Par Partageux | 8 janvier 2015
Les princes. Charlie Hebdo, je ne le lisais plus guère. D’abord le sermon national-républicain de Philippe Val, aussi hebdomadaire que pédant, m’a vite assommé. Et puis l’humour de chambrée réservé aux zhommes couillus c’était pas ma tasse de thé. Plus tard, quand les ventes se sont effondrées, j’ai carrément détesté le racolage récurrent avec l'islamophobie de salon, ce racisme larvé, faisant certes mieux que le racisme bas du Front, mais bien plus pernicieux justement en raison de cette présentation plus civilisée. La haine courtoise — costard cravate ou polo décontracté — qui ne se salit pas les mains. L’athée que je suis renâcle devant la volonté d’interdire aux croyants la liberté de pensée. Et puis enfin cette détestable habitude de toujours moquer les petits, les musulmans sans grade, mais d’épargner trop souvent les puissants, les rois d’Arabie Saoudite ou du Maroc. La gueule d’Arabe, le nom arabe, les fringues arabes, la cuisine arabe, la religion arabe, je ne tolérais plus cette litanie sans fin.
Toute la presse est sous le choc. On a tué des collègues. Liberté en danger. Énorme ramdam.
Les manants. Tous ces pauvres diables qui ont perdu un œil avec un tir de flashball. Tous ces manifestants qui ont été frappés, blessés, mutilés avec des armes de guerre. Ce flic filmé tandis qu’il balance posément une grenade dans une caravane abritant des jeunes paisibles qui tentent de dialoguer avec lui. On ne trouve pas toujours une ligne à ce sujet dans les journaux. Après la mort de Rémi Fraisse, le dimanche, j’ai écrit quelques lignes avec le très peu que l’on savait alors. Il a fallu deux jours pour que la grande presse commence à parler vraiment de cette mort et que le gouvernement se réveille enfin. Pour entendre ou lire combien de propos où la victime devenait un extrémiste drogué alcoolisé provocateur violent djihadiste vert ? Comme si Rémi s'était violemment jeté sur la grenade qui l’a tué !
Alors que la presse est vent debout immédiatement dans le cas de Charlie. Oui, il y a eu crime et je pleure toutes les victimes. Même si je ne partageais plus du tout les idées diffusées par Charlie. Toute la presse se lève devant la mort des princes.
Le tueur de Rémi Fraisse et ses commanditaires sont connus et ils ne sont toujours pas inquiétés. Et ne le seront sans doute jamais. La grande presse ne s'offusque pas devant la mort du manant.
Dans le grand tintamarre ambiant je regrette cette énorme disproportion dans le traitement des crimes. Il y aurait des crimes odieux et d’autres qui ne le seraient pas. On peut tuer de sang froid, en mission commandée, sur ordre venu d’en haut. Nous avions demandé « la fermeté ». Ça c’est permis. Pas de quoi émouvoir. Pas de quoi en faire la Une.
Je suis Rémi.
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