Marc Lafontan | Au bout de la route | 3 septembre 2011
Observation personnelle : une histoire, parmi tant d'autres, dans le quotidien de la France de Sarko... devant cette histoire de fou, qui me révolte au plus profond de mon épiderme, je ne peux que remarquer que personne, dans la longue chaîne de connards qui se sont contentés de suivre les ordres, n'a trouvé que c'était peut être un peu trop, ou franchement trop face à la situation .. tout le monde se contente de suivre les procédures, si possible en renforçant en cours de route son propre power de petit tyran , et se lavant les mains sans arrière pensée des conséquences de leurs actes .. incroyable comment la société est devenue, on peut bien jaser de la population allemande et se demander comment ils n'ont jamais vu leur propre société glisser vers le fascisme dans les années 30 ... beuarrrkk .. gang de lâches, gang de larves, gang de moutons ...
Histoire d'un RMI'ste poursuivi pour avoir recherché l'emploi (source Médiapart)
Par ce temps de crise, tout le monde essaie de «s'en sortir», comme il peut. Certains «arrondissent» leurs fins du mois avec les enveloppes-craft de chez Mme Bettencourt. D'autres voyagent dans les jets privés des gouvernants-mafieux ou se font héberger dans des palaces aux frais de dictateurs. Et les chômeurs, les pauvres et d'autres RMI'stes? Comment font-ils? Ben, eux, privés de yachts d'oligarques et exclus de salons des voyous, «se débrouillent comme ils peuvent».
Justement, le Tribunal Correctionnel de Castres va juger un de ces « vilains débrouillards »...
Monsieur P., chômeur de longue date et « profiteur » du RSA, sera jugé pour le « travail dissimulé » en tant que « professionnel en informatique », « se soustrayant à l'obligation de requérir son immatriculation au répertoire des métiers ou des entreprises ». Pendant qu'il se livrait à ses activités clandestines, ce délinquant a « frauduleusement bénéficié » des allocations sociales, « indûment obtenu » des prestations de Sécurité Sociale et s'est soustrait à l'impôt sur le revenu - fraude fiscale à la clef !
Monsieur P. risque gros. Il doit être sévèrement réprimé. La peine encourue: emprisonnement de 3 ans et amende de 45.000 euros - au moins. Regardons de plus près le parcours de ce grand délinquant et minable fraudeur, qui a indûment profité de la charité publique. Comment a t'il pu tromper tout le monde ?
Monsieur P. a 58 ans. Dans la vie professionnelle il était gérant de diverses entreprises de presse et d'informatique. Il possède 3 diplômes universitaires, notamment une MBA (Mastère anglo-saxon de gestion) obtenu à Londres. Célibataire sans enfants, il vit seul, avec un chien. Son dernier emploi salarial, il l'a perdu en 1992. Depuis cette date, il cherche à retrouver un emploi. Comme beaucoup d'autres, il a envoyé des milliers de lettres de candidature. Quand il reçoit une réponse, c'est une lettre-type de condoléances : « désolé, nous regrettons, vous encourageant, merci !». Il y a eu une période où il choisissait les postes en fonction de ses qualifications et compétences. Las et acculé, maintenant il répond à tout, sans distinction ni de travail proposé, ni de salaire. Mais, il est toujours « trop » ou « pas assez »... C'est ainsi qu'en postulant pour une place de l'ouvrier agricole, tailleur de vigne au SMIC, il s'est vu opposer « pas assez qualifié »... On ne veut pas d'intellectuels dans la vigne ? Peut être... Il est vrai que, sur le « marché d'emploi » actuel, même pour exercer en tant qu'un « agent de surface » (balayeur municipal, en langage clair...), faut avoir des « qualifications », diplômes ou certificats divers. Et, l'expérience de 2 ans - maximum. Pas plus - interdit d'être « vieux » ! Personne ne veut des « vieux ». Ils ont « trop » de quelque chose - « trop qualifiés », « trop d'expérience » et « pas assez ». Pas maniables, pas manipulables, ils « ne s'intègrent pas » dans l'image jeuniste de l'entreprise qui se doit être « djeune » et « branchouille », « sexy » de préférence. Et, on est « vieux » à partir de 35 ou 40 ans... Après, interdit de postuler ! Faut rester à la maison, siroter de la bière devant le foot à la Une et surtout - « pas bouger » ! Couché !
Têtu, monsieur P. n'a pas voulu accepter cela. Il ne se sent pas « vieux ». Il veut sortir de l'assistanat, ne veut pas vivre à la charge d'autres. Il croit que chacun sait faire quelque chose d'utile, que chacun peut donner, contribuer à la vie de la société. Qu'il faut être responsable de sa vie, ne pas rester passivement dans l'exclusion, mais qu'il faut agir, « prendre son destin entre ses mains ». Créer, inventer. De surcroît, et comme tout allocataire RSA, il est tenu à « la recherche active de l'emploi ».
Justement, en arrivant à Lacaune, petite ville dans la Montagne Noire de Tarn, il s'est dit qu'il faut « tout recommencer à zéro ». Le déménagement était une bonne occasion pour commencer une « nouvelle vie ». Une nouvelle assistante sociale lui a fait signer un nouveau « contrat RSA » qui l'oblige à « l'insertion par la recherche active d'emploi ou projet de création d'entreprise ». La nouvelle conseillère du Point Emploi vérifiait scrupuleusement les candidatures envoyées et les réponses obtenues, demandait de « ne pas attendre nos offres » (ANPE), mais d' « envoyer ses candidatures spontanées tout seul, à des entreprises locales ».
Bon, bon... Alors, Monsieur P., a pris tout ça à la lettre. Il a fait ce qu'on lui a demandé. Et, il l'a fait très consciencieusement et très professionnellement, le mieux qu'il sait faire - forcement, il est un « professionnel confirmé »... Il a crée un site Internet présentant son CV et décrivant ce qui sait faire. Avec son RMI il a acheté le fichier de toutes les entreprises de Lacaune, a confectionné les lettres de candidature et a fait imprimer une plaquette de présentation de ses compétences. Tout en termes « actifs », comme on l'a appris dans des divers cours pour la « remise à niveau » de chômeurs « usagés et usés » : non « j'ai fait » ou « je peux faire », mais « je fais », « je sais faire »... Tout au présent, pour montrer qu'on est « toujours dans le coup » ! Et, toujours à ses propres frais, il a envoyé le tout par des vagues de mailings postaux. Une lettre personnalisée a été même envoyée au Monsieur le Maire de Lacaune, pour l'informer et demander son aide. Avec la mention manuscrite «je vous remercie d'avance, Monsieur le Maire, pour tout aide et votre concours qui pourraient m'aider dans ma démarche.... salutation respectueuses... signature».
Résultat ? « Comme d'hab » : une vingtaine de lettres-types de « condoléances encourageantes » de la part des entreprises qui ont bien reçu les lettres, ont tout compris, mais n'ont besoin de rien. Et - un résultat inhabituel : une lettre est tombée entre les mains d'un responsable de la piscine municipale. Lui, il a réagi. Visiblement, ce fonctionnaire aussi consciencieux que méticuleux a trouvé « très suspect » que quelqu'un d'inconnu se présente - spontanément ! Qu'il cherche à faire quelque chose. Qu'il envoie des propositions, veut travailler... Étrange ! Suspect, ça... Il a donc donné la lettre à son Maire qui a jugé qu'un RMI'ste qui ne reste pas tranquillement à la maison, ne se contente pas de « profiter de ses allocs », mais qui veut faire quelque chose - trouble l'ordre établi. Le Maire a donc dénoncé ce « grand criminel » devant le Procureur de la République, qui a enclenché les poursuites.
Monsieur P. n'en savait rien. Il a mené son petit train-train de vie misérable, tout seul.
Un jour il a reçu une convocation de la gendarmerie « dans l'affaire vous concernant ». Arrivé à 9h du matin, il s'est vu notifier la garde à vue pour motif de « travail dissimulé ». Étonné, il a demandé l'entretien avec un avocat, comme la Loi le prévoit. Le gendarme a téléphoné à la permanence, personne n'était disponible, personne n'est venue. Intimidé, sous pression, Monsieur P. a refusé la poursuite de l'audition, comme la Loi l'autorise. Il a été menotté, menacé et s'est entendu dire que « cela ne sert à rien », et qu'il va « rester en prison pendant une semaine », jusqu'à que quelqu'un « vient dans cette campagne » pour s'intéresser à lui. Le gendarme est sorti.
Une ½ heure après, il est revenu en proposant à Monsieur P. de l'aider « dans le but de rechercher la vérité ». Monsieur P., bon citoyen respectueux des lois, a donc accepté d'aider ce gentil fonctionnaire, chargé de l'haute mission du «service de l'ordre public». L'audition a donc commencée, grands moyens déployés. Une équipe d'une quinzaine des policiers s'est déplacée pour perquisitionner sa maison. Tous ses ordinateurs ont été saisis, disques durs vidés et analysés par une équipe technique « NTI » spécialement venue d'Albi. Des documents saisis. Des tiroirs retournés, maison entière passée au peigne fin. Sa vie scrutée en détails, comptes bancaires ouverts, courriers lus. Il a compris que, depuis des mois, sa vie été surveillée, ses correspondances ouvertes, comptes analysés, déplacements observés. A mi-journée, ration militaire au biscuit sec et l'eau fraîche en guise de repas. Seul repas dans la journée... Nuit venue, jeté dans un cachot humide, sans collation ni toilette, sur une banquette en béton froid, couverture miteuse, un trou pour pisser, pas de papier de toilette. Matin, réveil aux aurores, rebelote. Ni à boire, ni à manger. Garde à vue renouvelée, deuxième jour d'audition. Toujours aucune trace d'avocat. Ses observations écartées d'un geste de la main : « on n'a pas le temps pour des conneries ». Photos de face et de profil, empreintes dactylographiques et génétiques pris, l'identité judiciaire complète réalisée. Visiblement, à l'encontre de « grands criminels » l'État est efficace, on sait comment «plier» ces gens-là !
Au bout de 48h tout le monde était épuisé, mais content - la maréchaussée comme le « grand criminel ».
Les militaires ont accompli leur mission. Certes, ils ont vu la pauvreté du prévenu et la misère de son habitation, n'ont trouvé aucun « revenu dissimulé » ni la vente de « services informatiques ». Son projet professionnel a visiblement échoué. Pas de « train de vie luxueux » ni du liquide caché. Dommage ! Par contre, ils ont obtenu les « preuves » qu'on attendait d'eux : l' « aveu » de ventes sur eBay des vieilleries, objets usagés appartenant à Monsieur P. Un site Internet appartenant au criminel a été découvert, qui a reconnu de l'avoir réalisé lui-même ! Et, en scellé judiciaire - saisie d'une lettre A/R que le délinquant a adressé à Monsieur le Procureur de la République, utile dans le cas ou ledit Procureur ne l'aurait déjà reçu par la poste... Les conclusions des gendarmes : « vous étés l'escroc encore plus fort qu'on a pensé : vous vous organisez en pauvreté, dissimulez vos millions en Suisse, pour profiter du RMI en France ! ». Car, il est de notoriété publique, que tous les millionnaire du monde entier viennent en France pour profiter de notre généreuse assistance sociale...
Le prévenu était content aussi : au bout de 48h passés sans boire ni manger, épuisé, il pouvait enfin rentrer à la maison et donner à manger à sa vieille chienne qui est restée deux jours seule, sans soins, eau, ni à manger. Et - aller chez le médecin, pour soigner la crève attrapée dans le cachot humide de la gendarmerie...
Voilà l'histoire... Alors, depuis 2 ans monsieur P. attend son procès. Entre le temps, il a renoncé à toute « recherche active de l'emploi ». Il a compris - une fois, ça suffit. Il a retenu la leçon, ne fera plus rien, on ne le prendra plus ! Désormais, il va rester jusqu'au bout de sa vie assisté, entretenu par les autres, au RMI. Et c'est avec une certaine mélancolie qu'il écoute les odes sur l' « aide à la création de l'entreprise », « lutte contre le chômage », « explosion de la pauvreté », « assistanat », « récession » ou « perte de la compétitivité du pays »... À part ça, il pense que la France est le seul pays du monde ou un chômeur qui essaie de s'en sortir, de créer son entreprise ou trouver un emploi, est poursuivi. Et il n'a plus d'envie ni d'espoir de changer quoi que ce soit. Il restera à « sa place » de pauvre, d'un RMI'ste assisté, ne va plus vouloir « améliorer le monde ». Il attend aussi la réponse de la Justice. Il a déposé plainte pour « dénonciation calomnieuse ». Il espère que sa plainte contre « X » calomniateur qui l'a dénoncé, sera examinée dans les mêmes conditions que celle de Monsieur le Maire : surveillance rapprochée, fouille au corps, 48 heures de garde à vue, faim, soif, hurlements, perquisition, nuit au cachot, empreintes DNA, absence d'avocat... Et qu'un procès à l'encontre de ce délateur aura lieu.
L'audience se tiendra le 21 septembre 2011 à 14h devant le Tribunal Correctionnel, 4 rue du Palais à Castres (81, Tarn).
Médiapart
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