23 mai 2012

Pour Le Changement, Finalement : Faudra Encore Attendre Un Peu

Vive le feu | Sébastien Fontenelle | 23 mai 2012



Immédiatement après avoir pris ses fonctions de nouveau ministre de la Sûreté de l’État : Manuel Valls a enfilé son imper mastic, façon commissaire Maigret circa 1959, pour se rendre, incontinent, et comme faisait toujours Claude Guéant (CFTCG), à Marseille (Bouches-du-Rhône), qui est pour ces gens-là un endroit hautement symbolique, puisque pas moins de quatorze individus y ont déjà été abattus « depuis le début de l’année » dans des « règlements de comptes » [1] - comme nous l’ont doctement expliqué nos ami(e)s les journalistes (NALJ) sur un ton qui suggérait assez nettement qu’ils n’avaient rien vu de tel depuis l’assassinat de plein de bootleggers par le lâche Al Capone, le 14 février 1929.

Une fois sur place, Manuel Valls a dans un premier temps déclamé, CFTCG, et pour la plus grande satisfaction de NALJ (qui ont dans l’instant répercuté partout cette spectaculaire annonce), qu’il entendait « lutter contre la délinquance » [2].

(NALJ ont ceci de particulier qu’ils s’extasient longuement, quand la pluie leur confirme qu’elle mouille.)

Puis, Manuel Valls, profitant qu’il était là, est allé dîner chez le CRIF marseillais, où il a redit, mot pour mot, ce qu’avait quelques semaines plus tôt récité Nicolas Sarkozy, autour du (rebattu mais si rémunérateur) thème du : je-n’accepterai-pas-que-de-musulmans-prédicateurs-viennent-jusque-dans-notre-territoire-national-faire-d’haineux-prêches, écrasons la vermine salafiste avant qu’elle ne nous infeste la plomberie, je vous prie, et vive la République.

Après quoi [3], rituellement : Manuel Valls a précisé, comme faisaient toujours Guéant und Sarkozy dans ces occasions, que « les Français musulmans » ne devaient bien sûr pas être stigmatisés - ça serait pas bien, Lucien, de trop mentionner qu’en chacun(e) de ces f****** muslims soi-disant modéré(e)s [4] sommeille sans doute un(e) fanatique.

L’effet (prévisible, et d’ailleurs sans doute prévu) de ces diverses considérations, dites dans le congru laps de temps d’une courte journée, fut que les nombreux papiers (et autres dépêches) à deux balles narrant cette équipée associèrent tous les mots « délinquance » et « musulmans » - comme au bon vieux temps où Manuel Valls s’appelait encore Claude Guéant : l’alternance, d’accord, mais un demi-comprimé seulement.

Ceci posé : demandons-nous s’il n’existerait pas, des fois, non loin du Vieux-Port (où les agitateurs de bras qui se suivent et se ressemblent place Beauvau se complaisent à venir promettre qu’ils mettront fin dès vendredi aux hideux trafics où des Arabes de moins d’onze ans échangent du shit contre des kalashs), un endroit autrement plus dangereux que n’est Marseille, mais que les rodomonts de l’Intérieur éviteraient comme la peste - genre, où c’est, ça, Aléria ?

La réponse est que si, justement, cet endroit existe : c’est la Corse - t’avais deviné.

Là, pardon, mais la vie quotidienne est nettement plus flippante que n’importe où ailleurs dans le monde occidental, et l’ambiance générale (telle que la restituent des recensements sur lesquels, très curieusement, le ministère de la Sûreté de l’État et nos ami(e)s les journalistes évitent soigneusement de trop s’appesantir) rappelle un peu (et toutes proportions gardées, il va de soi) celle qui régnait autour de Bassorah il y a quelques années : la vérité oblige à dire, sans même parler du risque de se prendre un plomb perdu, que, vu le nombre (et la fréquence) des attentats à la bombe commis chaque mois entre Ajaccio et Bastia, faut quand même croiser très fort les doigts avant de s’engager sur le GR20.

Est-ce que les « socialistes » ont le moins du monde évoqué le sujet, durant qu’ils faisaient campagne en caquetant chaque heure qu’ils avaient lu et compris Laurent Joffrin, et qu’ils avaient par conséquent rompu, en matière de securitate, d’avec leur émolliente et mièvre angélitude - et au cul, la sociologie ?

Point : les « socialistes », convenons, peuvent pas être partout - et là, ils étaient manifestement pris par la rédaction de la promesse qu’ils ne laisseraient pas les musulman(e)s abîmer la laïcité.

Est-ce que « l’iconoclaste » Manuel Valls, dont Le Figaro aime très fort qu’il se montre si souvent si keupon, a fait son premier déplacement sous imper en Corse, où vingt-quatre attentats (quand même) viennent d’être perpétrés en huit jours ?

Point non plus : le mec, si ça se trouve, craignait que l’UMP ne ressorte de sa boîte à souvenirs les bringuebalantes casseroles insulaires de la rue de Solférino.

(En quoi, il s’alarmait inutilement : les compromissions corses de la droite font une archive si gigantesque, que même ses plus impudiques VRP ont de longue date compris que le mieux était qu’ils tiennent [là-dessus] fermées leurs petites bouches - ça serait quand même trop con que les vieux dossiers remontent vers la surface.)

Manuel Valls, plutôt que de s’attaquer à ce qui pourrait presque être considéré comme une atteinte caractérisée au vivre ensemble (des mecs posent quatre bombes par jour, puis vont passer l’apéro chez Anghjulu avant d’aller mettre une cartouche dans la tête d’Antone, qui les a décidément trop pris pour des coiffeuses), a fait le choix - de continuité guéantiste - d’aller psalmodier depuis le cours d’Estienne-d’Orves qu’il serait (sauf le respect dû à nos musulman(e)s-de-proximité-qui-doivent-pas-être-stigmatisé[e]s) sans pitié pour les barbus [5] : quelque chose me dit que le changement, finalement ?

C’est pas encore pour tout de suite.

Notes

[1] De fait : Marseille n’est pas du tout loin d’OK Corral, et je ne voudrais pas faire le paranoïaque, mais il est permis de s’étonner que cette troublante coïncidence ait jusqu’à présent échappé aux investigateurs (moustachus) de la presse et des médias.
[2] Manuel Valls, c’est à noter, aurait tout aussi bien pu faire cette crâne déclaration depuis, disons, le parvis de la mairie de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) - mais non : il a préféré les « quartiers nord » de Marseille.
[3] Et après avoir, donc, invoqué la menace musulmane.
[4] Laisse-moi rire, Lucien.
[5] Nonobstant que ces derniers commettent chez nous, et par semaine, vingt-quatre fois moins d’attentats que certains natifs de l’île de Beautù.

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