EUX ET NOUS.
I. - Les (dé)raisons d’en haut.
II - La Machine en presque deux feuillets.
III - Les Contremaîtres.
IV - Les douleurs d’en bas
V - La Sexta
- - - PS à la Sexta,
VI - Les regards, 1.
- Les regards. 2 .
- Les regards. 3 .
- Les regards. 4.
- Les regards. 5.
- Les regards 6.
VII - Les plus petit•e•s
- Les plus petit.e.s 1.
- Les plus petit•e•s 2
- Les plus petit•e•s 3
- Les plus petit.e.s 4
- Les plus petit.e.s 5
- Les plus petit.e.s 6
- Les plus petit.e.s 7 (dernier)
DESOBEISSANCE CIVILE | jeudi 24 janvier 2013
II - La Machine en presque deux feuillets.
Pasamontanas |
« Le passe-montagne est ce qui a permis de rendre visible ceux que
l'on avait rendu invisibles : les Indiens mexicains »
Par le Sous-commandant Marcos, janvier 2013
Ainsi parle le vendeur :
« Elle est merveilleuse, « super cool », pour bien me faire comprendre. Elle s’appelle « globalisation néolibérale version 6.6.6. », mais nous préférons l’appeler « la sauvage » ou « la bête ». Oui, un sobriquet agressif, d’initiative très grrr. Oui, ça, je l’ai appris au cours de dépassement personnel « Comment vendre un cauchemar »... mais revenons à la machine. Son fonctionnement est très simple. Elle est autosuffisante (ou « soutenable », comme on dit maintenant). Elle produit, alors là, des profits exorbitants... Quoi ? Investir une partie de ces profits pour atténuer la faim, le chômage, le manque d’éducation ? Mais c’est justement ces carences qui la font marcher aussi bien ! Pas mal, hein ? Une machine qui produit en même temps le combustible dont elle a besoin pour marcher : la misère et le chômage.
Bien sûr, elle produit aussi des marchandises, mais pas
seulement. Tenez : supposons qu’on produise quelque chose de
parfaitement inutile, dont personne n’a besoin, sans marché, donc. Eh
bien non seulement cette merveille produit l’inutile, mais elle crée
aussi le marché où cette inutilité se transforme en un article de
première nécessité.
Les crises ? Pas de problème, vous n’avez qu’à appuyer
sur ce bouton, là... Non, pas celui-ci, c’est celui pour « éjection »...
l’autre... oui. Bon, vous appuyez sur ce bouton et, dalann ! vous avez
la crise dont vous avez besoin, complète, avec ses millions de chômeurs,
ses chars anti-émeute, ses spéculations financières, ses sécheresses,
ses famines, sa déforestation, ses guerres, ses religions
apocalyptiques, ses sauveurs suprêmes, ses prisons et cimetières (pour
ceux qui ne suivent pas les sauveurs suprêmes), ses paradis fiscaux, ses
programmes d’assistance avec thème musical et chorégraphie inclus...
Bien sûr, un peu de charité sera toujours bien vu.
Mais ce n’est pas tout, maintenant avec votre
permission, laissez-moi vous montrer cette démo. Quand vous la mettez en
mode « destruction / dépeuplement-reconstruction / réordonnancement »,
elle fait des miracles. Regardez cet exemple : vous voyez ces forêts ?
Non, ne vous en faites pas pour ces indigènes... Oui, ils sont du peuple
Mapuche, mais ils pourraient aussi bien être Yaquis, Mayos, Nahuas,
Purhépechas, Mayas, Guaranis, Aymaras, Quechuas. Bon, appuyez sur le
bouton play et voyez comme les forêts disparaissent (et les indigènes
aussi, mais eux, ils comptent pour du beurre), maintenant voyez comme
tout se transforme en désert, attendez... ah, voici les machines qui
arrivent, et voilà [1] ! : vous avez là le terrain de golf dont vous
aviez toujours rêvé, avec sa résidence exclusive et tous les services.
Ah, merveilleux, pas vrai ?
Elle comporte aussi un programme de la dernière
nouveauté. Vous pouvez cliquer là, où c’est écrit « filtre », et sur
votre télé, votre radio, vos journaux et magazines, votre fessebouc,
votre touiteur, votre youtoube, apparaissent seulement des psaumes et
des louanges pour vous et les vôtres. Oui, ça élimine tout commentaire,
tout écrit, image, bruit, toute cette onde négative que ça leur prend
d’y coller, à ces prolos anonymes, sales, laids et mauvais... et
grossiers, aussi.
Elle a levier au plancher (mais vous pouvez passer sur
pilote automatique avec juste un click) ; héliport ; un billet d’avion,
non, parce qu’après, il n’y a pas d’endroit où fuir, mais une place sur
le premier transbordeur spatial à départ prévu ; elle a aussi son centre
commercial super-hyper-méga exclusif ; terrain de golf ; servibar ;
yacht-club ; un diplôme de Harvard déjà encadré ; une résidence d’été ;
une piste de patins à glace... oui, je sais, qu’est-ce qu’on ferait sans
la gauche moderne et ses trouvailles ? Ah, et avec cette merveille,
vous pourrez être « en temps réel » et simultanément en n’importe quel
point de la planète, c’est comme si vous aviez votre propre et exclusive
caisse automatique globale.
Mmh... oui, elle inclut une bulle papale pour vous
assurer une place de VIP au ciel. Oui, je sais, mais l’immortalité, nous
sommes en train de travailler dessus. En attendant, nous pouvons vous
installer comme accessoire (avec un supplément, bien sûr, mais je suis
sûr que ce n’est pas un problème pour quelqu’un comme vous) : la chambre
de panique ! Oui, vous savez bien que ces vandales ont la prétention de
réclamer ce qui leur appartient, sur le modèle de « la terre est à qui
la travaille ». Oh, mais ce n’est pas la peine de s’en faire. Pour ça,
nous avons des gouvernants, des partis politiques, des religions
nouvelles, des « reality shows ». Mais, bien sûr c’est un suppositoire,
et si un jour ils ne suffisaient plus ? Par définition, dans les
questions de sécurité, aucune dépense n’est de trop. Entendu, je note :
« inclure Chambre de Panique ».
Elle comprend aussi un studio de télé, un de radio et
une salle de rédaction. Non, ne m’interprétez pas mal, ils ne servent
pas à voir la télévision, ni à écouter la radio, ni à lire des journaux
ou des revues, ça, c’est pour les pas-grand-chose. Ils servent à
produire l’information et le divertissement de ceux qui font marcher la
machine. C’est pas génial ?
Quoi ? Ah... bon... oui... j’ai bien peur que ce petit
problème n’ait pas été résolu par nos spécialistes. Oui, si la matière
première, je veux dire si la foule plébéienne se révolte, il n’y a rien à
faire. Oui, peut-être bien que la « chambre de panique » aussi est
inutile dans cette situation-là. Mais il ne faut pas tomber dans le
pessimisme, pensez que ce jour-là... ou cette nuit-là... est encore très
loin. Oui, ce truc de l’optimisme « new age », je l’ai appris aussi au
cours de dépassement personnel. Hein ? Quoi ? Je suis licencié ? »
(à suivre)
Depuis n’importe où, dans n’importe lequel des mondes.
Sup Marcos
Planète Terre
Janvier 2013.
Sur la lutte du Peuple Mapuche.
[1] En français dans le texte, NdT
Traduit par el Viejo
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