par Olivier Cabanel | 26 juillet 2011
On le sait, depuis le premier jour de la catastrophe de Fukushima, les trois cœurs des réacteurs ont fondu, formant le corium, agglomérat de combustible nucléaire, et d’éléments d’assemblage.
On sait qu’il atteint de très hautes températures (~3000 °C) et peut faire fondre la plupart des matériaux. lien
On sait aussi que les cuves des réacteurs sont devenues des passoires, et que le corium s’est déjà attaqué à l’épaisse dalle de béton de 8 mètres d’épaisseur.
Logiquement cela ne devrait pas empêcher sa progression en direction du sol, une fois passé l’obstacle du béton, et le faire rencontrer à un moment à un autre, la nappe phréatique.
A ce moment, il y aura une explosion chimique avec un important dégagement de matières radioactives dans l’atmosphère.
Dans cette vidéo, on peut découvrir le processus de la formation du corium.
Selon Hiroaki Koide de l’Université de Kyoto « la situation de la centrale de Fukushima est désespérée (…) il y a à peu près cent tonnes de corium. Les cuves de pressurisation et les métaux utilisés pour l’enceinte du bâtiment fondent à 1500 °. Il est donc probable que le corium soit tombé au fond des cuves, qu’une partie ait attaqué le sol et qu’une partie se soit mélangée avec l’eau contaminée, entraînant la fonte des murs ». lien
Il pense qu’il aurait fallu depuis longtemps construire une enceinte souterraine autour de la centrale afin de protéger les nappes phréatiques du corium et des sols contaminés, mais c’est manifestement bien trop tard.
Alors bien sur, le service de communication de Tepco affirme « les plans sont en cours d’élaboration. Tepco prévoit de construire une enceinte afin de protéger les nappes phréatiques des infiltrations contaminées », mais quelle crédibilité peut-on donner encore à Tepco, toujours dans la dissimulation ou la manipulation ?
Si l’on observe cette vidéo, (à partir de 1’ 30 ‘’) prise le 19 juillet dernier, cette soudaine importante fumée qui se dégage de la centrale pourrait indiquer que le corium est bel et bien en contact avec l’eau souterraine.
Un autre problème vient de surgir, celui de « pluies noires ».
C’est l’expert nucléaire Arnie Gundersen, qui nous explique que celle-ci, radioactive et chaude, est responsable de l’importante pollution des sols et des cultures, bien au-delà de la zone d’exclusion, ce qui explique le problème que connaissent maintenant les bœufs japonais.
Il y en a eu pour l’instant 130 de contaminés, et ça ne devrait s’arrêter là, car la paille de riz qui sert à nourrir les bovins est elle-aussi contaminée à 500 000 bq/k de césium radioactif, et qu’elle provient d’une zone se trouvant a 72 km de la centrale. lien
Il y a donc bien contamination de la chaîne alimentaire.
Il évoque le témoignage de quelques uns de ses amis biologistes, qui ayant travaillé sur le dossier Tchernobyl, se sont rendus au Japon pour y analyser la situation. « Ils ont bien vu que les choses allaient mal tourner (…) ils ont dit que la situation était très mauvaise. A vrai dire ce sont des scientifiques endurcis qui sont habitués à traiter avec la radioactivité et ils croient que les conditions sont bien pires que ce qu’ils avaient pensé ».
Comme le dit Gundersen, au lieu de minimiser le tragique de la situation, le gouvernement japonais serait bien inspiré de minimiser plutôt leur exposition aux radiations.
Comme on s’en doute, jour après jour depuis bientôt 5 mois, la centrale continue à rejeter des quantités considérables de radioactivité ainsi que le prouve ce lien.
On sait maintenant que la pollution radioactive de Fukushima a largement dépassé la zone d’exclusion : à 88 km au sud de la centrale, près d’Hitachi, des retombées en césium ont été mesurées à plus de 50 000 Bq/m2 et à 160 km au sud-sud-ouest de la centrale, à Ishioka, les retombées en césium sont de plus de 48 000 Bq/m2. lien
De nombreux citoyens alarmés par ces informations se sont dotés de compteurs afin de mesurer eux même la radioactivité.
Sur ce lien, on peut suivre la déambulation de l’un d’eux dans une ville située à 220 km de Fukushima, le 7 juin dernier, au moment où il découvre sur le sol 5,58 µSv. lien
A Tokyo, 32 millions de japonais vivent sans se douter pour certains que le taux de radioactivité en progression a été mesuré à 1,36 µSv/h. lien
Au sujet de la « décontamination » de l’eau radioactive, il y a un décalage important entre les promesses et la réalité puisque le procédé « miraculeux » d’Areva semble ne fonctionner que sur la base de 35 h par semaine, et que le 24 juillet la machine a été totalement mise hors service pendant 7 h. lien
Pour toutes ces raisons, le « projet 47 » est en train de se mettre en place : avec l’aide de la CRIIRAD, et de nombreuses associations locales, Wataru Iwata va pouvoir mesurer gratuitement la radioactivité dans les zones polluées. lien
Rama C. Hoetzlein nous propose une animation étonnante montrant ponctuellement tous les points irradiés au Japon au mois mars 2011. lien
Il n’y a plus que 17 réacteurs nucléaires sur 54 qui fonctionnent encore et les japonais, hostiles maintenant à 70% à cette énergie dangereuse réclament une zone d’exclusion élargie, et demandent des comptes. lien
Dans cette vidéo, des citoyens japonais s’adressent à Akira Sato, directeur du département des urgences nucléaires locales, n’obtenant comme seule réaction qu’une magnifique « langue de bois ».
Extraits :
« Ne pensez vous pas que les gens de Fukushima, comme les autres gens, ont le droit de s’échapper pour ne pas être exposées à la radioactivité ? »
Réponse :
« Le gouvernement essaye de réduire le taux d’exposition autant que possible »
-Vous ne répondez pas à la question !
-Comme cela, vous dites qu’ils n’auraient pas ce droit ?
-Ils ont bien ce droit, n’est-ce pas ? »
Réponse :
« Je ne sais pas s’ils ont ce droit » (…)
-Alors vous aussi, vous-même, vous pensez que vous n’avez pas le droit de vivre une vie en bonne santé ?
-Répondez-moi ! (…)
-Vous voulez dire qu’il existe une différence de standard d’exposition à la radioactivité pour la préfecture de Fukushima, et pour les autres préfectures ? »
Réponse
« Ce que je dis c’est que le gouvernement a essayé de réduire autant que possible le taux d’exposition ».
«Vous n’avez pas répondu à la question» Etc.
Devant l’assaut de questions sans réponse, Akira Sato, finira par s’enfuir lâchement poursuivi par un citoyen qui lui demande en vain d’analyser un flacon d’urine.
Alors maintenant le gouvernement Japonais vient de promulguer une loi qui censurera sur Internet les mauvaises nouvelles provenant de Fukushima. lien
Mais supprimer le thermomètre n’empêchera pas la température de monter.
Du côté de l’OMS, (organisation mondiale de la santé) c’est aussi la loi du silence.
Comme l’explique Christophe Elain, membre du collectif «independentwho» sur l’antenne de TV5 monde: «l’OMS ne peut prendre aucune initiative concernant la santé et le nucléaire, et toutes les informations qui pourraient nuire au développement du nucléaire sont passées sous silence (…) toute sorte de décision qui pourraient être prise par l’OMS ou l’AIEA (agence internationale à l’énergie atomique) doivent être prises d’un commun accord (…) et l’AIEA a une possibilité de véto sur d’éventuelles déclarations de l’OMS ». lien
En effet, l’Aiea s’occupe la promotion des activités nucléaires civiles et l’OMS qui est normalement en charge de la santé publique a signé avec l’Aiea, dès 1959 un accord qui dispose que les deux agences « agiront en coopération étroite et se consulteront régulièrement ». lien
Et puis, comme chacun s’en doute, le Japon n’est pas le seul touché par la catastrophe : depuis Tchernobyl on sait qu’une frontière n’arrête pas la pollution.
Dans la région de Princeton, au Canada, des taux importants ont été mesurés comme le prouve cette vidéo où on découvre des niveaux allant jusqu’à 0,79 mcSv/h.
Le Physicien Chris Busby expert en nucléaire, affirme que les conséquences de la catastrophe de Fukushima ont été largement sous-évaluées, en terme de santé : il estime que dans les 50 prochaines années, il y aura 200 000 cas de cancer de plus au Japon, et que les retombées de l’accident dépasseront largement celles de Tchernobyl. lien
Jeremy Rifkin l’a compris : le nucléaire est mort, il est urgent de tourner la page et il est essentiel d’écouter ses arguments imparables, parce qu’il fait vraiment le tour de la question (lien) et pourtant le gouvernement Japonais devrait rester insensible à la jolie chanson anti-nucléaire de ces collégiennes japonaises. lien
Car comme dit souvent mon vieil ami africain : « si tu vis dans la peur, tu ne vis qu’à moitié »
L’image illustrant l’article provient de forum-rpcirkus.com
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