Par Michel Koutouzis | Agora Vox | 13 février 2012
« Les manifestations et actions violentes ne sont pas dignes d’un pays démocratique »,vient de déclarer le premier ministre grec Papadimos.
Mais qu’est-ce qui est démocratique dans cette histoire ? Le premier ministre ? Jamais élu à la moindre fonction de la Cité et qui a fait toute sa carrière dans les instances de la finance internationale ? Le gouvernement, formé par le club des caciques responsables de ce désastre ?
La moitié du conseil des ministres a farouchement combattu les premières mesures qui ont abouti à celles qu’ils ont voté cette nuit. Leur représentativité ? Avant de « joindre leurs efforts » ils ont été élus sur des programmes diamétralement opposés, et en aucune manière pour voter une convention qui enlève à leur pays toute liberté d’action, toute indépendance, tout recours classique reconnu à tout autre pays. La notion même de « gouvernement d’union nationale » ? Il n’inclut pas les oppositions de gauche qui rassemblent, selon les derniers sondages, plus de quatre électeurs sur dix. Quant à la droite orthodoxe et extrême qui participa au gouvernement, elle l’a quitté votant contre. Les procédures démocratiques ont été respectées quant au vote lui-même ? Présenté comme un texte « urgent », sous l’épée de Damoclès du Marché, du FMI, et de l’UE, il ne fut pas discuté malgré le fait qu’il engage sur le chemin de la dépendance le pays pour au moins quarante ans. Les positions, les débats (qui n’ont pas eu lieu) : manichéens à l’extrême opposant deux manières de traîtrise et un choix unique entre l’aliénation au marché et à la technostructure européenne d’une part, le chaos et la faillite d’autre part.
La convention elle-même est-elle « démocratique », procède-t-elle des principes de l’égalité, de l’objectivité, de la proportionnalité et de l’attachement à l’objectif énoncé qui sont à la base de tout acte contractuel ? Bien sûr que non. L’objectivité d’abord : ce « contrat » est la continuité conforme du précédent tout en rendant évidente son échec : 169 % de dette publique, alors même que le citoyen grec a été ponctionné à l’extrême. Par contre l’attachement à l’objectif énoncé, réduire le déficit et la dette, s’est transformé dans les faits par une série de mesures permettant le déplacement des ressources et de l’épargne populaires vers le secteur financier qui s’accélère encore plus avec le nouveau « contrat ». La dette était le fait de l’Etat. Les reformes consistant à mettre à mal la fraude fiscale, l’hypertrophie du secteur de l’Etat et sa modernisation, la lutte contre la corruption, étaient conformes au contrat et souhaitables. Mais elles n’ont pas eu lieu, sauf à la marge et à un niveau purement symbolique. Qu’en est-il des monopoles /oligopoles dans la production, la distribution, dans la prédation des ressources naturelles, des services, de l’économie parallèle et/ou parasitaire qui n’ont jamais payé d’impôts : ils sortent renforcés, ne serait-ce qu’à cause de la paupérisation des secteurs de l’Etat sensés les contrôler. Par contre, les mécanismes des privatisation, mis en place à la va-vite, créent de nouveaux prédateurs locaux ou étrangers. Les mesures visaient (but énoncé) la « croissance » : elles ont produit, tout naturellement, une récession durable, la marginalisation de l’économie grecque, l’affaiblissement de sa représentation politique aussi bien à l’intérieur (dépréciation de ses organes politiques, des lois fondamentales, constitution maintes fois bafouée), qu’à l’extérieur par la destruction de ses outils géopolitiques et diplomatiques, la perte des défenses élémentaires en tant qu’Etat, le refus de faire appel à sa propre justice. L’acceptation de la part du premier ministre, d’abandonner pour son propre pays, tout recours à sa propre justice au profit du duché du Luxembourg (par ailleurs paradis fiscal pour les protagonistes du « marché ») ne trouve de similitude que dans des accords signés en Grèce sous l’occupation. Loin de l’objectif énoncé, plus loin des principes d’égalité et d’équité et de ceux de la proportionnalité, encore plus loin des règles élémentaires de la démocratie, les deux contrats, qui s’annonçaient comme réponse à l’inégalité structurelle des richesses de ce pays, n’ont fait que les concentrer, chaque jour un peu plus, vers les plus hautes strates de l’échelle sociale, celles qui de l’aveu même de la troïka avaient la plus grande part de responsabilité dans cette « crise ».
Par Michel Koutouzis | Agora Vox| son site
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