Observatoire du nucléaire - Communiqué du lundi 14 janvier 2013
Une guerre au Mali et de l'uranium au Niger :
des islamistes très utiles au pouvoir français
Le 11 janvier 2013,
l'armée française est intervenue au Mali à la suite de mouvements, vers Bamako, de
groupes armés islamistes. Depuis des mois, ces derniers tiennent tout le nord du Mali et
se seraient enhardis au point, nous dit-on, de vouloir occuper l'ensemble du pays.
Personne ne niera que
ces groupes soient composés d'horribles individus qui, sous prétexte de convictions
"religieuses", battent toute personne dont le comportement ne leur plait pas,
coupent les mains des voleurs (réels ou supposés), exécutent- en particulier des femmes
- pour des broutilles ou même pour rien.
Pour autant, de
la même façon qu'au moment de l'intervention militaire contre Kadhafi en Libye,
il est insupportable de se retrouver sommé de soutenir une intervention militaire
déployée… par ceux qui sont largement responsables de la gravité de la situation.
Qui plus est, qui
peut vraiment croire qu'il s'agit d'une opération "pour la démocratie au Mali"
? Cela fait des décennies qu'elle est bafouée dans ce pays par des régimes
corrompus… largement soutenus par la France. Alors, pourquoi cette
subite urgence "démocratique" ?
De même, qui croira
qu'il s'agit de "sécuriser la région" ? En réalité, il s'agit de
sécuriser l'approvisionnement des centrales françaises en uranium : ce dernier
est extrait dans les mines du nord du Niger, zone désertique seulement séparée du
Mali… par une ligne sur les cartes géographiques.
A ce propos, on
soulignera l'extrême perversité des ex-puissances coloniales qui ont jadis tracé des
frontières absurdes, faisant fi de l'implantation des populations, et créant
des pays aux contours bien curieux : le Niger et le Mali sont tous les deux en forme de
sablier, une partie sud-ouest contenant la capitale, totalement excentrée et éloignée
d'une immense partie nord-est, principalement désertique.
C'est ainsi que,
pendant 40 ans, Areva (auparavant la Cogéma) a pu s'accaparer en toute
tranquillité l'uranium nigérien dans ces mines situées à 500 kilomètres de
la capitale et du fragile "pouvoir" politique nigérien.
Ces dernières années,
des groupes armés se sont organisés dans cette région : des Touaregs, dépités d'être
méprisés, déplacés, spoliés. Et des groupes plus ou moins islamistes, certains issus
des anciens GIA qui ont semé la terreur en Algérie, d'autres contrôlés par Kadhafi, et
autonomisés suite à la disparition de ce dernier.
Des salariés d'Areva,
cadres dans les sociétés d'extraction de l'uranium, ont été enlevés en septembre 2010
au Niger, transférés au Mali et retenus depuis. Puis, le 7 janvier 2011, deux jeunes
français ont à leur tour été enlevés au Niger.
L'Observatoire du
nucléaire a été une des rares voix à dénoncer (*) l'opération militaire
immédiatement lancée par les autorités françaises. Ces dernières avaient en effet, de
toute évidence, décidé de châtier coûte que coûte les preneurs d'otages, quitte
à ce que cela se termine dramatiquement pour les deux jeunes otages… qui ont
effectivement été tués dans l'opération.
Ces deux jeunes ne
travaillaient pas pour l'extraction de l'uranium mais, c'est évident, l'idée était de
décourager d'éventuelles prochaines actions contre des salariés d'Areva.
Depuis, les mouvements
Touaregs laïques et progressistes ont été marginalisés, en particulier par la montée
en force du groupe salafiste Ansar Dine. Puissant et lourdement armé, ce dernier s'est
allié à AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique), faisant courir un risque de plus en plus
évident pour les activités françaises d'extraction de l'uranium au nord du Niger.
La France a
soutenu avec la plus grande constance les gouvernements corrompus qui se sont succédé au
Mali, aboutissant à un délitement total de l'État. C'est probablement cet
effondrement qui a amené les groupes islamistes à s'enhardir et à avancer vers Bamako.
De même, la
France a maintenu depuis 40 ans le pouvoir du Niger dans un état de faiblesse et de
dépendance par rapport à l'ancienne puissance coloniale et son entreprise
d'extraction de l'uranium, la Cogéma devenue Areva. Alors que les dirigeants nigériens
essaient tant bien que mal de contrôler ce que fait Areva, la France reprend totalement
la main avec son intervention militaire.
Les récents mouvements
des groupes islamistes n'ont en effet fait que précipiter l'intervention
militaire française qui était en préparation. Il s'agit indéniablement un
coup de force néocolonial, même si les formes ont été mises avec un opportun appel à
l'aide du Président par intérim du Mali, dont la légitimité est nulle puisqu'il est en
place suite à un coup d'État qui a eu lieu 22 mars 2012.
Précisons à nouveau
que nous n'accordons pas le moindre crédit aux dangereux fondamentalistes qui sont aussi
des trafiquants de drogue et d'armes et n'hésitent pas à blesser et tuer.
Par contre, nous
refusons la fable de l'intervention militaire "pour la démocratie". Ce
prétexte a déjà beaucoup servi, en particulier lorsque les USA ont voulu mettre la main
sur des réserves pétrolières, et le voilà encore de mise parce que la France
veut assurer l'approvisionnement en uranium de ses réacteurs nucléaires. Notons
d'ailleurs que, à 27 000 euros l'heure de vol d'un Rafale, le tarif réel du courant
d'origine nucléaire est encore plus lourd que ce que l'on pouvait craindre...
En conclusion, il est
une nouvelle fois démontré que l'atome, et la raison d'Etat qui l'entoure, ne nuit pas
seulement à l'environnement et aux êtres vivants mais aussi à la démocratie.
Stéphane Lhomme
Directeur de l'Observatoire du nucléaire
Directeur de l'Observatoire du nucléaire
Note de alter du Lot: lire également, Un document confidentiel exceptionnel montre
l'emprise d'Areva sur le Niger et confirme les
accusations de l'Observatoire du nucléaire.
l'emprise d'Areva sur le Niger et confirme les
accusations de l'Observatoire du nucléaire.
Source image, info-Afrique
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