Basta ! | 26 mars 2012, par Ivan du Roy
Intensification du travail, surveillance accrue des salariés
par leur hiérarchie, pénibilités physiques toujours très présentes...
Tels sont les enseignements de la nouvelle étude sur l’exposition aux
risques professionnels que vient de publier le ministère du Travail.
Elle révèle un accroissement des situations de « tension au travail »
dans un contexte où le Medef, au nom de la compétitivité, cherche à
remettre en cause nombre de dispositions du droit du travail.
Les conditions de travail se dégradent-elles ? Quelles sont les contraintes et pénibilités qui pèsent sur les salariés ? Et les risques encourus ? L’enquête « Sumer » (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels) nous livre une photographie, bien plus étayée qu’un vulgaire sondage, de la situation des 22 millions de salariés français. Cette étude lancée par la direction générale du travail (DGT) et la Dares [1] est réalisée tous les 9 ans par 2 400 médecins du travail auprès de 48 000 salariés du privé et du public.
Une fois n’est pas coutume, commençons par quelques aspects positifs. Il y a vingt ans, près d’un salarié sur trois travaillait plus de 40 heures par semaine. Ils ne sont plus que 18 % aujourd’hui, grâce notamment aux 35 heures. Cette diminution du temps de travail demeure cependant virtuelle pour un cadre sur deux, au bureau plus de 40 heures par semaine (48 % aujourd’hui contre 63 % il y a vingt ans). Dans les ateliers ou sur les chantiers, les contraintes physiques intenses baissent légèrement. Elles concernent les personnes obligées de travailler debout, de porter des charges lourdes, d’effectuer des gestes répétitifs (le travail à la chaîne, par exemple) ou soumis à des vibrations. En 1994, près de 46 % des salariés étaient ainsi régulièrement confrontés à au moins une de ces contraintes [2]. Cette proportion descend en dessous de 40 % en 2010. Soit près de 9 millions de personnes. Sans surprise, ce sont principalement les ou
Les conditions de travail se
dégradent-elles ? Quelles sont les contraintes et pénibilités qui pèsent
sur les salariés ? Et les risques encourus ? L’enquête « Sumer »
(Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels) nous
livre une photographie, bien plus étayée qu’un vulgaire sondage, de la
situation des 22 millions de salariés français. Cette étude lancée par
la direction générale du travail (DGT) et la Dares [1] est réalisée tous les 9 ans par 2 400 médecins du travail auprès de 48 000 salariés du privé et du public.Des salariés davantage surveillés
Une fois n’est pas coutume, commençons
par quelques aspects positifs. Il y a vingt ans, près d’un salarié sur
trois travaillait plus de 40 heures par semaine. Ils ne sont plus que
18 % aujourd’hui, grâce notamment aux 35 heures. Cette diminution du
temps de travail demeure cependant virtuelle pour un cadre sur deux, au
bureau plus de 40 heures par semaine (48 % aujourd’hui contre 63 % il y a
vingt ans). Dans les ateliers ou sur les chantiers, les contraintes
physiques intenses baissent légèrement. Elles concernent les personnes
obligées de travailler debout, de porter des charges lourdes,
d’effectuer des gestes répétitifs (le travail à la chaîne, par exemple)
ou soumis à des vibrations. En 1994, près de 46 % des salariés étaient
ainsi régulièrement confrontés à au moins une de ces contraintes [2].
Cette proportion descend en dessous de 40 % en 2010. Soit près de
9 millions de personnes. Sans surprise, ce sont principalement les
ouvriers, les employés de commerce et de service, le secteur de la
construction et le monde agricole qui sont les plus exposés, avec comme
possible conséquence des problèmes de dos, des douleurs aux
articulations et des troubles musculaires. Seule l’exposition au bruit
progresse : un salarié sur cinq travail dans un environnement sonore
supérieur à 85 décibels, soit le bruit d’un camion roulant à 50 km/h.
Intensification du travail
Malgré un recours de plus en plus grand
aux molécules chimiques dans l’industrie, l’exposition globale aux
produits chimiques diminue depuis 2003. Un salarié sur trois est exposé à
au moins un produit dangereux dans le cadre de son travail avec, en cas
de contact, des risques immédiats – brûlure irritation, réactions
allergiques – ou différés dans le cas des cancérogènes. Ce qui concerne
quand même plus de 7 millions de salariés, là encore principalement des
ouvriers qualifiés et non qualifiés. Une « décrue » liée au « renforcement de la réglementation » depuis 2001, conséquence, entre autres, des grandes mobilisations sur l’amiante.
Ces légères améliorations se font
cependant dans un contexte d’intensification du travail. Contraintes de
rythme, quantité de travail excessive, polyvalence, objectifs
irréalistes ou flous, ou instructions contradictoires se multiplient au
sein des entreprises. Le nombre de salariés soumis à au moins trois
contraintes de rythme – lié à la cadence automatique d’une machine, à la
dépendance immédiate vis-à-vis du travail de ses collègues, aux normes
et délais de production à respecter en moins d’une journée, ou au
contrôle permanent de la hiérarchie… – passe de 28 % à 35,5 %. « L’intensité du travail est l’une des principales dimensions des facteurs psychosociaux de risque au travail »,
rappelle l’étude. Et ce risque concerne 7,7 millions de personnes,
aussi bien les ouvriers, les employés et les cadres. Travailler plus en
moins de temps, voilà un nouveau slogan…
Des salariés davantage surveillés
« La proportion de salariés
contrôlés en permanence par leur hiérarchie s’est accrue entre 2003 et
2010, notamment pour les employés de commerce et de service »,
souligne encore l’étude. Cette surveillance permanente concerne plus
d’un salarié sur quatre. Le contrôle informatisé, lui, continue de
s’étendre partout, aussi bien dans l’industrie que dans les services, et
touche autant les cadres que les ouvriers qualifiés. Si, globalement,
le temps de travail hebdomadaire diminue, la flexibilité du temps de
travail s’accroît. Le travail le dimanche et les jours fériés augmente,
concernant 31 % des salariés, principalement dans le commerce. Ceux-ci
sont également confrontés à la multiplication des horaires variables. Un
salarié sur dix demeure soumis à des horaires imprévisibles d’une
semaine à l’autre !
L’intensification du travail – davantage de sollicitations en moins de temps – s’accompagne d’un « net accroissement » des situations de « tension au travail » :
lorsqu’un salarié est confronté à une forte demande (rythme, objectifs,
diversité des tâches à accomplir…) sans disposer de la marge de
manœuvre nécessaire pour y répondre. De plus, la part de salariés
estimant rencontrer un comportement hostile (22 % des salariés) ou
méprisant (15 %) au travail augmente de manière notable. Cette charge
psychologique vient ainsi s’ajouter à des pénibilités physiques qui
diminuent très lentement. À l’heure où l’on ne parle que de
compétitivité ou de réduction des coûts, il serait peut-être temps que
ces questions liées aux conditions de travail et aux conséquences
qu’elles font peser sur la vie quotidienne des salariés émergent dans la
campagne électorale.
Photos : The Library of Congress
Notes
[1] Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques.[2] Au moins 20 heures par semaine pour la manutention manuelle de charges, pour le travail debout, au moins 2 heures par semaine pour les autres contraintes posturales (position à genoux, maintien de bras en l’air, posture accroupie, en torsion, etc.).
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