Occuper une usine, bloquer un terminal pétrolier, contester et s’opposer à une loi, tout cela est archaïque, c’est le passé. Il est assez sidérant de voir cette rhétorique resurgir à chaque conflit social, dénigrer l’opposition, lui donner un relent de préhistoire en s’adjugeant le bénéfice de la modernité et du progrès, peaux de bête contre costumes de responsables politiques en marche, la cire des parquets contre la fumée des pneus en flamme.
Ce qui est moderne, donc, c’est d’accepter, de plier les genoux, les gaules et l’échine. Résister est devenu archaïque, espérer qu’une lutte fera reculer une loi dont les quelques petites avancées cachent mal les énormes cadeaux qu’elle fait au patronat libéral, c’est archaïque. Le patronat, lui, n’est pas archaïque, ses augmentations de salaires sans un gramme de décence et de morale, c’est moderne, ce chantage à l’emploi, c’est moderne, les délocalisations, c’est moderne, l’absence de parité hommes-femmes aux conseils d’administration, c’est moderne, le travail au noir dans le bâtiment, c’est moderne, cette volonté quasi pavlovienne de vouloir baisser les salaires, augmenter les cadences, la pro-ductivité horaire, la précarisation du travailleur, la surveillance et la traçabilité des faits et gestes des salariés au sein de l’entreprise, c’est moderne, la fragilisation de la femme devenue mère, c’est moderne, la discrimination à l’emploi, c’est moderne, les 110 milliards d’aides que perçoivent chaque année les entreprises en France sont également une belle preuve de modernité, chercher par tous les moyens possibles à échapper à l’impôt, c’est moderne, opposer la fonction publique au secteur privé, c’est moderne, fustiger le systèmede l’intermittence, c’est moderne.
Bien sûr, pardonnez-nous, mais on ne changera pas, on ne lâche rien, c’est ça qui est pénible avec les archaïques, ils cultivent un idéal et ils pourraient donner leur vie pour ça. C’est fou, non ?
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