Solidarité & Progrès |6 février 2012 (Nouvelle Solidarité)
Le parti de la guerre que dirigent les Britanniques a pu donner de la voix la semaine dernière lors de la conférence annuelle de Herzliya en Israël, où de nombreux orateurs israéliens ainsi que des néo-conservateurs américains et britanniques ont pratiquement appelé à des frappes contre l’Iran avant qu’il ne soit « trop tard ».
Le ministre de la Défense israélien Ehud Barak a prononcé l’un des discours de clôture de la conférence, et ses remarques ont été largement relatées dans la presse. Au programme de la conférence, on peut signaler d’autres personnages d’importance : l’ancien chef d’Etat major Moshe Ya’alon, actuellement ministre des Affaires stratégiques du Premier ministre Benjamin Netanyahou ; l’ancien directeur de la CIA James Woolsey ; Danielle Pletka de l’American Enterprise Institute (AEI), ardente supporter de la guerre d’Irak ; Harold Rhode, l’un des architectes de la guerre d’Irak au département de la Défense sous Donald Rumsfeld ; et Sir Mark Allen, présenté comme un conseiller senior de la multinationale British Petroleum. Notez surtout que ce dernier dirigeait encore récemment le bureau pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord du contre-espionnage britannique MI-6 et qu’il fut l’intermédiaire discret entre Tony Blair et Mouammar Kadhafi en 2003.
Déjà, lors du dernier sommet annuel du Forum économique mondial de Davos en Suisse, Barak avait prévenu que l’Iran, qui œuvre à protéger ses installations nucléaires en les enterrant dans des bunkers souterrains, allait « entrer dans une zone d’immunité » dans laquelle seuls les Etats-Unis pourraient anéantir ou endommager sévèrement les capacités d’enrichissement iraniennes.
A Herzliya, le ton de l’attaque contre l’Iran avait déjà été bien installé quand Barak fit ses remarques. Pour le ministre de la Défense, il n’y a pas de doute que le programme nucléaire iranien est à but militaire comme le « prouve » le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Pourtant, ce rapport a été fortement remis en cause par la plupart des experts internationaux qui y voient une manipulation.
Pour Barak, « il existe une compréhension largement partagée que si les sanctions n’atteignent pas le résultat escompté, celui d’arrêter le programme de nucléarisation militaire, il faudrait envisager une action. » Se retenir d’agir maintenant « conduirait à un Iran nucléarisé, et traiter avec un Iran nucléarisé serait beaucoup plus complexe, beaucoup plus dangereux et beaucoup plus coûteux en sang et en argent que de le stopper aujourd’hui ».
Parmi ceux qui avaient aidé à dresser le décor pour le discours de Barak il y a eu le général Aviv Kochavi, chef du renseignement militaire israélien. Il estime que « l’Iran continue de prétendre qu’il conduit son plan à des fins pacifiques et civiles, mais une quantité d’éléments d’information, de source sûre, détenus par Israël, prouve que l’Iran n’a pas cessé de travailler au développement de ses armes nucléaires ». Lors d’une table ronde, Kochavi a déclaré que l’Iran avait « accumulé quatre tonnes d’uranium enrichi à 3,5% et près de 100 kilos à 20% », une quantité suffisante selon lui pour construire quatre bombes.
Notez qu’une bombe atomique nécessite de l’uranium enrichi à 90% bien que selon des experts occidentaux, franchir ce seuil ne requièrt pas de compétences techniques supplémentaires. Reconnaissant implicitement le fait que l’Iran ne dispose pas de l’arme atomique, Kochavi a précisé que « si (le guide suprême iranien Ali Khamenei ) donne l’ordre d’accélérer la fabrication d’une première bombe, nous estimons qu’il ne faudra qu’un an pour y parvenir ».
Kochavi a repris à son compte le credo du chef du Mossad, Tamir Pardo, qui, lors d’un récent déplacement aux Etats-Unis a confié à la Commission du renseignement du Congrès américain qu’Israël disposait d’un laps de temps très court pour pouvoir lancer une attaque efficace contre les sites nucléaires iraniens.
Faisant monter les enchères, Moshe Ya’alon a affirmé que l’Iran travaille sur un missile à longue portée capable de frapper les Etats-Unis. Ceci a été rendu manifeste, a-t-il affirmé, par une explosion sur une base de missiles iranienne à l’extérieur de Téhéran à la fin de l’année dernière, qui a coûté la vie au chef du programme iranien de missiles. Selon le New York Times, les officiels américains estiment que les affirmations de M. Ya’alon sont au mieux prématurées, et au pire très exagérées. La portée maximum des missiles iraniens est de 1900 kilomètres, et l’on pense qu’ils travaillent sur un missile de 3200 kilomètres de portée, mais même cela est loin d’être en mesure d’atteindre le continent américain.
De toute évidence, l’équipe Netanyahou-Barak a voulu utiliser la conférence annuelle d’Herzliya pour accélérer la poussée vers la guerre. La veille de l’événement, dans le pur style des spindoctors de Tony Blair à l’origine des mensonges sur des prétendus armes de destruction de masse en Irak, le gouvernement israélien a diffusé à des journalistes présélectionnés sa propre évaluation d’une telle guerre prétendant qu’Israël pouvait infliger sans trop de représailles des coups décisifs au régime de Téhéran et que l’Iran sera incapable de répliquer.
Suite à la rencontre d’Herzliya, le ministre de la Défense américain Leon Panetta, interrogé à Bruxelles où il assistait à une conférence de l’OTAN, a confié au journaliste David Ignatius du Washington Post qu’il estime qu’Israël pourrait lancer des attaques contre l’Iran entre avril et juin cette année. Le Washington Post écrit encore que le report de manoeuvres militaires communes entre Américains et Israéliens initialement programmées pour ce printemps peut être vu comme le signe d’une attaque israélienne en préparation.
Sans surprise, sur le site du Daily Beast, le géopoliticien d’Oxford Niall Ferguson écarte vigoureusement tous les arguments que l’on puisse opposer à des frappes contre l’Iran : « La guerre est un mal. Mais parfois une guerre préventive peut être un mal moindre qu’une politique d’apaisement. Les gens qui ignorent cela sont ceux qui vivent dans le déni de réalité en ce qui concerne ce que nous coûtera à nous tous un Iran disposant de l’arme nucléaire. J’ai le sentiment que nous vivons à la veille d’une sorte de destruction créatrice. »
Le ministre de la Défense israélien Ehud Barak a prononcé l’un des discours de clôture de la conférence, et ses remarques ont été largement relatées dans la presse. Au programme de la conférence, on peut signaler d’autres personnages d’importance : l’ancien chef d’Etat major Moshe Ya’alon, actuellement ministre des Affaires stratégiques du Premier ministre Benjamin Netanyahou ; l’ancien directeur de la CIA James Woolsey ; Danielle Pletka de l’American Enterprise Institute (AEI), ardente supporter de la guerre d’Irak ; Harold Rhode, l’un des architectes de la guerre d’Irak au département de la Défense sous Donald Rumsfeld ; et Sir Mark Allen, présenté comme un conseiller senior de la multinationale British Petroleum. Notez surtout que ce dernier dirigeait encore récemment le bureau pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord du contre-espionnage britannique MI-6 et qu’il fut l’intermédiaire discret entre Tony Blair et Mouammar Kadhafi en 2003.
Déjà, lors du dernier sommet annuel du Forum économique mondial de Davos en Suisse, Barak avait prévenu que l’Iran, qui œuvre à protéger ses installations nucléaires en les enterrant dans des bunkers souterrains, allait « entrer dans une zone d’immunité » dans laquelle seuls les Etats-Unis pourraient anéantir ou endommager sévèrement les capacités d’enrichissement iraniennes.
A Herzliya, le ton de l’attaque contre l’Iran avait déjà été bien installé quand Barak fit ses remarques. Pour le ministre de la Défense, il n’y a pas de doute que le programme nucléaire iranien est à but militaire comme le « prouve » le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Pourtant, ce rapport a été fortement remis en cause par la plupart des experts internationaux qui y voient une manipulation.
Pour Barak, « il existe une compréhension largement partagée que si les sanctions n’atteignent pas le résultat escompté, celui d’arrêter le programme de nucléarisation militaire, il faudrait envisager une action. » Se retenir d’agir maintenant « conduirait à un Iran nucléarisé, et traiter avec un Iran nucléarisé serait beaucoup plus complexe, beaucoup plus dangereux et beaucoup plus coûteux en sang et en argent que de le stopper aujourd’hui ».
Parmi ceux qui avaient aidé à dresser le décor pour le discours de Barak il y a eu le général Aviv Kochavi, chef du renseignement militaire israélien. Il estime que « l’Iran continue de prétendre qu’il conduit son plan à des fins pacifiques et civiles, mais une quantité d’éléments d’information, de source sûre, détenus par Israël, prouve que l’Iran n’a pas cessé de travailler au développement de ses armes nucléaires ». Lors d’une table ronde, Kochavi a déclaré que l’Iran avait « accumulé quatre tonnes d’uranium enrichi à 3,5% et près de 100 kilos à 20% », une quantité suffisante selon lui pour construire quatre bombes.
Notez qu’une bombe atomique nécessite de l’uranium enrichi à 90% bien que selon des experts occidentaux, franchir ce seuil ne requièrt pas de compétences techniques supplémentaires. Reconnaissant implicitement le fait que l’Iran ne dispose pas de l’arme atomique, Kochavi a précisé que « si (le guide suprême iranien Ali Khamenei ) donne l’ordre d’accélérer la fabrication d’une première bombe, nous estimons qu’il ne faudra qu’un an pour y parvenir ».
Kochavi a repris à son compte le credo du chef du Mossad, Tamir Pardo, qui, lors d’un récent déplacement aux Etats-Unis a confié à la Commission du renseignement du Congrès américain qu’Israël disposait d’un laps de temps très court pour pouvoir lancer une attaque efficace contre les sites nucléaires iraniens.
Faisant monter les enchères, Moshe Ya’alon a affirmé que l’Iran travaille sur un missile à longue portée capable de frapper les Etats-Unis. Ceci a été rendu manifeste, a-t-il affirmé, par une explosion sur une base de missiles iranienne à l’extérieur de Téhéran à la fin de l’année dernière, qui a coûté la vie au chef du programme iranien de missiles. Selon le New York Times, les officiels américains estiment que les affirmations de M. Ya’alon sont au mieux prématurées, et au pire très exagérées. La portée maximum des missiles iraniens est de 1900 kilomètres, et l’on pense qu’ils travaillent sur un missile de 3200 kilomètres de portée, mais même cela est loin d’être en mesure d’atteindre le continent américain.
De toute évidence, l’équipe Netanyahou-Barak a voulu utiliser la conférence annuelle d’Herzliya pour accélérer la poussée vers la guerre. La veille de l’événement, dans le pur style des spindoctors de Tony Blair à l’origine des mensonges sur des prétendus armes de destruction de masse en Irak, le gouvernement israélien a diffusé à des journalistes présélectionnés sa propre évaluation d’une telle guerre prétendant qu’Israël pouvait infliger sans trop de représailles des coups décisifs au régime de Téhéran et que l’Iran sera incapable de répliquer.
Suite à la rencontre d’Herzliya, le ministre de la Défense américain Leon Panetta, interrogé à Bruxelles où il assistait à une conférence de l’OTAN, a confié au journaliste David Ignatius du Washington Post qu’il estime qu’Israël pourrait lancer des attaques contre l’Iran entre avril et juin cette année. Le Washington Post écrit encore que le report de manoeuvres militaires communes entre Américains et Israéliens initialement programmées pour ce printemps peut être vu comme le signe d’une attaque israélienne en préparation.
Sans surprise, sur le site du Daily Beast, le géopoliticien d’Oxford Niall Ferguson écarte vigoureusement tous les arguments que l’on puisse opposer à des frappes contre l’Iran : « La guerre est un mal. Mais parfois une guerre préventive peut être un mal moindre qu’une politique d’apaisement. Les gens qui ignorent cela sont ceux qui vivent dans le déni de réalité en ce qui concerne ce que nous coûtera à nous tous un Iran disposant de l’arme nucléaire. J’ai le sentiment que nous vivons à la veille d’une sorte de destruction créatrice. »
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