Tlaxcala, le 4 Août 2011 par Ury Avnery
Uri Avnery אורי אבנרי | ||
Traduit par SW/AFPS | ||
Edité par Fausto Giudiceفاوستو جيوديشي |
Le ministre nazi de la Propagande, le Dr Joseph Goebbels, appelle son patron, Adolf Hitler, par enfer-phone. “Mein Führer” s’exclame-t-il tout excité. “Des nouvelles du monde. Il semble que nous étions finalement sur la bonne voie. L’antisémitisme est en train de conquérir l’Europe !” “Bon !” dit le Fürher, “Ce sera la fin des Juifs !” “Hum...hé bien... pas exactement, mein Führer. Il semble que nous avions choisi les mauvais Sémites. Nos héritiers, les nouveaux nazis, sont en train d’annihiler les Arabes et tous les autres musulmans en Europe.” Puis, avec un petit rire : “Après tout, il y a beaucoup plus de musulmans que de juifs à exterminer.”
“Mais qu’en est-il des juifs ?” insiste Hitler.
“Vous ne le croirez pas : les nouveaux nazis aiment Israël, l’État juif, et Israël les aime !”
“Mais qu’en est-il des juifs ?” insiste Hitler.
“Vous ne le croirez pas : les nouveaux nazis aiment Israël, l’État juif, et Israël les aime !”
LES atrocités commises cette semaine par le néo-nazi norvégien sont-elles un épisode isolé ? Les extrémistes de droite de toute l’Europe et des USA clament déjà à l’unisson : “Il n’est pas des nôtres ! Ce n’est qu’un individu isolé à l’esprit dérangé ! Il y a des fous partout ! Vous ne pouvez pas condamner l’ensemble d’un camp politique pour les actes d’une seule personne !”
Air familier. Où avons-nous entendu cela auparavant ?
Bien sûr, après l’assassinat de Yitzhak Rabin.
Il n’y a aucun rapport entre le meurtre de masse d’Oslo et l’assassinat à Tel-Aviv. Ou y en aurait-il un ?
Juan Kalvellido, Tlaxcala
Pendant les mois conduisant au meurtre de Rabin, une campagne grandissante de haine fut orchestrée contre lui. Presque tous les groupes de droite israéliens rivalisaient entre eux pour voir lequel le diaboliserait le plus efficacement.
Dans une manifestation, une photo truquée de Rabin en uniforme d’officier SS fut exhibée le long du cortège. On put voir sur le balcon surplombant la manifestation, Benjamin Netanyahou qui applaudissait frénétiquement, pendant qu’un cercueil marqué “Rabbin” défilait en bas. Des groupes religieux jouaient une cérémonie kabbalistique médiévale dans laquelle Rabin était condamné à mort. Des grands rabbins prirent part à la campagne. Aucune voix de droite ou religieuse ne fit entendre de mise en garde.
Le meurtre lui-même fut commis par un seul individu, Yigal Amir, un ancien colon, étudiant d’un université religieuse. On affirme généralement qu’avant les faits il était en consultation avec au moins un grand rabbin. Comme Anders Behring Breivik, le meurtrier d’Oslo, il avait soigneusement préparé son acte, longtemps, et l’avait exécuté de sang-froid. Il n’avait aucun complice.
OU BIEN EN avait-il ? Ses complices n’étaient-ils pas tous les incitateurs ? La responsabilité ne repose-t-elle pas chez tous les démagogues sans vergogne, comme Netanyahou, qui espérait accéder au pouvoir sur la vague de haine, de peurs et de préjugés ?
Comme cela s’est avéré, leurs calculs furent confirmés. Moins d’un an après l’assassinat, Netanyahou arriva effectivement au pouvoir. Aujourd’hui la droite gouverne Israël, devenant plus radicale d’année en année, et, dernièrement, il semble que ce soit de semaine en semaine. Des personnages franchement fascistes jouent maintenant des rôles moteur à la Knesset.
Tout ceci est le résultat de trois coups portés par un fanatique isolé, pour lequel les mots de démagogues cyniques étaient mortellement sérieux.
La dernière proposition de nos fascistes, exprimée directement de la bouche d’Avigdor Liberman, est d’abroger la réalisation suprême de Rabin : les accords d’Oslo. Ainsi, nous revenons à Oslo.
Josetxo Ezcurra, Tlaxcala
QUAND j’ai entendu pour la première fois les nouvelles sur l’attentat d’Oslo, j’ai eu peur que les auteurs puissent être des musulmans fous. Les répercussions auraient été terribles. En effet, en quelques minutes, un groupe musulman stupide se vantait déjà d’avoir perpétré ce glorieux exploit. Heureusement, le vrai meurtrier de masse s’est rendu sur la scène du crime.
Il est le prototype d’un antisémite nazi de la nouvelle vague. Son credo se compose de : suprématie blanche, fondamentalisme chrétien, haine de la démocratie et chauvinisme européen, mêlé à une haine virulente des musulmans.
Ce credo est maintenant en train de produire des ramifications dans toute l’Europe. De petits groupes radicaux d’extrême-droite sont en train de se transformer en partis politiques dynamiques, qui obtiennent des sièges dans les parlements et même deviennent des faiseurs les rois ici et là. Des pays qui sont toujours apparus comme des modèles de santé mentale politique produisent soudain des agitateurs fascistes de la pire espèce, même pires que le Tea Party US, un autre produit de ce nouveau Zeitgeist (esprit de l’époque). Avigdor Liberman est notre contribution à cette illustre ligue universelle.
Une chose que presque tous les groupes d’extrême-droite européens et US ont en commun est leur admiration pour Israël. Dans son manifeste politique de 1500 pages, sur lequel il a travaillé très longtemps, le meurtrier d’Oslo lui a consacré une section entière. Il propose une alliance de l’extrême-droite européenne avec Israël. Pour lui, Israël est un avant-poste de la civilisation occidentale dans la guerre à mort contre l’islam barbare. (un peu comme la promesse de Theodor Herzl que le futur Etat juif serait un “avant-poste de la culture occidentale contre la barbarie asiatique” ?)
Une partie du philo-sionisme professé par ces groupes islamophobes est, bien sûr, une simple simulation destinée à déguiser leur caractère néo-nazi. Si vous aimez les Juifs, ou l’État juif, vous ne pouvez-pas être un vrai fasciste, n’est-ce pas ? Vous pariez que vous pouvez ! Cependant, je crois que la majeure partie de cette adoration d’Israël est totalement sincère.
Les Israéliens de droite, qui sont courtisés par ces groupes, disent que ce n’est pas de leur faute si tous ces marchands de haine sont attirés par eux. D’un côté, c’est bien sûr vrai. Mais on ne peut pas ne pas se demander : pourquoi sont-ils si attirés ? Dans quoi réside cet attrait ? Cela ne justifie-t-il pas une sérieuse introspection ?
J’AI ÉTÉ LA PREMIÈRE FOIS conscient de la gravité de la situation quand un ami a attiré mon attention sur des blogs allemands anti-islamiques.
J’ai été choqué au plus profond de moi-même. Ces effusions sont presque des copies conformes des diatribes de Joseph Goebbels. Les même slogans d’incitation. Les mêmes basses allégations. La même diabolisation. Avec une petite différence : au lieu des Juifs, cette fois ce sont les Arabes qui menacent la civilisation occidentale, en séduisent des jeunes filles chrétiennes, en complotant pour dominer le monde. Les Protocoles des Sages de La Mecque.
Le lendemain des événements d’Oslo, je me suis trouvé à regarder la chaîne de télévision Al Jazeera en anglais, une des meilleures du monde, et j’ai vu un programme intéressant. Pendant tout une heure, le reporter interrogeait des Italiens dans la rue sur les musulmans. Les réponses étaient atterrantes.
Les mosquées devraient être interdites. Il y a des endroits où les musulmans complotent pour commettre des crimes. En fait, ils n’ont pas besoin de mosquées du tout – Ils ont seulement besoin d’un petit tapis pour prier. Les musulmans viennent en Italie pour détruire la culture italienne. Ils sont des parasites, ils répandent la drogue, le crime et la maladie. Ils doivent être jetés dehors, jusqu’au dernier homme, femme et enfant.
J’ai toujours considéré les Italiens comme des gens accommodants, aimables. Même pendant l’Holocauste ils se comportèrent mieux que la plupart des autres peuples européens. Benito Mussolini n’est devenu un antisémite enragé que dans les dernières étapes, quand il était devenu totalement dépendant d’Hitler.
Pourtant, nous voici, à peine 66 ans après que les partisans italiens ont pendu le corps de Mussolini par les pieds, dans un lieu public à Milan, et une forme beaucoup plus grave de l’antisémitisme sévit dans les rues d’Italie, comme dans la plupart (ou dans « beaucoup » ? ) d’autres pays européens.
BIEN SÛR, il y a un problème réel, les musulmans ne sont pas exempts de responsabilité dans la situation. Leur propre comportement en fait des cibles faciles. Comme les Juifs en leur temps.
L’Europe est dans un dilemme. Elle a besoin d’”étrangers”, musulmans et autres, pour travailler pour elle, faire fonctionner son économie, payer les retraites des vieux. Si tous les musulmans quittaient l’Europe demain matin, le tissu social en Allemagne, en France, en Italie et dans beaucoup d’autres pays s’effondrerait.
Pourtant beaucoup d’Européens sont déstabilisés quand ils voient ces “étrangers”, avec leurs langues étranges, leurs manies et leurs vêtements qui remplissent leurs rues, changent le caractère de nombreux quartiers, ouvrent des boutiques, épousent leurs filles, leur font concurrence dans beaucoup de domaines. Cela choque. Comme un ministre allemand l’a dit une fois : “Nous avons fait venir ici des travailleurs, et avons découvert que nous avions fait venir des êtres humains !” [Cette phrase est de l'écrivain suisse Max Frisch, Note de Tlaxcala]
On peut dans une certaine mesure comprendre ces Européens. L’immigration cause de réels problèmes. La migration du Sud pauvre vers le Nord riche est un phénomène du XXIème siècle, résultant de la criante inégalité entre les nations. Il faut une politique d’immigration de toute l’Europe, un dialogue avec les minorités sur le thème de l’intégration ou du multiculturalisme. Cela nest pas facile.
Mais ce raz-de-marée d’islamophobie va bien au-delà. Comme un tsunami, il peut aboutir à un désastre.
BEAUCOUP DE partis et de groupes islamophobes renvoient à l’atmosphère de l’Allemagne du début des années 1920, quand les groupes et milices “völkisch” répandaient leur poison de haine, et qu’un espion de l’armée appelé Adolf Hitler gagnait ses premiers lauriers comme orateur antisémite. Ils apparaissaient comme insignifiants, marginaux, fous. Beaucoup de gens riaient de cet homme, Hitler, le clown moustachu chaplinesque.
Mais le putsch avorté de 1923 fut suivi par 1933, quand les nazis prirent le pouvoir, et 1939, quand Hitler lança la Deuxième Guerre Mondiale, et 1942, quand les chambres à gaz furent mises en activité.
Ce sont les débuts qui sont cruciaux, quand les opportunistes politiques réalisent qu’engendrer la peur et la haine est la voie la plus facile vers la fortune et le pouvoir, quand des désadaptés deviennent des fanatiques nationalistes et religieux, quand attaquer les minorités sans défense devient acceptable comme politique légitime, quand les petits hommes drôles se transforment en monstres.
Est-ce le Dr Goebbels que j’entends rire en enfer ?
Merci à Association France Palestine Solidarité
Source: http://zope.gush-shalom.org/home/en/channels/avnery/1311959069/
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