8 mai 2012

Quid de la politique étrangère après Sarkozy-Juppé ?




Géostratégie | 7 mai 2012

Quid des présidentielles françaises ?



Q – Restons sur le terrain des relations internationales, la position de Paris à propos des printemps arabes va-t-elle évoluer ?

Charlotte Sawyer – Si la précédente administration – celle de Sarkozy je veux dire – avait été prolongée, certainement pas. Ce d’autant que beaucoup (en France) donnaient l’actuel chef de la diplomatie française, Alain Juppé, comme probable locataire de Matignon ! Or, Juppé, en matière d’interventionnisme armé, est un extrémiste de la pire espèce.

En revanche, une administration social-démocrate, sous la houlette de MM. Hollande et Fabius (un homme beaucoup plus réfléchi que l’inconséquent Juppé) va peut être revoir la copie géopolitique de la France.

Q – Pour quelles raisons ?

Charlotte Sawyer – Primo, parce que la France n’a rien gagné à jouer avec le feu en Libye et en Syrie. Idem en Afrique subsaharienne. Or, outre Laurent Fabius aux Affaires étrangères, on donne également l’ancien CEO1d’Areva, Mme Lauvergeon, comme possible ministre d’un futur gouvernement social-démocrate. Or, celle-ci à pu apprécier les effets désastreux de l’aventurisme colonial de l’administration Sarkozy au Mali et au Niger où – par l’entêtement incompréhensible de MM. Sarkozy et Juppé, et des néo-cons frenchies à pousser les Contras libyens et, par ricochet, leur petits camarades d’Aqmi – Areva (et d’autres entreprises françaises de premier plan) se retrouvent encore plus en danger qu’elles ne l’étaient auparavant. Un comble !

Quant au volet syrien, à en croire les voix les plus autorisées chez nous2, ce sont bien les miliciens d’Al-Qaïda qui sont la source du plus grave danger, en Syrie et au Liban. En effet, qu’a dit notre US Secretary of State3, la Sénatrice Hillary D. Rodham Clinton, dans un entretien à CBS ? Que « nous savons que le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, soutient l’opposition syrienne. Devons-nous soutenir cette organisation en Syrie » ?

Et, à écouter notre Director of National Intelligence (DNI)4 le lieutenant général (CR) James R. Clapper Jr., « Les attentats de Damas et Alep portent l’empreinte d’Al-Qaïda, qui a infiltré l’opposition syrienne divisée ». Avis partagé par le Chairman of the US Joint Chiefs of Staff (CJCS, chef d’état major interarmes), le général Martin E. Dempsey, qui est encore plus spécifique que le DNI. Pour lui, « Nous avons des preuves qu’Al-Qaïda participe aux attentats ». Qu’ajouter de plus ? Paris compte-t-il toujours épauler les Wall Srett Fundamentalists à Damas et Alep et les combattre à Kaboul et dans la Kapisa ?

Même au Royaume-Uni – où l’on a longtemps partagé l’extrémisme des néo-cons français sur les volets libyen et syrien – la prudence commence à se faire son chemin. Ainsi, pour l’Independent – support plutôt de gauche, donc plus susceptible d’influencer de l’autre côté du Channel5 – « L’évolution de la situation en Syrie est très dangereuse. Al-Qaïda apparait comme une force grandissante dans une région centrale du Moyen-Orient ».


Q – Mais la gauche française ne risque-t-elle pas de se tenir plus à distance de vous-mêmes, les Américains ?

Charlotte Sawyer – Vous plaisantez, je suppose ? Votre social-démocratie a toujours été atlantiste. De plus, au niveau des Renseignements, il semble qu’il existe une certaine défiance, au sein de la gauche institutionnelle, vis-à-vis du patron de la DCRI, Bernard Squarcini, considéré comme trop proche de la droite. Bien que l’homme soit un excellent professionnel ! Croyez-moi, votre nouvelle administration va beaucoup discuter avec la nôtre. Or, la Contra syrienne a beaucoup moins la cote sur les rives de notre Potomac, qu’il y a un an…

Pour le reste, laissez-moi vous rappeler que Boeing n’a jamais aussi bien casé – au détriment de votre propre avionneur Airbus – ses longs-courriers qu’avec des ministres communistes (ou prétendus tels) aux affaires !…


Q – Que pourraient être, selon vous, les premières décisions que devraient prendre le président de la République (française) nouvellement élu ?

Charlotte Sawyer – Parlons d’espoirs, plutôt ! En ce qui concerne, le président sortant, Nicolas Sarkozy, je ne me serais même pas hasardé pas sur cette voie à l’étroitesse d’un chemin vicinal. M. Sarkozy ayant particulièrement fait sien, au cours de son mandat, les mots de M. Edgar Faure : « les promesses (électorales) n’engagent que ceux à qui elles sont faites », en ce qui le concerne, je dirai donc : « Wait & see » ! Nous verrons bien !

Quid de Hollande, le Mister Flanby des humoristes, alors ? Qu’attendre de lui ? Si j’en avais l’opportunité je lui demanderai bien une ou deux petites choses…


Q – Lesquelles ?

Charlotte Sawyer – Oh ! Simplement de mettre en branle quelques petites commissions d’enquête, pardi. Sur quels sujet ? Voyons, dans le désordre, et deux deux côtés du champ politique :

1° L’affaire de Karachi et ses rétro-commissions ;
2° L’Affaire Merah, bien évidemment ? Que l’on sache, enfin, ce qui s’est réellement passé à Toulouse ;
3° Toutes les affaires de mœurs concernant l’ex-directeur-général du FMI, Dominique Strauss-Khan ;
4° Et pour rester dans un registre qui concerne largement les souffrances faites aux femmes: DEUX commissions d’enquêtes sur les agissements guerriers de l’administration sortante autours de la guerre de Libye et du soulèvement des Contras syriens…


Q – Quel rapport avec les femmes et leurs souffrances ?

Charlotte Sawyer – Très simple ! L’une des particularité des guerres est d’entraîner une montée exponentielle des violences faites aux femmes. Des viols en réunions, commis par les militaires et les paramilitaires, généralement. Or, en jouant les Rodomontes en Libye et en Syrie, par groupes maffieux takfiristes interposés, les membres de votre précédente administration ont massivement déstabilisé ces régions du monde livrant leurs populations aux agissements de groupes armés qui, notamment en Libye, ont tiré avantage de la protection aérienne de votre Armée de l’Air (Pierre Clostermann6 doit se retourner dans sa tombe), pour perpétrer leurs crimes en toute impunité. Ou presque.

Je vous sens dubitatif ! Je vous rappellerai donc les faits suivants :

Actuellement – et Human Rights Watch (HRW) s’en est fait l’écho – un nombre croissant de femmes sont violées par des rebelles touaregs et les groupes armés takfiris qui sévissent au Nord du Mali. Qui peut nier aujourd’hui que cette trainée de violence est la conséquence directe (et, ô combien prévisible) de la Guerre de Libye ?

Or, d’après Human Rights Watch, des viols et violences sexuelles se déroulent au nord du Mali. « Nous sommes très préoccupés par ce qui semble être une augmentation drastique dans le ciblage et l’abus sexuel des femmes et des filles par des groupes armés dans le nord », a, ainsi, déclaré à l’IPS, Corrine Dufka, chercheuse senior Afrique de l’Ouest à HWR. « Puisque les groupes rebelles ont consolidé leur contrôle du territoire du Nord qu’ils appellent le Azawad, Human Rights Watch a documenté plusieurs cas de viol et de nombreux autres cas dans lesquels les filles et les femmes ont été enlevées de leurs foyers, villes et villages, et très probablement abusées sexuellement », souligne Corrine Dufka.

Quant au porte-parole du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Ag Assarid, s’il a nié toute implication du MNLA, il a reconnu qu’il n’était pas possible de « contrôler tous les gens de l’Azawad ».

Quant aux membres du groupe takfiri Ansar Dine, quoi qu’ils en disent, ils ne valent pas mieux. HRW rapporte, qu’au début du mois d’avril 2012, ses membres pro-occidentaux avaient coupé l’oreille d’une femme pour avoir, crime inexpiable, « porté une jupe courte ».

Quant aux exactions des Contras libyens et syriens, reportez-vous aux propos ci-dessus de notre US Secretary of State, Hillary D. Rodham Clinton. À moins de considérer les membres des diverses branches d’Al-Qaïda comme des féministes impénitents, on voit mal en quoi les aider à prendre le pouvoir en Afrique subsaharienne et au Middle East… pardon au Levant a pu participer à l’amélioration du sort des femmes…


Q – Les membres de l’administration Sarkozy, vous pensez à qui, en particulier ?

Charlotte Sawyer – Dans cet ordre : MM. Sarkozy, Juppé et Longuert et le chef d’état-major de l’armée de terre française en poste lors de la Guerre de Libye, le général d’armée Elrick Irastorza si ma mémoire est bonne. Il me semble qu’il serait plus que souhaitable que ces hommes puissent répondre aux questions d’enquêteurs, d’experts, de membres de la société civile pour que soit établie leur, éventuelle, responsabilité dans le chaos induit par leurs décisions en Libye, en Afrique subasaharienne et dans la République arabe syrienne. Cela me semble être un premier pas nécessaire..


Q – Et les « affaires » qui attendent Sarkozy au tournant ?

Charlotte Sawyer – On verra bien. Mais restons prudents, rien n’est joué. Si, par exemple vous prenez l’affaire du financement libyen de la campagne 2007 de Sarkozy, il y a autant de versions que d’intervenants dans et de cette affaire.

Quant à la fameuse missive qui incriminerait Sarkozy, à en croire les Israéliens7, sur la forme, sa rédaction ne correspondrait guère à la formulation de documents de l’administration libyenne. En effet, elle débuterait par un incongru « que la paix soit avec vous », alors que tous les documents de la Jamahiriya libyenne, comme la plupart des pays arabo-musulmans, débutent par le traditionnel Bismillah, Al-Rahman, al Rahim (au nom de Dieu clément et miséricordieux).

Second point, note JSSNews, « le document parle d’euros alors que toute transaction avec la Libye se fait en dollars ».

Tertio, « dans des cas de financement occulte, il n’est pas fait de documents officiels, notamment dans les pays arabes où la tradition orale est forte ». Enfin, « ce n´est pas la signature de Moussa Koussa qui se trouve au bas de cette lettre, même pas une tentative d’imitation, ce qu’a confirmé l’intéressé ».

Au stade où nous en sommes, beaucoup d’impondérables pour fonder un vrai dossier, je le crains !

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