Terre et Arc en Ciel | lundi 5 septembre 2011
Ma plus belle évasion" de Michel Vaujour.
Je crois qu’on peut tout réussir, vraiment tout, si on est prêt à tout sacrifier, même, et surtout, ce que l’on croit être.
La pire des prisons est celle dans laquelle l'esprit peut s'enfermer, se figer.
On peut tout dépasser et même qu’on a tout à y gagner, à tout dépasser.
J’ai eu la chance d’être obligé d’aller plus loin que la norme. Et de tenir.
Et plus le chemin est dur et plus on finit par découvrir des forces au fond de soi, des forces dont on ignorait la présence. Des forces qu’on ignorerait d’ailleurs peut-être toujours, si on n’avait pas été obligé d’aller plus loin.
Michel Vaujour, beaucoup en on entendu parlé, ayant fait la une des journaux et des informations télévisées. Il a passé vingt-sept ans en prison, dont dix-sept en isolement total, dans les quartiers « Haute Sécurité », n’ayant jamais tuer, ni violer, ni profiter de quelque argent volé. Un destin. Un destin où il a fallu être enfermé pour se libérer.
Il en est sorti, en 2003, après une remise de peine de seize ans, profondément transformé, et a publié « Ma plus belle évasion », livre dans lequel il évoque sa transformation intérieure grâce au yoga et à la méditation.
Question : Comment vous êtes-vous retrouvé en prison ?
Michel Vaujour : Simplement, comme pour beaucoup de jeunes garçons avec une énergie anarchique : j'ai volé des voitures dans une ville de province grise où je m'ennuyais ferme, pour aller danser... J'ai été condamné bien au-delà de ce que j'aurais dû, à deux ans et demi de prison et cinq ans d'interdiction de séjour, ce qui était aberrant, une sorte d'exil. Peu après ma sortie, je me suis fait arrêter alors que je conduisais sans permis. Vue l'expérience que je venais d'avoir, je me suis sauvé. J'ai couru comme ça pendant trente ans, parce qu'à chaque fois qu'on m'arrêtait, je m'évadais ; et à chaque fois que j'étais repris, la peine était plus lourde. À 25 ans, j'avais déjà vingt-cinq ans de prison à faire ! Dans ma cellule du quartier de haute sécurité, j'ai découvert la solitude et le silence, 24 heures sur 24. Je ne parlais pas avec les surveillants.
Vous dites qu'alors, vous avez éradiqué toutes vos « faiblesses mentales ». De quelle manière avez-vous réussi à les dépasser ?
J'avais envie de mourir. Cet appel de la mort, je m'en suis servi comme dernier moyen pour m'en sortir. Il fallait contrôler cette impulsivité, cette non-maîtrise, qui m'avait amené jusque-là. J'ai découvert le yoga et je suis rentré dans un autre monde. Dans ma minuscule cellule, la lumière artificielle était omniprésente, j'étais cerné de béton et je ne voyais pas même le ciel. Un espace hors temps, hors tout. Le yoga s'engouffra dans le vide existentiel qu'était devenue ma vie et, au fil du temps, tout, absolument tout, devint yoga. De l'éveil, vers 5 h, jusqu'au coucher, je me vouais au yoga, comme d'autres en d'autres lieux de silence et de solitude se vouent à Dieu. Même en m'endormant, j'observais mon sommeil... Ce que j'ai compris dans le yoga, c'est que cette ascèse, à haute dose, et bien employée, permet de se sculpter soi-même. Vous devenez ainsi ce vers quoi vous tendez.
Vous dites souvent que « tout ce qui est vivant se transforme ». En quoi est-ce important d'en prendre conscience ?
Sans cela, on a tendance à se figer, à s'enfermer dans une image flatteuse de nous-même, alors que tout ce que nous sommes est impermanent. De petit deuil en petit deuil de ce que nous croyons être, vient l'acceptation profonde de cette loi de la transformation, qui nous permet d'accueillir pleinement ce qui nous est offert, d'accomplir totalement notre chemin d'humanité et de mourir en paix. La seule chose qui nous appartienne, c'est la vie. Au-delà, je ne sais pas. Mais le simple fait d'être vivant est le miracle. Vivre cela fait de chaque jour un acte de grâce. Je ne sais pas de quoi sera fait l'avenir pour moi, mais jamais je ne cracherai sur la vie. Je crois, par ailleurs, que quand l'homme croit vraiment en quelque chose, qu'il le vit de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces dans l'ascèse, l'éthique, alors le suggestif s'incarne en lui. C'est une sculpture qui n'a de fin qu'à l'instant du mourir.
En prison, vous étiez isolé, mais pas seul...
Jamais. Durant les cinq dernières années, j'ai entretenu une correspondance quotidienne de plusieurs heures avec une jeune visiteuse de prison, étudiante en droit à l'époque, qui est ensuite devenue ma femme. C'est elle qui m'a aussi permis de me remettre en question. Jusque-là, j'avais toujours vécu dans le rapport de force. Je ne m'étais jamais ouvert à qui que ce soit. J'ai commencé à échanger avec elle d'égal à égal et cela m'a amené à une véritable ouverture. À elle d'abord, puis le phénomène s'est élargi à tous. Elle m'a appris à dépasser ma petite personne, à sabrer mon ego. Sur le même principe de la transformation, j'ai détruit méthodiquement ce que j'avais construit précédemment, et ça m'a ouvert pleinement à la vie. Cette expérience m'a permis de comprendre que la pire des prisons est celle dans laquelle l'esprit peut s'enfermer, se figer et nous séparer du vivant, de la vie. S'évader de cette prison-là est la plus essentielle des évasions. Le lâcher-prise, l'acceptation profonde des différences, l'amour, en sont les clés.
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