toutes ces personnes exclues de l’amnistie et abandonnées à leurs condamnations, par la grâce des amendements socialistes, ont pourtant résisté à des lois que le PS jugeait alors contraires aux principes républicains !

Il est trop tôt pour savoir si nous avons eu raison de voter pour Hollande au second tour des présidentielles, sans rien exiger en retour, mais cette fois, ce sera Niet ! Alors préparons le premier tour des municipales au sein du Front de Gauche, du NPA, d’EELV, de la mouvance décroissante, si possible dans l’unité, mais en toute autonomie par rapport au PS ! Nous ne serons pas cette fois les idiots utiles de la fausse gauche !

Prouvons-lui, prouvons-nous que si nous avons pu participer à la victoire contre Sarkozy, nous pouvons aussi le faire perdre ! Cessez de nous duper avec l’illusion qu’il serait moins pire que les autres, qu’il faudrait bien choisir entre la peste et le choléra ! Ce n’est pas en baissant le ton qu’on gagnera, mais en le haussant ! Personne à la gauche du PS n’est dupe même si certains voudraient défendre leurs strapontins, leurs logiques d’appareil !

Si le PS veut qu’on vote pour lui au second tour des municipales, ce sera alors à lui de nous convaincre en cédant sur nos revendications, en avançant vers la gratuité des services publics, en ayant localement des politiques de rupture anti-productivistes. Que les appareils de toutes les gauches et de l’écologie sachent bien que nous sommes de plus en plus nombreux à considérer que le divorce est définitivement consommé avec le Parti socialiste.

Il y a presque un siècle que cette gauche-là nous déçoit et nous trahit : socialistes votant les crédits de guerre en 14-18, socialistes approuvant l’occupation de la Ruhr, socialistes appelant avec Blum à une pause sociale en 1936, socialistes abandonnant les républicains espagnols aux bons soins de Franco, socialistes applaudissant aux Accords de Munich, socialistes prenant le décret de dissolution du PCF en 1939, socialistes accordant en 1940 les pleins pouvoirs à Pétain, socialistes faisant tirer sur les malgaches en 1947 puis réprimant les mineurs grévistes, socialistes organisant les guerres coloniales en Indochine et en Algérie, socialistes approuvant la torture, socialistes imposant la rigueur en 1983, socialistes supprimant des dizaines de milliers d’emplois dans la sidérurgie et ailleurs au nom de la modernisation de l’industrie, socialistes privatisant plus que les gouvernements de droite, socialistes réhabilitant le monde de l’entreprise et les champions du CAC-40, socialistes organisant la casse du service public, socialistes organisant la dérégulation des marchés, socialistes approuvant Maastricht, la guerre du Golfe, les Traités de Lisbonne et de Barcelone, socialistes applaudissant au Pacte de stabilité, socialistes abandonnant en toute bonne conscience les milieux populaires mais faisant les yeux doux au Medef. La litanie des désillusions serait trop longue pour être complète.

Socialistes d’en bas et socialistes d’en haut ne valent pas mieux. On me dira que ces mêmes socialistes ont été aussi des acteurs essentiels du Front Populaire, du programme du CNR, des réformes de 1981 et aujourd’hui des mesures de Christiane Taubira contre le tout carcéral, demain de celles de Benoit Hamon ! Je sais aussi le combat de nos camarades qui de l’intérieur du parti socialiste cherchent à l’ancrer à gauche ou dans l’écologie. Est-ce à dire que l’actif et le passif s’équilibreraient peu ou prou, selon le bon vieux dilemme de la bouteille à moitié vide ou pleine ? Allons donc si ce n’était qu’un problème de rythme, nous saurions être patients, mais on ne nous fera pas choisir un sarkozysme de gauche, plutôt qu’un sarkozysme de droite, en attendant demain d’élire Valls en 2022 !

Et si les désillusions, celles dont crève aujourd’hui la gauche, car ce gouvernement socialiste est mortifère pour toute idée d’émancipation, il est mortifère pour les mouvements sociaux, et si nos déceptions donc n’étaient pas le fruit des trahisons socialistes mais bien plutôt celui de nos propres bévues ?… Je crois que Jean-Claude Michéa a raison : la période historique née avec l’affaire Dreyfus, qui a vu les révolutionnaires, les vrais socialistes faire alliance avec cette gauche pour sauver la République est terminée. La vraie gauche, les vrais socialistes, les vrais écologistes ne doivent pas insulter l’avenir en liant leur sort au funeste parti socialiste. Camarades au Verbe haut vous perdriez toute crédibilité en acceptant des compromissions !

Non seulement mieux vaudrait perdre quelques élus ou villes que notre âme mais nos idées sont suffisamment belles pour gagner sans eux, aujourd’hui ou demain. N’insultons pas l’avenir en liant notre sort à cette gauche-là, au moment où le vent de l’éco-socialisme commence à souffler.

Savez-vous qu’en Amérique du Sud, le « Buen Vivir » se dit désormais socialisme du buen- vivir, socialisme du Bon vivre. La Vie est à nous !

Paul Ariès
Vu sur Truks en vrak

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