Un « Monti français » : voilà ce que réclamait en chœur la presse française, durant la présidentielle. Il nous fallait le même : un technocrate, menant une franche austérité, sans souci du peuple. Hollande est peut-être en train de réaliser leur rêve : avec en vue le même résultat politique ?
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C’était en novembre 2011 : Silvio Berlsuconi était mis à la porte sous la pression des marchés. La presse adoubait alors son nouveau chouchou : le sauveur de l’Italie, Mario Monti, ou plutôt « Super Mario » voire « The Full Monti ».
Il était, d’après Le Monde, « la solution idéale pour rassurer les marchés et engager les réformes nécessaires », Mario Monti se disait prêt à effectuer « des choix impopulaires ». Il n’avait pas pris la peine d’être élu, il s’apprêtait à devenir « impopulaire » : voilà qui, pour nos médias, démontrait non du mépris pour le peuple, mais un « grand courage politique ».
Au-delà de son programme, il méritait l’admiration : son attitude, subtile « mélange de sobriété et de rigueur publique », « ses bonnes manières et le style d’homme normal n’en finissent pas d’étonner les Italiens ».
Le nouveau gouvernement en place se donnait pour objectif : « d’assainir la situation financière et de reprendre le chemin de la croissance dans un contexte d’attention accrue à la justice sociale ».
Un fourre-tout bien emballé. S’annonçaient en fait suite des « sacrifices » : un plan de rigueur de 60 milliards d’euros sur trois ans, passant notamment par la réforme des régimes de retraites et une plus forte flexibilité du marché du travail. Voilà qui était excellent.
La Bourse, de son côté, saluait ces première mesures, « tout cela va vers plus de crédibilité pour le gouvernement italien », soulignait alors Bertrand Lamielle, de B*Capital.
Un « Monti français »
C’était tellement de bonheur que, durant la présidentielle, les commentateurs des Échos au Figaro n’aspiraient qu’à trouver un « Monti français ».
C’était le modèle à suivre : il est vrai que le « Professore » plafonnait alors dans les sondages.
Il a rapidement dévissé.
L’économie italienne également, entrée grâce à lui en franche récession.
Un échec patent.
Et néanmoins, les médias français ont continué de le célébrer ! Pour le Nouvel Économiste, un « Monti français » « provoquerait un choc et une prise de conscience salutaire ». Cette homme serait même « un lointain descendant de Pierre Mendès-France – qui manque toujours à la gauche française ». Mais au-delà de l’homme providentiel c’est le régime politique même de la France qui gênerait ces réformes : « qui passent mieux – quoi qu’on en dise. Parce qu’il n’y a pas d’élection présidentielle ! ». La démocratie, quelle plaie !
En septembre déjà le Figaro, avec un brin de tristesse, titrait « Si Monti était français... ». Le quotidien était impressionné qu’en « neuf mois de présidence du Conseil italien, Mario Monti s’était forgé une incontestable stature d’homme d’État, unanimement respecté en Europe » saluant au passage « son courage politique qui impressionne ».
Début février, dans un rapport de 95 pages, l’« Institut de l’entreprise » voyait toujours en cette Italie « un cas d’école pour la France de demain ». « La voie italienne » aurait ainsi beaucoup d’enseignements pour François Hollande, avant de regretter, ici, « les engagements “de gauche” qui pèsent sur les comptes de la Nation, style arrêt du “un sur deux” pour le non-remplacement des fonctionnaires ».
Une austérité envers et contre tous
Le désastre était pourtant indéniable.
Dès juillet 2012, les associations recensaient 49 suicides pour raisons économiques depuis le début de l’année. En avril, l’ancien juge Antonio Di Pietro avait même accusé directement Mario Monti, d’avoir « les suicides sur la conscience », avec sa politique d’austérité. Le chômage atteignait son plus haut niveau depuis 2004.
Les chiffres communiqués par le Ministère de l’Intérieur, indiquaient, eux-aussi, une plus grande précarité sociale. Celle-ci poussait au larcin, avec une augmentation vertigineuse de 21 % (presque 60 % à Forli) des cambriolages de magasins en 2012.
Le Corriere Della Sierra écrivait alors : « Quand on a faim et que l’argent manque, tout est bon à prendre » avant de détailler les butins « grilles d’égout, décorations dans les églises, pastèques, fromages, poules, haricots... ».
Sur le plan politique, le Mouvement cinq étoiles remportait en mai les municipales à Parme, capitale de l’industrie alimentaire et siège de multinationales comme Parmalat ou Barilla.
Aucun changement de stratégie pourtant.
Les réformes continuèrent dans tous les domaines et notamment la santé. Ainsi, en août 2012 le Parlement italien vota un décret-loi prévoyant « la réduction d’ici trois mois de 7 000 lits dans les hôpitaux régionaux » et qui ouvrait « la voie à un redimensionnement de l’administration publique avec une réduction de 20% des postes de dirigeants publics et de 10% du personnel non dirigeant ».
En octobre, on rempila pour une dose d’austérité : « estimées à 10-12 milliards d’euros, et qui comprennent principalement une hausse d’un point de la TVA à partir du 1er juillet, une baisse d’un point du taux d’imposition sur les revenus des ménages des deux tranches imposables les plus basses et des coupes budgétaires de 3,5 milliards d’euros, en particulier dans le secteur de la santé ». S’y ajoutant « des mesures d’économie pour les administrations publiques, comme une réduction de l’éclairage public, et des contrôles renforcés sur leurs finances ainsi que des incitations financières pour favoriser la productivité ». « Les mesures annoncées par le gouvernement Monti sont un coup très dur aux services publics et montrent que le gouvernement entend mettre en pièce notre système de sécurité sociale », s’insurgeait alors un collectif de syndicalistes.
Des adieux difficiles
C’était l’impasse.
Le 9 décembre 2012, Mario Monti annonça sa démission prochaine de la présidence du Conseil italien, et la tenue d’élections anticipées.
Cette décision suscita une vague de stupeur dans les médias français.
« Le départ de Mario Monti inquiète l’Europe » titrait alors l’article du Monde, signalant notamment que « les marchés se montraient particulièrement nerveux ».
Le Nouvel Observateur rendait hommage à un « super technicien, qui a surpris l’Europe par son sérieux, son sens de la diplomatie et sa conception intransigeante de l’exercice du pouvoir ».
Libération salua ses « réformes d’envergure », « importantes », sur les retraites ou la libéralisation du marché du travail ayant permis de « rétablir la crédibilité internationale de l’Italie ».
Et cette « crédibilité » n’a pas de prix : qu’importe qu’elle soit payée en années de récession, de chômage, de casse sociale.
Poulain des médias et des marchés, Mario Monti ne remporta qu’environ 10% des voix dans chaque chambre, loin derrière ses principaux rivaux.
Une parenthèse « technique » se referme donc. Place à la détestable incertitude politique. Et au « populisme »...
Les « Monti français », « espagnols », « portugais », etc., savent désormais quel sort leurs réservent les futurs scrutin : la déroute.
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