8 avril 2012

1972-2012 : le Club de Rome persiste et signe

Dedefensa | 06 avril 2012

I

Il y a quelques semaines, le Club de Rome “fêtait” le quarantième anniversaire de son fameux rapport (surnommé «Halte à la croissance?»), lequel avait été bouclé et présenté au public le 1er mars 1972, à partir d’une commande faite par le même Club de Rome (créé en 1968) au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1970. Cette célébration a donné lieu à un symposium le 1er mars 2012, dont la rapport est présenté sur le site du Club de Rome (curieusement, puisque le texte présente l’événement du séminaire 1er mars 2012 comme accompli, à la date du 21 décembre 2011). Un peu plus d’un mois plus tard, le magazine du Smithsonian Institute, le Smithsonian Magazine, rend public ce 5 avril 2012, extrait de son numéro d’avril 2012, les résultats d’une version actualisée pour 2012, du rapport de 1972. Il s’agit, si l’on veut, d’un second rapport, utilisant la même méthodologie que le premier, avec les raffinements dus au temps, avec les mêmes acteurs, le Club de Rome commanditaire et le MIT comme exécutant.

…Sans réelle surprise, le rapport de 2012 confirme celui de 1972 qui donnait soixante ans pour un effondrement du système économique confronté aux limites des ressources disponibles et à la dégradation de l’environnement ; par conséquent, la période de 2030-2032 est confirmée pour l’effondrement de ce système, – lequel n’est pas nécessairement le Système tel que nous nous le désignons, mais, éventuellement, seulement une partie de celui-ci. Quelques mots du Smithsonian Magazine, symbolisés par la formule (in)volontairement d’une ironie lugubre, – «The world is on track for disaster…», – autrement dit, “tout se déroule selon le plan prévu pour parvenir au désastre”.

«Recent research supports the conclusions of a controversial environmental study released 40 years ago: The world is on track for disaster. So says Australian physicist Graham Turner, who revisited perhaps the most groundbreaking academic work of the 1970s,The Limits to Growth. Written by MIT researchers for an international think tank, the Club of Rome, the study used computers to model several possible future scenarios. The business-as-usual scenario estimated that if human beings continued to consume more than nature was capable of providing, global economic collapse and precipitous population decline could occur by 2030.»

Enchaînons aussitôt par une “déclaration d’inconnaissance”, exactement comme on parlerait d’une “déclaration d’indépendance” (de l’esprit et de son jugement). Très peu nous importe d’évaluer, de comparer, de juger, de polémiquer ou d'approuver, etc., par rapport au Club de Rome ou ce qu’il en reste, pour ou contre, avec le rapport de 1972, avec son actualisation de 2012, en fonction de la méthodologie, de la science économique, des intentions politiques, etc. Tout cela est fourgué, pour notre compte, dans l’armoire de l’inconnaissance dont le but est d’éliminer, au travers des digressions accessoires et réductionnistes qu’implique cette sorte de mise en cause ou de polémique, les obstacles sur la route d’une réflexion et d’un jugement fondamentaux. Simplement, observons que ce rapport-2012 et ce qu'il nous dit confirment d'une façon générale ce qui est dans tous les esprits qui se sentent concernés par ce problème du sort du monde. Ajoutons cette autre remarque, ce constat qu’alerté ce matin sur l’événement par un article (le 5 avril 2012) de Russia Today, nous avons trouvé (ce matin) plus de dix pages de Yahoo détaillant les sites qui reprennent l’article du 5 avril 2012 du Smithsonian Magazine ; dans cette quasi centaines de références, aucune d’un grand média-Système ; les choses vont peut-être changer, mais telle était la situation ce matin.

...Il est vrai qu’en 2012, une resucée du rapport du Club de Rome indiquant que tout se passe “comme prévu”, – c’est-à-dire vers l’effondrement, dans le mode “business as usual”, – ne devrait pas être aussi populaire dans les instruments de communication du Système que l’édition de 1972, qui avait le mérite de la nouveauté, du sensationnel, de la vertu critique à assez bon compte de ce qu’on supposait alors n’être que les excès du Système, sans mise en cause réelle du Système, tout cela sans urgence (60 ans, c’est long) ni mesures immédiates à prendre. En 2012, comme on n’en ignore rien, c’est une autre affaire, parce qu’il y a urgence, que 2030 pour l’effondrement paraît une prévision bien optimiste, que ce qui est en cause c’est bien le Système lui-même. (Cela, malgré les précautions, ou vaines espérances, que glissent les commentateurs du rapport cuvée-2012, qu’il est encore temps de prendre les mesures nécessaires pour éviter le collapsus ; “vaines” parce que, à notre sens, le Système est totalement incapable de s’imposer les réformes d’auto restriction qui pourraient faire croire, en théorie et pour un certain temps, qu’il pourrait se sauver lui-même.) Ces remarques se traduisent, pour nous, par la profonde conviction que cette publication du rapport-2012, comme toutes celles du même genre, ne changera rien à la course du Système.

Mais un avantage de cette publication est de faire justice d’un certain nombre d’agitations que nous connaissons depuis quelques années, avec diverses polémiques qui brouillent complètement l’évaluation fondamentale de la situation. Le rapport concerne à la fois la question de l’épuisement des ressources et, au-delà, d’une façon plus générale, le saccage catastrophique de l’environnement sous toutes ses formes, – ce que nous serions tentés de désigner plus simplement comme “la destruction du monde”, – et l’évolution du Système par rapport à ces choses, et sa responsabilité évidente et exclusive dans la forme constatée de cette dynamique. Cette question a, depuis quelques années, depuis que la catastrophe commence à chauffer (climatiquement ou pas), été notablement délayée, fractionnée, etc., par des polémiques fondamentalement réductionnistes. On pense évidemment, pour le cas spécifiquement envisagé ici, à la polémique sur le global warming, ou crise climatique. La question de la crise climatique n’est qu’une partie de la question bien plus vaste de l’entreprise générale de la “destruction du monde” et, comme tout processus réductionniste de cette sorte, son traitement spécifique et nécessairement polémique conduit à des positions directement ou indirectement idéologiques qui se réduisent à elles-mêmes, et s’enferment dans des débats de plus en plus contraints, de plus en plus repliés sur eux-mêmes, – cela, bien entendu, sans évoquer en plus les interférences des intérêts en jeu qui prennent le masque du désintéressement pour intervenir. Ainsi s’éloigne-t-on évidemment du débat qui est le cœur de tout, celui de la “destruction du monde”, qui est l’un des piliers du débat ontologique sur le Système : si le produit du Système est la “destruction du monde”, alors le Système est bien le Mal dans toute sa surpuissance et il ne peut être question d’autre chose que se battre contre lui jusqu’à sa mort complète, sans perdre de son énergie intellectuelle dans des interrogations sur des occurrences accessoires de ses effets… Face à cette observation qui emporte tout, la polémique sur le global warming fait penser à la fable habituelle sur la malade qui “meurt guéri”, puisque l’un ou l’autre parti, après des années de polémique épuisante, se retrouverait proclamant “ainsi j’avais raison” dans les fracas de l’effondrement du monde, après qu’il aurait été prouvé que, de toutes les façons, – et ce que nous savons d’ailleurs, – ce n’était pas la seule crise climatique, réelle ou pas, causée par l’action humaine ou pas, qui en était la cause. Dans ce cas, comme dans celui évoqué plus haut mais dans une autre occurrence, l’inconnaissance doit déployer toute sa vertu.

Quoi qu’il en soit, espérons qu’une bonne publicité sera faite finalement, ne serait-ce au moins que par l’Internet, à cet événement d’un rapport-1972, renouvelé cuvée-2012. Il s’agit effectivement de cette constante bataille contre le “négationnisme” de la grand crise, ou “crise haute” ; tout ce qui contribue à attirer l’attention sur la marche catastrophique du Système, quelles qu’en soient les conditions, est bienvenu. Il s’agit effectivement que les éléments épars véhiculés par le système de la communication contribuent tous à mettre en évidence la course catastrophique du Système, et la confirmation, dont ces rapports 1972-2012 sont une éminente contribution, de l’enchaînement surpuissance-autodestruction. Dans cette bataille pour la mise en évidence de la vérité du Système, les psychologies et les effets qu’elles subissent jouent un rôle central dans l’évolution des choses ; autant que de nous rappeler des échéances qui nous paraissent d’ailleurs bien optimistes, le rapport-2012 aura pour effet de renforcer la charge pesant sur la psychologie, pour que celle-ci perçoive encore mieux la réalité de la crise en cours, – d’ailleurs notablement plus grave et pressante que nous l’expose le rapport, qui ne prend en compte que la dimension économique (avec ses conséquences générales).

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