29 mars 2012

Comment Sarkozy a enterré l’écologie

Basta! | 28 mars 2012 | Par Sophie Chapelle


Le Grenelle de l’environnement, c’était il y a bien longtemps. Que reste-t-il de ce début en grande pompe du quinquennat ? Le transport routier a-t-il reculé ? Les énergies renouvelables se sont-elles développées ? L’agriculture bio a-t-elle été soutenue aux dépens des pesticides ? Basta ! tire le bilan des quatre grandes arnaques écolos du président-candidat.
 
 


Ce devait être « un New Deal écologique », selon Nicolas Sarkozy. La signature, en octobre 2007, des 268 engagements issus du Grenelle de l’environnement devait incarner « l’acte fondateur d’une nouvelle politique ». Le nouveau chef de l’État avait su mettre autour d’une même table organisations environnementales, syndicats, patronat et collectivités locales. Ce que n’avait jamais envisagé de faire ni le gouvernement de gauche plurielle ni Jacques Ch
Arnaque n° 4 : les pesticides plutôt que le bio irac. On allait voir ce qu’on allait voir. Au bout de cinq ans, 2 lois et 128 décrets, force est de constater que nous n’avons pas vu grand-chose, alors que le ministère de l’Écologie est en vacance pour cause de campagne électorale.

« Le Grenelle était avant tout une autopromo élyséenne », fustige Stephen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’environnement. En moins de cinq ans, les mesures de « rupture » se sont perdues en chemin. Cerise sur le gâteau, Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre de l’Écologie, a annoncé sa démission le 22 février, afin de devenir porte-parole du « président-candidat ». C’est désormais François Fillon qui a repris ses attributions. Pas sûr que le président sortant accepterait aussi facilement la vacance du ministère de l’Économie et des Finances…

Arnaque n° 1 : le transport routier favorisé


« Toutes les décisions publiques seront désormais arbitrées en intégrant leur coût pour le climat et la biodiversité, affirmait Nicolas Sarkozy il y a à peine cinq ans. Très clairement, un projet dont le coût environnemental est trop lourd sera refusé. » Ce principe fondamental n’a pas été traduit dans les textes de loi. De nombreux chantiers ont vu le jour malgré leur très lourd coût environnemental. Le 17 janvier 2012, le Président a notamment confirmé le lancement de l’appel d’offres du projet A45 entre Saint-Étienne et Lyon. Son tracé longe une liaison ferroviaire et constitue le doublon d’une autoroute existante, l’A47 (lire notre article). Un an plus tôt, le ministère de l’Écologie a présenté l’avant-projet de Schéma national des infrastructures de transport (Snit), qui prévoit 732 kilomètres d’autoroutes supplémentaires en France, venant s’ajouter aux quelque 10 000 km existants. Augmenter de presque 10 % la pieuvre autoroutière, ce n’est pas vraiment « le changement de paradigme » qu’on pouvait espérer du Grenelle de l’environnement.

Le gouvernement n’a pas cessé d’accorder des avantages concurrentiels à la route. Le 6 septembre 2011, à l’occasion d’une rencontre avec les salariés d’une société de transport, le Président affirme que l’augmentation du report modal – vers le transport ferroviaire, fluvial et maritime – ne se fera pas au détriment du transport routier. Mieux, il « regrette que l’autorisation de circulation des 44 tonnes ne soit pas directement généralisée au-delà du seul transport de marchandises agricoles » (lire ici). Nicolas Sarkozy peut être rassuré. La part du ferroviaire et du fluvial a diminué de 12 % entre 2006 et 2009. Et si le ministère de l’Écologie se réjouit de l’augmentation des lignes de tramways, elles sont principalement financées par les collectivités locales… Dans le même temps, Sarkozy multiplie les appels du pied aux transporteurs routiers : après avoir allégé la taxe à l’essieu en 2008, il a également repoussé la taxe kilométrique poids lourds en 2013. C’est très discrètement que le Parlement a adopté le 29 février 2012 la levée de l’obligation d’un sixième essieu pour les 44 tonnes, ce qui va accroître l’usure des routes [1]. Or, le transport routier représente le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 27 % des émissions totales françaises, rappelle l’Union Solidaires Transports.

Arnaque n° 2 : les énergies fossiles subventionnées


Le secteur aérien, le plus énergivore par passager et kilomètre parcouru, est lui aussi préservé. L’aéroport Notre-Dame-des-Landes est bien inscrit dans le projet de Schéma national des infrastructures de transport (lire nos articles), et le kérosène reste le seul carburant exonéré de taxes pour les vols intérieurs. Un manque à gagner de 1,3 milliard d’euros qui n’a pas échappé à la Cour des comptes. Dans un rapport sur l’impact budgétaire et fiscal du Grenelle de l’environnement publié le 18 janvier 2012, elle constate que le « réexamen des dépenses fiscales défavorables à l’environnement (…) fournirait des marges de manœuvre très importantes qui permettraient aisément d’équilibrer le volet fiscal du Grenelle ». La seule suppression du taux réduit de la taxe sur le gazole et le fioul domestique permettrait de dégager des marges de manœuvres fiscales à hauteur de 16 milliards d’euros pour, par exemple, financer la rénovation thermique des bâtiments trop énergivores.

Au contraire, « la crise a eu raison des incitations fiscales pour la rénovation des logements, en supprimant l’aide pour les propriétaires de logements anciens », relève l’association les Amis de la Terre. Cet abandon en rappelle un autre : la « contribution climat énergie », initialement appelée « taxe carbone », devait être « la » mesure permettant d’asseoir enfin une fiscalité écologique efficace en France. En décembre 2009, le Conseil constitutionnel estime que les nombreuses exonérations inscrites dans le texte de loi créent une rupture de l’égalité devant l’impôt et rejette la nouvelle taxe. En matière de fiscalité écologique, au sens entendu par le gouvernement, seuls la prime à la casse et le bonus-malus ont été mis en œuvre, dopant l’achat de véhicules neufs, certes un peu moins polluants.

Arnaque n° 3 : les énergies renouvelables stagnent

La loi Grenelle 1 affiche l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici à 2020, un objectif partagé par les pays européens. Or, les dispositions de la loi Grenelle 2 ont rendu plus contraignantes les règles d’implantation d’éoliennes avec un seuil minimum de cinq éoliennes par parc. Surtout, elle les considère comme des « installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE, voir notre analyse), au même titre qu’une décharge ou qu’un oléoduc. L’élan de la filière photovoltaïque est également stoppé avec la dégringolade des tarifs de rachat, et malgré la demande des industriels du secteur de dégonfler progressivement la bulle spéculative qui s’était constituée. 10 000 à 15 000 personnes ont été licenciées à la suite des décisions politiques prises en 2010 et en 2011 (lire ici). Résultat, la part des énergies renouvelables n’atteignait dans la consommation d’électricité que 14,6 % en 2010… soit le même niveau qu’en 1997.

Le gouvernement a-t-il fait mieux dans la maitrise de la consommation d’énergie ? Nathalie Kosciusko-Morizet avait promis une révolution énergétique avec la nouvelle réglementation thermique (RT 2012) encadrant les constructions neuves. Le manque de formation des professionnels, les mauvais calculs des performances thermiques, les faibles contrôles et l’absence de transparence analysés ici par Basta ! révèlent une terrible imposture. Et l’incapacité du gouvernement à penser l’émergence de nouvelles filières industrielles.

Arnaque n° 4 : les pesticides plutôt que le bio


Sur le papier, enfin, c’est vive le bio ! Dans les faits, le gouvernement a assoupli les normes d’épandage et autorisé l’augmentation des rejets de nitrate. Et a réduit les aides à l’agriculture biologique. La loi de finances 2011 stipule que le crédit d’impôts alloués aux agriculteurs qui se convertissent en bio sera divisé par deux (il passe de 4 000 à 2 000 euros). Lors du fameux Grenelle de l’environnement, le gouvernement avait promis de multiplier par trois la surface des champs cultivés en bio, histoire de grimper à 6 % de surface agricole utile. Aujourd’hui, la France n’aligne que 2,5 % de surfaces cultivées en bio contre 15,7 % en Autriche.

Autre promesse non tenue : alors que la France s’était engagée à réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2018 grâce à son plan Ecophyto, elle reste le premier pays européen consommateur de pesticides. Au même moment, la recherche en santé environnementale est mise à mal. Ainsi, la décision de suspendre un registre sur les malformations congénitales va à l’encontre des dispositions du Grenelle et du Plan national santé environnement, qui insistent sur l’urgence de mieux connaître les facteurs toxiques qui affectent les nouveau-nés (lire notre article). « L’environnement, ça commence à bien faire », avait lâché le Président désormais candidat lors de l’édition 2010 du Salon de l’agriculture. À l’aune du maigre bilan sur le sujet, c’est peut-être sa seule déclaration vraiment sincère.

Sophie Chapelle

Notes

[1] En permettant aux camions de circuler avec quatre tonnes de plus sans avoir à ajouter un essieu supplémentaire, cette disposition va entraîner l’usure accrue de la route, engendrant un supplément annuel d’entretien de 400 millions d’euros, selon le conseil général de l’Environnement et du Développement durable.

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