« Sauvons notre fric ! »
Par Joelle Palmieri | 23 mai 2014 | Voir en ligne
200. Elles étaient 200, âgées de 12 à 17 ans, quand elles ont été enlevées de leur pensionnat à Chibok au Nord-Est du Nigéria. Ici, en France et ailleurs, aux États-Unis notamment, on s’est ému : les présidents des États, les personnalités culturelles ou intellectuelles ou encore certaines féministes. Je n’étais pas étonnée, ni de l’enlèvement, ni de l’émotion suscitée. Suis-je cynique à ce point ? Connais-je ce pays sur le bout des doigts ? Certainement pas. Alors je me suis demandée : pourquoi maintenant alors que le fait est loin d’être isolé ? Pourquoi les médias se polarisent-ils sur la victimisation des jeunes filles sans établir de lien avec le contexte géopolitique du pays ? Retour sur quelques faits.
Boko Haram, groupe auteur du rapt basé dans le nord-est du pays, le nord du Cameroun et le Niger, entend établir un État islamique régi par la charia. Il est présent sur le territoire nigérian depuis 2002 et son nom, « l’éducation occidentale est un péché », oriente ses actes de violence contre le gouvernement en place et contre ce qui symbolise à ses yeux l’Occident : les écoles, et leur accès par les filles. Ces violences se sont intensifiées depuis 2009[1]. Les enlèvements sont devenus courants depuis 2012, les jeunes filles sont obligées de se convertir à l’islam, d’épouser leurs membres ou d’affronter la mort. Elles sont violées, forcées à participer aux agressions, à porter les munitions et à attaquer des hôpitaux, voire à tuer. Sans compter l’expansion des cas d’esclavagisme, de trafic prostitutionnel en direction de l’Europe et en particulier de la France, ce qui représente un marché fructueux[2].
Boko Haram n’est pas le seul groupe « rebelle » sur le territoire. Le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (Movement for the Emancipation of the Niger Delta – MEND), moins religieux, est connu pour son choix de lutter contre l’exploitation et l’oppression des peuples du delta du Niger en organisant des attaques contres les installations pétrolières[3], ce qui prive le gouvernement nigérian d’une manne financière importante. En effet, ancienne colonie britannique, le Nigeria compte, en 2014, 177 millions d’habitants, ce qui le place aux rangs de pays le plus peuplé d’Afrique et 7e pays le plus peuplé au monde. Grâce à ses ressources pétrolières et cette importante population, le Nigeria se trouve être la première puissance économique du continent africain, devant l’Afrique du Sud. Il produit trois millions de barils de pétrole par jour. 5e producteur de l’OPEP, 1er du continent africain et 10e au niveau mondial, il représente le 6e pays exportateur de pétrole. L’entreprise exploitante majoritaire (40%) est l’américaine Shell. Paradoxalement, comme ce pays ne possède pas de raffineries, il doit importer son carburant d’Europe et des États-Unis. Par ailleurs, au bout de 30 ans d’exploitation, le pays est 30% plus pauvre qu’il ne l’était avant la découverte de l’or noir sur son territoire. Eva Joly explique facilement cette situation improbable : « ils ont été pillés »[4]. Selon la juge, les fonds ont été détournés du territoire – à hauteur d’environ 10 milliards de dollars par an –, ils sont en Europe, et en particulier en France, en Angleterre, en Suisse. Le gouvernement est effectivement corrompu, n’a pas de constitution pour faire respecter les règles de droit si bien que l’équipe au pouvoir, n’ayant pour ambition que d’enrichir chacune de ses familles, vend la richesse produite par le pétrole à l’étranger à des fins personnelles. De l’autre côté, en Occident, les poursuites contre les dirigeants nigérians ont été classées.
J’ai alors mieux compris pourquoi le 17 mai dernier, le Président français prenait l’initiative d’organiser à Paris un sommet réunissant les chefs d’État du Nigeria, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Bénin. Ces six hommes ont adopté un plan d’action régional prévoyant « la coordination du renseignement, l’échange d’informations, le pilotage central des moyens, la surveillance des frontières, une présence militaire autour du lac Tchad et une capacité d’intervention en cas de danger ». J’ai aussitôt mis en doute la thèse officielle qui nous a été mise en pâture : la « lutte contre le groupe islamiste armé nigérian Boko Haram, “une menace majeure” en Afrique »[5]. J’ai définitivement privilégié celle d’une véritable opération de sauvetage financier. L’heure est plus certainement à la garde rapprochée du président en exercice, garant du pipeline juteux de l’argent du pétrole. Loin, très loin derrière dans la liste des préoccupations de nos dirigeants français, les jeunes esclaves nigérianes doivent compter les points en regardant passer au-dessus de leurs têtes les Rafales de Dassault.
Boko Haram, groupe auteur du rapt basé dans le nord-est du pays, le nord du Cameroun et le Niger, entend établir un État islamique régi par la charia. Il est présent sur le territoire nigérian depuis 2002 et son nom, « l’éducation occidentale est un péché », oriente ses actes de violence contre le gouvernement en place et contre ce qui symbolise à ses yeux l’Occident : les écoles, et leur accès par les filles. Ces violences se sont intensifiées depuis 2009[1]. Les enlèvements sont devenus courants depuis 2012, les jeunes filles sont obligées de se convertir à l’islam, d’épouser leurs membres ou d’affronter la mort. Elles sont violées, forcées à participer aux agressions, à porter les munitions et à attaquer des hôpitaux, voire à tuer. Sans compter l’expansion des cas d’esclavagisme, de trafic prostitutionnel en direction de l’Europe et en particulier de la France, ce qui représente un marché fructueux[2].
Boko Haram n’est pas le seul groupe « rebelle » sur le territoire. Le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (Movement for the Emancipation of the Niger Delta – MEND), moins religieux, est connu pour son choix de lutter contre l’exploitation et l’oppression des peuples du delta du Niger en organisant des attaques contres les installations pétrolières[3], ce qui prive le gouvernement nigérian d’une manne financière importante. En effet, ancienne colonie britannique, le Nigeria compte, en 2014, 177 millions d’habitants, ce qui le place aux rangs de pays le plus peuplé d’Afrique et 7e pays le plus peuplé au monde. Grâce à ses ressources pétrolières et cette importante population, le Nigeria se trouve être la première puissance économique du continent africain, devant l’Afrique du Sud. Il produit trois millions de barils de pétrole par jour. 5e producteur de l’OPEP, 1er du continent africain et 10e au niveau mondial, il représente le 6e pays exportateur de pétrole. L’entreprise exploitante majoritaire (40%) est l’américaine Shell. Paradoxalement, comme ce pays ne possède pas de raffineries, il doit importer son carburant d’Europe et des États-Unis. Par ailleurs, au bout de 30 ans d’exploitation, le pays est 30% plus pauvre qu’il ne l’était avant la découverte de l’or noir sur son territoire. Eva Joly explique facilement cette situation improbable : « ils ont été pillés »[4]. Selon la juge, les fonds ont été détournés du territoire – à hauteur d’environ 10 milliards de dollars par an –, ils sont en Europe, et en particulier en France, en Angleterre, en Suisse. Le gouvernement est effectivement corrompu, n’a pas de constitution pour faire respecter les règles de droit si bien que l’équipe au pouvoir, n’ayant pour ambition que d’enrichir chacune de ses familles, vend la richesse produite par le pétrole à l’étranger à des fins personnelles. De l’autre côté, en Occident, les poursuites contre les dirigeants nigérians ont été classées.
J’ai alors mieux compris pourquoi le 17 mai dernier, le Président français prenait l’initiative d’organiser à Paris un sommet réunissant les chefs d’État du Nigeria, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Bénin. Ces six hommes ont adopté un plan d’action régional prévoyant « la coordination du renseignement, l’échange d’informations, le pilotage central des moyens, la surveillance des frontières, une présence militaire autour du lac Tchad et une capacité d’intervention en cas de danger ». J’ai aussitôt mis en doute la thèse officielle qui nous a été mise en pâture : la « lutte contre le groupe islamiste armé nigérian Boko Haram, “une menace majeure” en Afrique »[5]. J’ai définitivement privilégié celle d’une véritable opération de sauvetage financier. L’heure est plus certainement à la garde rapprochée du président en exercice, garant du pipeline juteux de l’argent du pétrole. Loin, très loin derrière dans la liste des préoccupations de nos dirigeants français, les jeunes esclaves nigérianes doivent compter les points en regardant passer au-dessus de leurs têtes les Rafales de Dassault.
Joelle Palmieri
23 mai 2014
[1] "Nigeria school attack claims 42 lives"; "Nigeria College Attacked: At Least 40 Killed"; "Maiduguri Blast Update: 31 dead, 50 injured, as angry youth attack ex-governor’s property, supporters"; "Nigeria’s Boko Haram ‘in village massacre’"; "Nigeria school attack: Fury at military over Yobe deaths".
[2] http://www.leparisien.fr/faits-divers/prostitution-le-spectaculaire-boom-des-reseaux-nigerians-07-07-2012-2081271.php;
[3] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/05/23/la-guerre-du-petrole-a-commence-au-nigeria_1197065_3212.html
[4] Eva Joly, intervention du 8 juin 2008 lors de la Convention sur l’Europe, http://www.dailymotion.com/video/x5q7h5_eva-joly-intervention-08-06-2008_news
[5] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/05/17/paris-a-la-man-uvre-un-mois-apres-l-enlevement-des-lyceennes-par-boko-haram_4420416_3212.html
[2] http://www.leparisien.fr/faits-divers/prostitution-le-spectaculaire-boom-des-reseaux-nigerians-07-07-2012-2081271.php;
[3] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/05/23/la-guerre-du-petrole-a-commence-au-nigeria_1197065_3212.html
[4] Eva Joly, intervention du 8 juin 2008 lors de la Convention sur l’Europe, http://www.dailymotion.com/video/x5q7h5_eva-joly-intervention-08-06-2008_news
[5] http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/05/17/paris-a-la-man-uvre-un-mois-apres-l-enlevement-des-lyceennes-par-boko-haram_4420416_3212.html
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